| Retour

Le Cannet : Misia Reine de Paris au Musée Bonnard

Le musée Bonnard au Cannet, a coproduit l’exposition Misia, Reine de Paris présentée cet été au musée d’Orsay, reprise dans une version adaptée à ses espaces du jusqu’au 6 janvier 2013 au Cannet. On y découvre Misia, personnalité avant-gardiste et sulfureuse, égérie de nombreux artistes, qualifiée de « faiseuse d’anges » par Cocteau et de « femme de génie » par Coco Chanel.

D’origine polonaise, pianiste et élève de Gabriel Fauré, épouse de Thadée Natanson, le fondateur de la Revue blanche puis d’Alfred Edwards, magnat de la presse et enfin du peintre José Maria Sert, Misia Godebska (1872-1950)
ou Misia sera l’amie et la muse de nombreux peintres et personnalités du monde des arts.

Charmeuse ou dominatrice, cette « croqueuse d’hommes », surnommée par les journalistes la « Reine de Paris » a fasciné, inspiré et soutenu des artistes tels que Bonnard, Vuillard, Vallotton, Toulouse-Lautrec, des écrivains comme
Mallarmé et des musiciens.

Le musée Bonnard a choisi de présenter cette exposition en deux volets de la vie de cette femme d’influence. D’une part, Misia et le cercle de la Revue blanche proposent des oeuvres de Misia dans son quotidien représentées par
Vallotton, en femme épanouie par Bonnard et comme sujet de prédilection de Vuillard, amoureux transi de Misia. Le second volet, Misia, Belle Époque : la scène et Coco Chanel met l’accent sur son influence, à partir des années 1910, sur le monde des arts, des lettres et de la scène et son amitié avec Coco Chanel à travers des correspondances, des photographies et des peintures de Marie Laurencin.

1. Misia et le cercle de la revue blanche

A la fin du XIXe siècle, Paris représente l’effervescence intellectuelle en Europe. De nombreuses revues y voient le jour ou s’y développent comme La Revue blanche dirigée par les frères Natanson. Alexandre, Thadée et Alfred, fondent en 1889 La Revue blanche, une publication culturelle où collaborent les écrivains et artistes les plus novateurs de ce changement de siècle : Blum, Proust, Claudel, Verlaine… mais aussi Bonnard, Roussel, Denis, Vuillard, Toulouse-Lautrec. Les talents artistiques et littéraires s’y
côtoient et font de la revue le porte-parole de l’élite artistique et culturelle.
Misia, épouse de Thadée Natanson, participe indirectement à ce bouillonnement culturel en côtoyant ces artistes lors des soirées qu’elle organise dans l’atmosphère intime de ses différentes demeures. Vuillard,
Bonnard, Vallotton, un peu tous amoureux d’elle, représenteront ses soirées musicales, animées autour du piano où Misia fait résonner des sonates de Chopin ou de Beethoven. Personnalité en vue du tout Paris dans les années 1930, la « Reine de Paris », qui possède le don de faire tourner la tête de tous les hommes qui l’entourent, fait aussi autorité dans le domaine musical et littéraire. Édouard Vuillard, amoureux, subjugué par ses charmes, est l’artiste qui a le plus représenté Misia. Elle est mise en scène dans son quotidien, au coeur d’intérieurs bourgeois intimistes, dans ce qu’elle aime le plus, recevoir et jouer du piano. Vuillard réalise des portraits lumineux et d’une extrême pudeur qui révèle cet amour secret. Misia influencera l’art réservé et parfois un peu froid de cet observateur discret. Pierre Bonnard, lui aussi sous le charme de sa personnalité et de sa beauté, la représente en femme épanouie, accomplie et légèrement arrogante. Ils entretiennent une relation d’amitié et de confiance forte. Bonnard sera d’ailleurs un des seuls peintres pour lequel elle posera nue. Félix Vallotton va peindre Misia, dans des scènes du quotidien, à sa coiffeuse ou son bureau, de manière
objective, parfois sans concession. S’inspirant de la vie de Misia et de ses déboires amoureux, il dresse avec ses Intimités un portrait plutôt sombre de la femme mariée et du couple. Misia, « actrice et fauve réunis » comme le dit Sarah Bernhardt est au temps de la Revue blanche un modèle comblé, la muse de cette époque. La fin de la revue coïncide avec la rupture de son premier mariage avec Thadée Natanson. Elle qui aime s’entourer d’hommes puissants va jeter son dévolu sur le richissime magnat de la presse Alfred Edwards qu’elle épouse en 1905.

2. Misia, belle époque : la scène et coco chanel

Amie de Diaghilev, Nijinski, Stravinski, Cocteau et Chanel, Misia finance, grâce à la rente mensuelle accordée par son second époux, Alfred Edwards, les Ballets Russes durant plus d’une décennie.

Misia se sépare de son second mari Alfred Edwards après deux années et voit sa vie bouleversée par sa rencontre avec le peintre catalan José Maria Sert, qu’elle épousera après douze ans de vie commune. Celle qui fréquentait l’effervescence intellectuelle de la Revue blanche va alors côtoyer le milieu avant-gardiste dans lequel Sert l’introduit.
Les musiciens affluent autour de Misia, après sa rencontre avec Serge de Diaghilev. Elle devient alors une vraie « magicienne » qui « fait et défait » les artistes. Cette femme ambitieuse, pianiste émérite n’ayant pu faire carrière, décide de ne pas être réduite à l’unique statut de muse.
Dans son salon parisien, décoré par Bonnard, Misia rassemble le nouveau gotha artistique. « […] elle excitait le génie comme certains rois savent fabriquer des vainqueurs, rien que par la vibration de son être, […]
prisant et méprisant hommes et femmes, du premier coup d’oeil. » écrira Paul Morand. Amie de Ravel, Poulenc, Satie, Picasso et de Chanel, Misia devient un médiateur du goût et de la mode. Ses dîners sont courus du Tout-Paris.

C’est par l’intermédiaire de Misia « la seule femme de génie que j’ai
jamais rencontrée » que Gabrielle Chanel devenue Coco se fait connaître dans la haute bourgeoise et se constituera un riche carnet d’adresses. Si par moments on pensait « qu’elles se détestaient », c’est certainement
le côté « séductrice et muse » de chacune d’elles qui les a rapprochées et unies durant trente ans. Malgré des échanges parfois durs, Coco Chanel veillera sur Misia, très solitaire depuis son 3ème divorce avec le peintre Sert. Elle change son allure, la divertit et l’accompagne dans sa vieillesse, jusqu’à son décès en octobre 1950.

pub