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« Grande - » de et avec Tsirihaka Harrivel et Vimala Pons

Sur le plateau du TNN de Nice, un amoncellement invraisemblable d’objets hétéroclites attend le spectateur d’ores et déjà intrigué. Ils sont deux, le circassien Tsirihaka Harrivel et la comédienne Vimala Pons, à embarquer le public dans une aventure incroyable où chacun d’eux se lance dans des numéros surprenants. L’un et l’autre sont passés par des écoles de cirque. Pour compléter le Cours Florent où elle s’est formée comme comédienne, Vimala Pons commence comme jongleuse, avant de se prêter à des rôles lui demandant des exploits physiques, tel celui dans « Vincent n’a pas d’écailles » de Thomas Salvador.

« Grande - » est une revue audacieuse, à la fois explosive et intime, qui commence par un sidérant strip-tease de Vimala Pons.

Avec un mannequin de cire en équilibre sur sa tête, elle ne cesse d’ôter, avec une virtuosité incroyable, des vêtements des plus farfelus, passant de la tenue de danseuse de revue à celui de bonne soeur. Chacun suppose que ce vêtement est le dernier, mais non ! Il y en a encore et encore.... Toujours avec la même dextérité, il y aura des changements de costumes à vue sur scène tout au long de ce spectacle sur un couple qui vole en éclats – au propre et au figuré.

"GRANDE -" de Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel © D.R.

Des sensations fortes sont ressenties par le public quand Tsirihaka Harrivel se lâche du haut d’une piste métallique verticale et retombe sur ses pieds en circassien expérimenté. L’exploit se répétera tout au long du spectacle avec quelques ajouts pour cultiver la surprise et l’émotion du spectateur. Ainsi lors de « scènes de ménage » avec supplications où il s’esquive pour encore descendre son incroyable toboggan vertical, tandis qu’elle lui fait un bras d’honneur.
Il faut savoir quitter une vie de couple et les objets mécanisés qui accomplissent les corvées de chacun qui est toujours bousculé par l’urgence.

Vite, toujours plus vite, tout s’accélère.

En tirant son bagage à roulettes et un sanglot dans la voix, la jeune femme cite la ritournelle « je suis venue te dire que je m’en vais », tout en hurlant son désir d’une vie commune, son visage peint du rouge de la colère et les pieds en feu, et portant une colonne grecque sur la tête. Sa tête est vraiment solide, elle y trimbale sans cesse des objets quotidiens de plus en plus lourds, jusqu’à un escabeau en équilibre et une machine à laver.
Qu’est-ce qui rapproche ou éloigne un homme et une femme ? Nos duettistes de cirque mettent en avant la distance entre les mots et les gestes, ils s’acharnent sur la traduction des émotions à travers le corps, quoique avant tout ce soient des exploits – parfois redondants - qu’ils montrent aux spectateurs. Leur nudité, admise depuis longtemps sur les plateaux, n’apporte aucun sens supplémentaire en nuisant au mystère de ce spectacle incongru.
Tous deux sont à tous les postes de la création jusqu’à la musique au rythme d’un puissant martèlement. Vimala Pons prouvent ses excellents talents de comédienne dans des touchants monologues qui en disent long sur son désir et sa difficulté face à la vie de couple.

Sans déployer aucune volonté naturaliste, ce texte vient s’ajouter et compléter leur palette d’exploits, variée dans leur façon unique de faire rimer une hyper technique avec une sensualité subtile.

Emotions et pensées s’entremêlent. Ils ont tout mis dans leur shaker et le cocktail fait son effet sur scène, les spectateurs en restent babas ! Jusqu’à un « happy end »...
Loin de toute image préfabriquée, l’incroyable désordre de « Grande - » propage un grand coup de vent dans le monde du spectacle. C’est audacieux et contemporain pour questionner la liberté d’être soi avant tout.

Caroline Boudet-Lefort

Artiste(s)