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Arnaud Yvos à St Raphaél : « Le goût des belles choses »

En 7 ans, à raison d’une quarantaine de ventes annuelles, l’étude d’Arnaud Yvos à Saint-Raphaël a pris du poids auprès des amateurs d’art. Rencontre avec un jeune commissaire-priseur qui, à 37 ans, a converti nos voisins varois au noble art de traquer la perle rare sous le marteau de buis.

Comment devient-on commissaire priseur ?

Pour ma part, j’ai passé ma maîtrise à Aix, mais il faut au minimum une licence en droit, et au moins un DEUG en histoire de l’art. Ce double diplôme filtre l’accès à la profession. Nous sommes à peine 20 par promotion chaque année à décrocher ce concours. En tout, 500 commissaires priseurs exercent en France. Un chiffre dérisoire au vu du nombre de notaires ou d’avocats.


Et dans la région ?

Il n’y a que trois études dans le Var contre une douzaine dans les Alpes-Maritimes.

C’est ce qui vous a décidé à ouvrir une étude à Saint-Raphael ?

Quand j’ai passé mon diplôme, j’avais 26 ans et j’habitais à Cannes. 4 ans plus tard, je décidais de m’installer dans le Var où il y avait une niche. Mais il m’a fallu mettre les bouchées doubles depuis l’ouverture de mon étude à Saint-Raphael en 2003 afin d’obtenir la confiance des vendeurs et des acheteurs locaux. Les varois ne connaissaient pas le métier de commissaire-priseur et encore moins tel que je le pratique. Car contrairement à mes confrères, « Var enchères » ne fait pas de liquidation judiciaire mais uniquement des ventes volontaires sur le marché de l’art.

Comment définiriez-vous votre métier ?

Arnaud Yvos dans son étude ©J-Ch Dusanter

Faire une prisée signifie estimer le prix de quelque chose. Un commissaire priseur se doit d’être un bon généraliste en art pour ne pas passer à coté de la perle rare.

Selon quels critères se fait l’estimation ?

La valeur esthétique, l’état de l’objet, sa rareté. S’il possède déjà une cote, c’est plus facile. Si l’objet n’est pas identifiable par mes soins, je fais appel à des experts en arts, livres anciens, philatélie, bijoux. Il y a aussi des modes. Le 18ème siècle et sa commode grand-mère Louis Philippe sont en chute libre. Au contraire, l’Art déco et le design très recherchés. Le 19ème siècle où les ébénistes abusèrent de matériaux clinquants a trouvé sa clientèle « bling bling ».

L’activité doit varier selon les régions. Quelles sont les particularités locales ?

Le contenu des maisons reflète nos modes de vie. Ici c’est un peu brouillé par la grande mixité de résidents. Malgré l’opulence apparente, les intérieurs n’y sont pas forcément plus riches qu’ailleurs. Il y a plusieurs raisons à cela. On vit ici plus vers l’extérieur. Avec les cambriolages les gens évitent de stocker des valeurs chez eux. Beaucoup de résidences secondaires entre Saint-Tropez et Saint-Aygulf sont quasiment vides.
La recherche doit donc occuper une bonne partie de votre travail.
Nous avons des partenaires comme les notaires qui nous sollicitent pour des inventaires de succession mais la communication reste notre fer de lance. Pour annoncer nos ventes nous utilisons les pages de Nice ou Var Matin ou des supports plus ciblés comme la Gazette de l’hôtel Drouot que les collectionneurs épluchent.

Comment monte-t-on une vente ?

Après avoir estimé l’objet, nous déterminons une fourchette de mise à prix entre le prix le plus bas dit « de réserve » et celui maximum. Ses honoraires étant proportionnelles au prix d’adjudication, le commissaire-priseur va tout faire pour que l’objet se vende le plus cher possible. C’est la grosse différence avec un marchand d’art.

Où ont lieu les ventes ?

Le plus souvent à mon étude, nous délocalisons parfois. Ce weekend j’en ai organisé une au Golf de Valescure, cela peut aussi se faire au domicile du client si l’on juge que c’est mieux de voir l’objet dans son contexte.

Sont-elles toutes de même nature ?

Non, il y a des ventes thématiques pour les grands vins par exemple et des ventes mixtes où l’on présente un peu de tout. Var Enchères réalise 4 à 5 ventes cataloguées par an qui drainent plus large. Mon métier c’est aussi de classer les objets selon leur qualité puis d’organiser le type de vente le mieux adapté.

Quel est le profil des acheteurs ?

Il y a de tout même des oisifs qui ne se consacrent qu’à ça. On a beaucoup de marchands d’art très actifs dans le Var, d’autres viennent du 06. Avec la Gazette de l’hôtel Drouot diffusé jusqu’aux Etats-Unis on touche une clientèle internationale.

Vos plus belles adjudications ?

Un bronze de Rodin mis a prix 60 000 euros vendu à 115 000. Un tableau du peintre orientaliste Jacques Majorelle estimé à 50 000 est parti lui à 150 000 euros. Idem pour une table art déco du ferronnier Edgar Brandt. Et puis il y a eu cette pendule mise à prix 4 000 euros. En fait c’était l’œuvre d’un horloger réputé en Angleterre dont certaines pièces sont en musée à Londres. Des anglais qui avaient fait le déplacement sont montés jusqu’à 48 000 euros.

©J-CH Dusanter

Quels sont vos outils ?

Il y a le fameux marteau en buis ou en ivoire qui sert à adjuger. J’ai choisi le premier. Le plus important c’est de savoir se mettre en scène, c’est un peu la commedia del arte, une salle de vente. Des personnalités comme Cornette de Saint Cyr qui a soutenu les artistes ou Tajan ont eu une influence notable sur ma génération.

Pourquoi avoir choisi ce métier ?
Le goût des belles choses, le plaisir de les toucher et de les valoriser. On ne peut faire ce métier si l’on n’est pas amoureux des objets d’art.

Vous auriez pu être collectionneur ?

A condition de ne pas le faire dans mon étude, je peux acheter partout. J’ai des objets d’art chez moi, je ne peut pas vivre sans ! J’aime particulièrement la peinture italienne et celle du 19ème siècle.

Pour finir, comment se porte votre petite entreprise ?
Très bien ! Je suis le seul sur ce segment à pratiquer une sélection aussi drastique parce que les gens sont devenus plus exigeants. Il y a 10 ans, tout se vendait. La crise a touché de plein fouet l’objet moyen mais dans le haut de gamme on continue de battre des records. Il faut avouer que sur la Côte, nous bénéficions d’un gros turnover de clients potentiels.

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