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Tania LLINARES “OUT OF FRAME”

« Je ferai de l’art comme on fait le pain, je ferai de l’art comme on fait son jardin »

Chacune des phrases comme celle-ci, écrites sur chacune des toiles de la série « OUT OF FRAME » constitue un article d’une étonnante déclaration. Plasticienne, l’artiste est en effet écrivain, d’abord. Sa première toile a surgi alors qu’elle avait 16 ans et découvrait la poésie de Baudelaire. Les mots de Goethe, Jarry, et plus que tout autre de Rimbaud ont été ensuite des révélateurs et des manivelles. Depuis, Tania écrit sur tout ce qu’elle a sous la main (...) Chacun de ces textes tient de l’incantation, de la comptine. Chacun d’entre eux formule une quête d’harmonie, en imagine les recettes. Sensuelle et joyeuse : Tania est d’abord une phénoménale pythie de la vitalité. Dévoreuse de mythes fondateurs - faisant la part belle à la femme en particulier - elle s’est, à certaines périodes, engloutie dans la lecture des mythologies, des traités d’alchimie (...), se surinformant « au risque de la folie », se souvient-elle (...) Dans chacun de ces écrits, l’amour, « dieu premier », est le héros (...)

Porté par les fluides, les flux, les énergies, comme le font certains créateurs d’art brut,son art n’est pas conceptuel, il est poétique. Impérieusement nécessaire, la transmission des émotions se traduit en mots et aussi en images (...) Lorsque la toile jaillit, elle se construit telle une page d’écriture. Avec une ligne claire, ferme, précise, Tania dessine des figures simples ; des corps, essentiellement, souvent solitaires, parfois accouplés, dont les attitudes emblématiques s’apparentent aux carac­tères d’un alphabet inédit. Autour d’eux ou en travers d’eux, des mots cernent ou résillent.

Peintre Zoographe

Tania Llinares

« Je suis une peintre Zoographe : j’écris le vivant » dit-elle. Calligraphe et enlumineuse, elle invente en combinant lisible et visible une forme de « poésure-peintrie », qui s’inscrit dans la recherche d’un art total, menée par les héros de la modernité depuis l’aube du XXème siècle et au-delà, dans une histoire de la peinture typiquement occidentale, fenêtre de nos désirs, miroir de nos inquiétudes. Fabricant des livres-objets, elle peint, surtout, depuis vingt ans, des séries de toiles. Telles des succes­sions de prédelles médiévales, chaque cycle évoque les différentes facettes d’une même quête, d’une pareille attente. Il discipline, à l’aide d’un format unique et d’un seul thème, l’abondance des choses à dire. « Femme à sa fenêtre », « Beaux bars », « No naked mo­dels », « Coincidentia contrariorum », autant de collections qui, mises bout à bout, recouvrent des surfaces immenses. Tania, qui vendit à une époque « de la peinture au mètre et de la sculpture au kilo », se dit « serial painter ».

« Si je ne peux grandir mon corps au-delà de ce format débile, je grandi­rai mon âme et porterai mon regard, celui du coeur, à l’orée d’un espace agrandi...Là, mes rêves se pareront de l’habit qui sied au semblant du bonheur », dit l’héroïne de « Out of frame » Sur de grands pans de toile libre, une silhouette féminine campe, parfois vêtue d’un treillis militaire, d’autres fois d’un costume de fête. Ici elle arbore sous un plâtre une fracture, là, sous une casquette, un visage de fée. Fixée à l’aide d’épingles à nourrice sur de grands cintres en fer forgé, chacune des 49 toiles de la série donne le sentiment d’être prête à emporter. La figure féminine habitant chacune des compositions s’interroge sur la manière de se libérer, de la toile, du cadre en général, de toutes les formes d’obligations. « Pa­roxysme de l’oeuvre autobiographique, journal intime très peu extrapolé », elle n’en paraît pas moins emblématique, tant son caractère épuré confine à l’archétype, à l’emblème, au blason. « Pop au sens d’accessible, vecteur facile d’idées », elle est traitée par aplats de tons vifs, cernée d’une ligne noire et forte. Héritière des pratiques de la Figuration Libre, et au-delà, de la tradition spontanée apparentée au dessin d’enfant - surgie avec le Surréalisme au début du XXème siècle, renouvelée par le groupe Cobra durant les années 40 et rafraîchie vingt ans plus tard par de fortes personnalités dont Nikki de Saint Phalle et Michel Macréau - , la manière de Tania possède une lisibilité et une fraîcheur resplendissante.

Plus poétiques que jamais, les textes, choisis ou inventés, inscrits en travers de ces images, flottant au vent parlent de ces « ailes qui poussent en dedans », propres à tous les promeneurs virtuels que nous sommes. L’oeuvre de Tania nous touche parce qu’elle cor­respond à nos rêves d’évasion. Les plus fous, comme les plus doux hissent ici très haut leurs couleurs.

extrait de la préface au catalogue « Out of frame » par Françoise Monnin, Historienne d’art.

Tania Llinares est née en 1968. Elle étudie aux Beaux-Arts de la rue, des squatts, et du voyage... ( expositions itinérantes, installations et performances en France et en Europe ) Peint depuis l’âge de 16ans, et vend ses tableaux depuis 1992. Vit et travaille à Paris et Berlin.

Informations pratiques :

LA MENUISERIE
116 BD DE LA MADELEINE
06 000 NICE

http://www.myspace.com/taniall

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