BAUX-DE-PROVENCE : LOUIS VALTAT, un fauve en mediterrannée

« Fauve » avant l’heure

Classique à ses débuts et « Fauve » avant l’heure, Louis Valtat a la méditerranée en admiration. L’addition est fantasque et pourtant fidèle aux vues des toiles qui peuplent sa vie et son œuvre : retranscrire l’exaltation des pins écorchés par les coupes de lumières, marteler coups et poings de pinceaux pâteux, mimer la couleur en ces lieux si particuliers… Voilà par quelles techniques Louis Valtat marque sur toile l’essence d’une beauté si méridionale.

Le port de La Ciotat 1894

Période bien définie dans la vie et l’œuvre du peintre, la Provence s’esquisse sous ses créations en portraits, paysages, compositions et aquarelles dont les multiples facettes se retrouvent dans l’espace du Musée Yves Brayer. On y voit les tableaux de Louis Valtat, du Port de la Ciotat (1894), Rochers de l’Estérel (circa 1905), Banyuls, les cactus (circa 1895-1897) au Paysage méditerranéen (circa 1902). Ici se marient tout le pointillisme de Seurat, toutes les atmosphères d’un impressionnisme virtuose, toutes les couleurs du plus virulent des peintres Fauves. Pourtant natif du nord, Louis Valtat nous fait naturellement goûter au pays d’azur. Etait-il homme de Provence dans une autre vie ?...

La famille Bompart sur les rochers rouges d’Agay circa 1898 détail

Pour en comprendre tout le génie, observons : né à Dieppe en 1869, le voilà dès 1894 amoureux des calanques marseillaises. Bordés d’une mer d’huile à ce titre reproduite sur la toile, les creux de la douce méditerranée inspirent le peintre qui s’installera en ces terres pour quelques années. Placide à placer ses touches de couleurs brutes et belles, Louis Valtat aime les falaises de porphyre rouges d’Agay, là où la famille Bompart prit la pose le temps d’une œuvre magistrale, puzzle de chromes minutieusement apposés sur fond blanc (La Famille Bompart sur les rochers rouges à Agay, circa 1898). Violence des teintes, techniques coléreuses, atmosphères chargées : Louis Valtat n’aurait pas dénoté parmi les Fauves tardifs du Salon d’Automne 1905.

Banyuls les cactus circa 1897

Les sages débuts des classes de l’Académie Julian en compagnie d’Albert André et Pierre Bonnard ne sont que de courte durée. Perdu dans Paris, inscrit aux Beaux-arts, voilà l’artiste peintre prêt à en découdre de par le monde. Ainsi, après l’animation des rues parisiennes dans « Sur le boulevard » (1893), influence postimpressioniste à l’appui (il réalisera en 1894 le décor du théâtre de l’ « Œuvre » en compagnie d’Henri de Toulouse-Lautrec), Louis Valtat navigue vers de nouvelles inspirations dont il cultive les fruits en France et à l’étranger ; toujours apte à fouler les terres du sud, il multiplie les séjours en Espagne, à Llança et Figueras ; puis Agay et son hameau de pécheurs, aux portes de Saint-Raphaël, ainsi qu’Anthéor, distant de peu de kilomètres. N’oublions pas Cagnes-sur-Mer, sa Maison des Postes -et son peintre locataire, Auguste Renoir- dont les Valtat (Louis et Suzanne) aimaient à visiter les alentours.

Femme ànla mandoline 1906 Musée des Beaux arts de Nimes

La Gironde sied tout autant à celui qui fut maître Fauve sans en chercher le titre : sur les plages d’Arcachon, le peintre s’offrait ainsi les loisirs d’une palette nerveuse, dont il plaqua les quelques prémices de couleurs vives accentuées par la suite…sur les bords de la méditerranée. Louis Valtat peint près d’Agay jusqu’en 1914, date à laquelle il rejoint Paris et son marchand Ambroise Vollard pour quelques ventes. La verdure des calanques s’efface ainsi de la mémoire de l’artiste, qui ne reverra les plaisirs du jardin qu’en 1924, par l’achat d’une propriété à Choisel, petit village de la Chevreuse. Il y reçoit ses amis peintres Georges d’Espagnat ou Maximilien Luce et amorce un renouveau pictural…mais cela, c’est une autre histoire.

La jeune femme espagnole circa 1895 Musée des Beaux arts de Bordeaux

Louis Valtat n’a pas toujours eu le succès escompté. Aujourd’hui, sa peinture, pourtant inchangée et fidèle aux caprices des couleurs, figure toutefois parmi les plus grandes oeuvres Fauves exposées à travers le monde. L’hommage rendu au Musée Yves Bayer des Baux-de-Provence dès le 8 Mai prochain est une pierre à l’édifice et nous remémore ainsi un artiste dont l’origine et la création se situaient probablement au plus proche des rivages méditerranéens