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Jean-Jacques Chaubard - une collection de regards

Les yeux, c’est la spécialité du Docteur Jean-Jacques Chaubard, il les soigne depuis près de 30 ans de Nice à Genève via Lyon. Les yeux, c’est aussi le regard et, le sien ? - depuis la même époque - s’est tourné sans ciller vers les artistes plasticiens.

Arpenter les couloirs de la clinique Vision Future à Nice (à deux pas de la Galerie Ferrero), c’est découvrir comme dans une galerie, des sculptures de Pedinielli, de superbes coulées de Gilli, les grand arbres de Myrian Klein, un triptyque de Kuriyama, des photos de Yves Hayat et de Frédéric Nakache, bref quelques-uns des coups de cœur de ce chirurgien qui contracta le virus de l’art dans les années 80. Quand Jean-Jacques Chaubard (né en 1953) arrive sur nos côtes, de sa Tunisie natale, l’École de Nice est en pleine croissance. Lui aussi, mais, à 11 ans il fréquente une école plus académique ! Ce qui ne l’empêchera pas plus tard d’acheter des œuvres d’Arman, de Jean Mas, Gilli ou Sosno mais aussi d’artistes moins connus. C’est ainsi que se bâtira une collection qu’il souhaite éclectique, fruit de ses rencontres, du désir et du partage artistique.

Vernissage 2008 Vision Future / Crédit CPIOT

Un mécène sur le terrain du cœur

« Quand j’ai découvert le travail de Racois il vivait dans une roulotte dans le Var. J’adorais ses contorsions au fer, je lui ai proposé un deal. Je lui payais sa matière première, en échange il m’offrait quelques-uns de ses travaux ». Grâce à ce soutien, Racois vend aujourd’hui dans le monde entier. Rétribuer les artistes pour leur talent, cette forme de mécénat moderne, Jean-Jacques Chaubard l’a pratiquée souvent. « Chaque fois qu’un artiste a le couteau sous la gorge, il ne marchande pas, il dit juste : combien ? » souligne Simone Dibo-Cohen. « Je n’achète pas pour spéculer, j’achète les œuvres des artistes que j’aime ? » confirme ce collectionneur de cœur qui a souhaité d’ailleurs faire partager ses découvertes en changeant son Cabinet en vitrine d’art, comme son confrère Bernard Massini. Tout comme lui il acheta d’ailleurs sa première pièce importante en dix fois : « Je n’étais pas encore médecin quand j’ai craqué pour une toile de Pierre Fonferrier à 25 000 Francs. Ensuite j’ai essayé de l’aider ».

© H. Lagarde

Au milieu des années 80 il lui versera ainsi 2 000 Francs par mois en échange de toiles. Il doit aujourd’hui avoir une dizaine de tableaux de celui que l’on nomma le Norman Rockwell moderne, dont un qui occupe un mur dans son bureau. Jean-Jacques Chaubard y est immortalisé avec ses deux premières filles (il en a quatre aujourd’hui) et son fils. Enfin presque : « La chaise vide à droite c’est lui, il n’a pas pu venir ! ». Jean-Jacques avoue un faible pour les grandes pièces qu’il installe dans sa villa tel ce rhinocéros de Bombardieri ou cet étrange bronze, un arbitre de tennis sur sa chaise qui trône dans sa cuisine : « Avec Tasic nous travaillons souvent sur commande ». Les autoportraits d’artistes c’est son autre péché mignon : « J’en ai un superbe d’Yves Hayat ». Un ami qu’il a soutenu dès le début. Dernièrement Jean-Jacques a souhaité se porter acquéreur de l’œuvre du regretté Edmond Vernassa : « Je voulais racheter ses travaux pour les montrer dans un bel endroit, pour que tout le monde puisse en profiter. Mais cela n’a pas abouti. C’est un artiste qui aurait dû figurer parmi les plus grands ».

Vision Future

© H. Lagarde

Fort de ce fonds auquel se rajoutent tant d’autres (Caroline Challan-Belval, Caminiti, Miguel…) les vernissages de « Vision Future » nourrissent depuis 10 ans la vie artistique locale. Et le lieu en a vu défiler des artistes, certains passant du « billard » aux cimaises. Même Hans Hartung est venu : « Je débutais alors, et l’opération étant délicate je l’ai envoyé chez un confrère plus expérimenté. Je m‘en suis un peu voulu lorsque j’ai su qu’il y avait laissé une toile (rires) ». Il y a toujours foule ces soirs là, rue du Congrès à Nice. Et l’on y fait la queue pour accéder au niveau suprême, le 1er étage. Car outre ses accrochages permanents, Jean-Jacques y accueille des créateurs de toutes origines et disciplines. Simone Dibo-Cohen y veille. La Dame en noir, connue pour son engagement de l’ex Galerie ART 7 à l’UMAM dont elle est présidente, est une précieuse alliée. C’est avec elle et Robert Roux que Jean-Jacques Chaubard vient d’initier « La Menuiserie », un nouveau lieu d’art à Nice-Ouest. « On s’est connu il y a plus de 20 ans. Avec Simone nous partageons la même passion pour la découverte de nouveaux talents ». Quant à ouvrir son propre espace ? « Plus tard, pourquoi pas, aujourd’hui, je travaille à temps plein me partageant entre Lyon, Nice et Genève ». À la clinique de Lyon, c’est plus de 500 m2 dont 25 m de vitrine qu’il vient de remanier pour accueillir les artistes, par exemple Gérard Taride dont l’œuvre y est présentée ce printemps. « On m’a contacté pour créer une franchise, j’ai accepté à condition que l’art soit présent dans chacun de ces centres ». Jean-Jacques Chaubard qui est également sponsor de grandes régates (la voile est son autre passion) ne s’investit jamais à moitié. Il fonda avec Michel Cabaret, Robert Roux et Gérard Baudoux le salon « D’art », un immense espace ouvert aux artistes. « Pour le lancement nous avons attiré au Palais des expositions de Nice 45 000 personnes en 5 jours. Puis tout le monde voulant récupérer le bébé, la deuxième édition a capoté ». Aujourd’hui il est partie prenante d’un autre projet d’envergure : « J’ai proposé à Bernar Venet de dresser une immense droite de 60 mètres au Château. Nous en avons discuté avec Christian Estrosi et l’installation va voir le jour sur le parking Sulzer avec une œuvre ramenée à 30 mètres ». Jean-Jacques Chaubard qui partage en commun avec le Maire de Nice de grandes ambitions pour la ville vient de lui soumettre une autre proposition : « Un centre d’art ultra moderne et un salon d’envergure mondiale sur le site d’Éco-Vallée ». Ce que l’on sait moins c’est que cet homme hyperactif, « mégalo pour la bonne cause » dont le grand-père fut artiste marbrier,
taquine à ses heures le crayon gras, croquant parfois ses proches. « Mais mon œuvre la plus réussie c’est Axelle ! » dit-il tout sourire, en nous montrant la photo de sa fille de 16 mois avant de rajouter, « L’idée est de garder tout pour mes enfants, de faire une fondation, car toutes ces œuvres racontent ma vie, cette collection c’est mon histoire ! »

© H. Lagarde

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