| Retour

Jean-René Palacio : d’un Festival, l’autre !

Jean-René Palacio
(c) H. Lagarde

Il a succédé en 2010 à Harry Lapp à la direction de Jazz à Juan, 50ème du nom. Désormais à la barre de trois prestigieux rendez-vous musicaux Jean-René Palacio est devenu un chef d’orchestre de festival, incontournable !

Alors que l’édition cinquantenaire du Festival de Jazz de Juan les Pins s’annonçait fructueuse (elle confirmera avec un record de fréquentation jamais atteint, 80.4% de spectateurs payants), que le Sporting Summer Festival battait son plein et que l’on bouclait la programmation de la 5ème édition du Monte Carlo Jazz festival, nous avons rencontré Jean-René Palacio, un directeur artistique bien trop occupé cet été pour partir en vacances !

Se retrouver aux commandes de Jazz à Juan, c’est pendre le volant d’une Ferrari ?
-  Jean-René Palacio : Mieux, c’est Noël en été ! Quand on est passionné de jazz et dans ce métier depuis 25 ans, comment ne pas rêver de programmer un festival qui a une telle histoire.

Comment fait-on pour piloter trois festivals ?

Ouverture de la cinquantième édition de Jazz à Juan
(c) Hugues Lagarde

Jean-René Palacio : C’est un rebond permanent, une machine infernale selon ceux qui vivent à mes cotés. Mais c’est passionnant car chacune de ces missions est différente. Le Summer Festival se déroule de Juillet à Aout sur un segment musical diffèrent des deux autres. Jazz à Juan c’est une jauge de trois mille personnes sous les étoiles, alors que le Monte Carlo Jazz se déroule lui en hiver sous les ors de la salle Garnier d’une capacité de 500 places. En tant que Directeur artistique du Groupe SBM, je suis heureux de participer à un rapprochement entre la Principauté et Antibes et de pouvoir faire la preuve qu’en créant des passerelles entre tous ces festivals, on génère une véritable dynamique pour le Sud-Est. En termes de programmation, cela nous permet d’avoir plus de poids auprès des agents et des musiciens.

C’est avec un autre grand festival que tout a commencé pour vous ?
-  Jean-René Palacio : Je suis né en Algérie en 1953, quand nous sommes arrivés en France en 1959 avec mes parents, c’était à Vienne en Isère. Si je fais aujourd’hui ce métier je le dois à ma rencontre avec Jean-Paul Bouteiller le fondateur de Jazz à Vienne, un festival qui fêtera ses trente ans en 2011. Grâce à lui je suis tombé dans la marmite du jazz, moi qui venais de la planète rock !
Le nouveau directeur artistique de Jazz à Juan, un rocker ?
Je fais partie de cette génération qui a grandi avec les Stones et les Who, j’ai même gratouillé au fond d’un garage, puis le jazz m’a rattrapé. Malgré une formation universitaire classique, j’avais très envie de travailler dans l’univers de la musique. Étant un piètre musicien, j’ai préféré faire travailler les autres.

Cela fait combien de temps que ça dure ?
-  Jean-René Palacio : Je viens de la presse et des medias, je me suis aussi occupé de gérer des spectacles pour des salles de zénith. Puis il y a dix ans j’ai pris un autre virage pour faire de la programmation pure et dure.

Votre cote a monté en dix années ?
-  Jean-René Palacio : Ce qui est sûr c’est que ma passion pour la musique n’a jamais varié. Et aujourd’hui on m’a inoculé le virus de la Pinède Gould. C’est un lieu habité, magique ! D’un coté la mer de l’autre la scène, et une foule de souvenirs que je n’ai pas vécus personnellement mais qui sont entrés dans la légende via les disques, les livres, les photos et la télé qui a débarqué ici avec Jean-Christophe Averty.

Qu’est-ce qui fait pour vous le succès planétaire de Jazz à Juan ?

La pinède Gould accueille chaque année un public de plus en plus nombreux !
(c) H.Lagarde

Jean-René Palacio : C’est le doyen des festivals européens. Quand j’étais enfant Juan était déjà culte. On venait ici comme on allait à Salzbourg pour Mozart. Claude Nobs a créé Montreux après avoir vu Juan, il le dit lui-même. Juan c’est Dizzy avec sa trompette les pieds dans l’eau, mais c’est surtout un exceptionnel travail de programmation entrepris notamment grâce à Norbert Gamsohn, agent de Ray Charles, dès 1973 et pendant 27 ans. On est toujours venu ici pour découvrir des talents, Juan a toujours placé la barre haute dans ce domaine.

Un demi siècle plus tard, est-ce encore possible ?
-  Jean-René Palacio : C’est sûr que si vous espérez encore voir le quartet de Paul Desmond avec Dave
Brubeck cela va être difficile ! Mais le Jazz n’est pas une musique morte. Loin s’en faut ! Il y a encore des interprètes fabuleux et de nouveaux talents. Le Jazz se ressource, se régénère avec l’air du temps. Notre travail est d’arriver à faire le lien entre cet héritage et la scène actuelle.

Et avec un public qui a lui aussi évolué ?
-  Jean-René Palacio : Effectivement les attentes ont changé même si on constate avec bonheur un retour des festivaliers. Les gens aujourd’hui veulent des stars. Le festival est devenu « Crossover » évoluant entre la musique populaire et le jazz qui est lui-même un creuset qui brasse des influences diverses comme le latino, le funk, la soul, le blues et même les musiques de la méditerranée, on l’a vu cette année avec l’excellent
Avishaï Cohen.

Peut-on encore créer la surprise sur une pinède aussi « gâtée » ?
-  Jean-René Palacio : Il faut aller sur des courants différents. Nous avons choisi cette année l’option flamenco avec Paco de Lucia qui n’avait jamais été invité ; offert à Marcus Miller l’opportunité de jouer avec l’Orchestre Philharmonique de Monte Carlo. Un projet créé à Monaco mais qui ne s’était jamais produit devant un grand public. Jazz à Juan joue dans la cour des grands festivals européens et américains. La mondialisation ne nous a pas épargnés, il faut éviter de se marcher dessus. Plus que jamais nous devons être novateurs, créatifs.

Des pistes pour la prochaine édition ?
-  Jean-René Palacio : Dans ma tête on est déjà en 2011, mais il est trop tôt pour en parler. Je suis riche de l’expérience positive de ce jubilé, mais qu’est-ce qu’on peut faire de mieux l’an prochain, c’est ça l’angoisse du programmateur !

Le Monte Carlo Jazz Festival soufflera cinq bougies du 23 au 27 novembre. Comment s’annonce ce millésime ?

-  Jean-René Palacio : C’est un beau bébé avec un livre d’or déjà très enviable. Cette édition sera encore plus ouverte que les précédentes, afin de séduire un public encore plus large. Parmi les invités : le saxophoniste David Sanborn qui œuvra entre autres avec Marcus Miller et le batteur Steve Gadd, le chanteur de flamenco Diego el Cigala, deux fois lauréat des Latin Grammy Award, Gotan Project qui revisite le tango de Carlos Gardel à la mode électro et bien d’autres surprises dont un Off au Music Bar Le Moods dès 18h00 !

pub