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Le musée Cocteau pose ses tentacules sur le rivage !

Un animal marin - pieuvre ou méduse géante - échoué sur le rivage mentonnais pour l’aspect extérieur. Avec, à l’intérieur, une fabuleuse collection de plus de 1.500 tableaux, dessins, céramiques, photos des années 1910 à 1950 … C’est le trésor que l’on pourra admirer dans le futur musée Cocteau en 2011 !

- « Accueillir la première collection publique d’oeuvres de Jean Cocteau au monde est une opportunité formidable : Menton va devenir la ville de Cocteau … La création d’un tel musée aura également un impact fort sur le tourisme et l’économie locale. »

Salle d’exposition
Image 3D cabinet Rudy Ricciotti

Jean-Claude Guibal a en effet de quoi se réjouir que Menton ait été choisie par Séverin Wunderman.Un choix logique, certes, car nul n’ignore les liens étroits de Cocteau avec la ville des citrons, dont il décora la Salle des mariages de la mairie en 1958, et devint par la suite le citoyen d’honneur.

Jean Claude Guibal, Maire de Menton
Photo Mairie de Menton

Car, bien que né à Maison-Laffitte en région parisienne, Jean Cocteau avait pour la Méditerranée une admiration d’esthète : « les effluves mythologiques de la Méditerranée produisent un admirable mélange de paresse et de travail ». Cocteau « le méditerranéen » fut en effet influencé par la Grèce (il a peint par exemple la Naissance de Pégase), l’Italie et la Commedia dell’Arte (nombreux Arlequins) ou encore l’Espagne (Corridas …).

Une rencontre extraordinaire

La première rencontre du Député-Maire avec Séverin Wunderman remonte à 2003. Un jour, Jean-Claude Guibal est invité à diner avec son épouse - Colette Giudicelli, qui est également son premier adjoint - par un certain Séverin Wunderman, en son château de la Colle sur Loup. Le dîner se passe dans une salle voûtée en sous-sol, où ils sont reçus par une petit homme maigre assis dans un fauteuil en forme de squelette (« pour apprivoiser la mort », leur dit-il). Il leur raconte son histoire de juif polonais-belge immigré aux Etats-Unis qui a commencé sa collection de dessins de Cocteau à l’âge de 19 ans, alors jeune marié sans le sou … Le diner dure jusqu’à minuit, un bon signe chez cet homme habitué à se coucher tôt. Peu de temps après, Séverin Wunderman déclare son intention de transférer à la ville de Menton toute sa collection alors exposée dans un musée d’Austin au Texas, en donation, la ville s’engageant de son côté à construire un musée public, qui présentera l’oeuvre de Cocteau sous toutes ses facettes, des années 1910 à sa mort en 1963.

Séverin Wunderman
Photo Mairie de Menton


- Dès le mois de décembre de la même année, le conseil municipal vote la création du musée. Après une recherche du lieu idéal - l’hospice Saint Julien puis le site des Sablettes furent un temps envisagés - et une expertise des oeuvres faites par la Direction des Musées de France, la Ville se décide pour l’emplacement actuel sur le bord de mer. Toujours en concertation étroite avec le donateur, car Jean-Claude Guibal, qui a tissé des liens d’amitié avec lui, tient à l’associer à toutes ses décisions, même le choix de l’architecte, « ce qui est la moindre des choses » dit-il.
Une fois l’acte de donation signé en juin 2005, les premières études ont pu démarrer, et l’appel d’offres être lancé : le Cabinet Rudy Ricciotti a été choisi parmi 80 dossiers, par un jury de dix membres incluant un représentant du Ministère de la culture. De son côté, le Député-Maire avoue avoir été conquis dès le début, car c’est « un vrai geste architectural … On dirait une créature marine, méduse ou pieuvre géante, échouée sur le rivage. Sans compter que l’architecte a trouvé des solutions astucieuses pour éclairer les oeuvres sans les fatiguer ».

Le projet Ricciotti : méditerranéen et respectueux du patrimoine 1900 de la ville

Poète, dessinateur, portraitiste, photographe, décorateur, scénographe, cinéaste mais mais avant tout « poète » … Jean Cocteau était un artiste non conformiste, voire tentaculaire.

Entrée extérieure du futur Musée
Image 3D cabinet Rudy Ricciotti

« Le concept du musée tourne autour de l’identité protéiforme de Jean Cocteau », explique Célia Bernasconi, Conservatrice en charge de la mission de préfiguration du Musée depuis septembre 2005. « Puisque le poète qualifiait lui-même son œuvre d’objet difficile à ramasser, le parcours muséographique tentera de rendre cette impression d’expansion étoilée : il montrera comment chaque dessin est relié à un ensemble plus vaste, à un bout de roman, un extrait de film, ou une rencontre de sa vie ».

- D’où l’idée d’un « parcours qui s’adapterait à la nature désordonnée de l’œuvre », conçu par l’architecte Rudy Ricciotti, qui a relu Cocteau pour en tirer quelques enseignements.
Exemple : « La vérité est trop nue, elle n’excite pas les hommes ».

Vue d’un couloir du futur Musée
Image 3D cabinet Rudy Ricciotti

C’est pourquoi son bâtiment se veut « chargé de mystère, se laissant découvrir peu à peu », enserré qu’il est dans une sorte de filet fait de colonnes de formes « aléatoires », ondulantes. Dès l’entrée du musée, « le visiteur devinera la salle d’exposition permanente sans la voir derrière une grande paroi de verre translucide sérigraphié ».
Le parcours se fera sur deux niveaux, avec passerelles et « escalier confortable », afin d’éviter « une linéarité horizontale simple, en créant une déambulation très riche verticale et horizontale ».

Au final, une démarche architecturale non brutaliste, qui a su écouter « ce que le site avait à dire : ne surtout pas construire devant le marché couvert, bâtiment remarquable. Ne pas rivaliser avec le front bâti 1900 mais le mettre en scène, ne pas créer de masque visuel sur la mer, donner raison à la devise de Menton ma ville est un jardin, en préservant un parvis jardin pour les piétons ».
Parions que ce musée ancré dans une tradition sudiste, et signé d’une star montante et flamboyante de l’architecture française aurait plu au poète amoureux de la Méditerranée !

Severin Wunderman

Né en Belgique en 1938, exilé aux Etats-Unis durant la seconde guerre mondiale, Severin Wunderman avait commencé sa carrière comme apprenti horloger avant de révolutionner l’horlogerie en inventant la « montre de mode sous le label Gucci Timepieces. Un quart de siècle de succès plus tard, il rachète les montres Corum (en 2000), marque prestigieuse qu’il fait renaître grâce à son génie du marketing.

Collectionneur et esthète non-conformiste, il affiche depuis longtemps un goût particulier pour Jean Cocteau : à la fin de sa vie (il est décédé en juin 2008), il aura rassemblé plus de 2000 oeuvres du poète français, dont une partie se trouve actuellement dans un premier « Severin Wunderman Family Museum » à Orange County en Californie. Suite à sa donation à la ville de Menton, il a été fait Chevalier de l’Ordre National de la Légion d’Honneur par Renaud Donnedieu de Vabres en 2004.

Vue nocturne
Image 3D Rudy Ricciotti

L’architecte Rudy Ricciotti

Rudy Ricciotti, 56 ans, admire le maniérisme et le baroque pour les libertés créatrices qu’ils autorisent.

« Mon travail célèbre le contexte et la question de la circonstance. J’accepte le principe de culpabilité et assume la difficulté d’être et de réaliser des choses. C’est pourquoi je travaille de plus en plus dans le maniérisme, tout en restant sous la pulsion du radicalisme. Le maniérisme permet de rêver à nouveau les vertus de la narration. L’architecture doit fabriquer du sens, certes, mais aussi revenir au récit. Aujourd’hui, notre société subit une perte de ce récit et donc de cohésion sociale. Nous nous devons de fabriquer des moments de vie pour contrer ce manque et réactiver le désir afin d’éviter la névrose ».

- Né à Alger en 1952, formé à l’Ecole d’Architecture de Marseille, Rudy Ricciotti fonde son agence à Bandol dans le Var en 1980. Parmi ses réalisations les plus marquantes, le Stadium de Vitrolles et le pont de la Paix à Séoul (1990), le Centre Chorégraphique (dit aussi pavillon noir) d’Aix-en-Provence (1999), le Musée des Civilisations d’Europe et de Méditerranée, Marseille (2002) ou la rénovation du département Arts de l’Islam, du Louvre (2005). On pourrait également citer des « salles de musiques actuelles » (à Besançon, Boulogne-Billancourt, Grenoble) ou pour le Philharmonique de Potsdam. Et encore des lycées (à Manosque, Marseille ou Montpellier). Il a obtenu en 2006 le Grand Prix National d’Architecture.

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