PARIS : rétrospective Lisette Model

Lisette Model (1901-1983) est un pont entre deux mondes, de celui des grandes poses bourgeoises aux endormis et bedonnants vendeurs de fleurs. Témoin au regard peu conventionnel, elle sait produire des œuvres instinctives, là où l’on ne calcule pas. D’une famille aisée autrichienne Lisette Model pratique le chant avec la soprano Marya Freund. La figure paternelle disparue, elle abandonne une hypothétique carrière musicale et s’envole vers la France. Récurrence dans son œuvre : L’« ailleurs » entrainera toujours chez elle un regard neuf sur le monde des quartiers populaires (Paris, New York, San Francisco, etc).

Début des années 30, munie de son premier appareil, elle photographie, alternant figures caricaturées prises sur le vif et scènes populaires typiquement parisiennes.

Promenade des Anglais, Nice
C. 1934
Lisette Model
National Gallery of Canada, Ottawa, don de la Succession de Lisette Model, 1990, sous la direction de Joseph G. Blum, New York, par l’entremise des American Friends of Canada.
© The Lisette Model Foundation, Inc. (1983). Used by permission

Puis changement de direction : la côte d’azur accueille pour un temps la jeune femme qui fait de « La Promenade des Anglais » une série de clichés emblématique, portraiturant sans artifices une bourgeoisie opulente et oisive.
En s’envolant pour les Etats Unis accompagnée de son peintre de mari Evsa Model, elle revient à ses premiers amours et parcoure les bars à la recherche d’une frénésie, d’un rythme urbain incessant. Dans les années 40, ses séries prises entre New York et San Francisco la consacrent définitivement.

Associée à de nombreuses revues dont le célèbre Harper’s Bazaar, Lisette Model est l’une des rares femmes « streets photographs »à émerger du flot des grands photographes, pour la plupart du sexe opposé. Malgré le succès, sa carrière s’arrête au profit d’un enseignement qu’elle produira jusqu’à sa mort, à 82 ans.

De cette vie passionnée, il ne nous reste que des clichés d’inconnus, piétons New Yorkais, Divas expressives, jazzmen souriants (« Louis Armstrong, 1954-1956 »), figures littéraires…Tous témoins d’un regard où l’appareil photographique détecte nerveusement le quotidien, sublimé de la plus belle des manières qu’il soit : en noir et blanc, façon Model. Pas de détour, l’essentiel est dit : Lisette Model nous montre ce qu’il y a voir, et pas autre chose. Ses portraits révèlent la nature de celui qui fixe l’objectif. Les passants ne sourient pas, ne singent pas. Rien n’est surfait, tout est spontané. Voilà ce qui caractérise l’œuvre et la personnalité de l’artiste, elle qui a su voir la beauté de l’instant là où le quotidien semblait en avoir occulté l’intérêt. Pour tous les amateurs d’une photographie sans triche.

Saisissant.