| Retour

Fin de cet événement Juillet 2018 - Date du 6 juillet 2018 au 24 juillet 2018

Avignon 2018 : Toutes les villes devraient être comme ça un mois par an !

Festif et compliqué. Avignon est en liesse. Musique dans les rues pavoisées de toutes sortes d’affiches et d’affichettes, où des parades de troupes de comédiens grimés distribuent leurs flyers, clowns, acrobates, chanteurs, restaurants et bars bondés, etc. Toutes les villes devraient être comme ça un mois par an ! Une fois acclimaté à cet univers extravagant, ça se complique sérieusement. Plus de 1500 spectacles du Off, plus la cinquante du In..., que voir ? Même en comptant (au maximum) cinq spectacles par jour, il va falloir faire des choix difficiles.

On doit slalomer entre les théâtres (plus ou moins distants l’un de l’autre), les horaires, les jours de relâche, les spectacles déjà complets pour finalement choisir à l’arrache sa programmation.

À chacun son Avignon.

On rate des choses qu’on voulait voir et on découvre des pépites dont on ignorait l’existence. Contrairement à nos habitudes, notre programme est imprévisible.
C’est cela aussi la richesse de ce festif Festival. C’est déroutant pour l’esprit, mais on s’y fait.
On doit s’habituer aussi aux changements d’univers d’un spectacle à l’autre. Dans la même journée : de la poésie, de l’humour déjanté, une noire tragédie, une légère comédie, une émouvante lecture, de la politique, des objets théâtraux non identifiés, mix bizarres de performance, de théâtre, de stand up, et de grand n’importe quoi, c’est sans limite...

L’esprit est à la fête. En tous cas, il est secoué.

On n’a même pas le temps de réfléchir et d’échanger sur le spectacle qu’on vient de voir, qu’on doit courir dans un autre qui nous embarque dans un univers insoupçonnable.
Comment raconter ? En vrac, comme c’est vécu, dans l’ordre où on l’a vu, dans le désordre qui s’est imposé... En plus, cette année, il y avait la Coupe du Monde, autres émotions...


ON A VU ET AIMÉ !

Oulipo - en attendant mieux (Off), Théâtre Contemporain

Des fragments de textes Oulipiens dits, joués, chantés par six jeunes comédiens. C’est spirituel, enlevé rempli de jeux de mots.
Un grand moment avec « Jennifer dit » un texte puissant de Ian Monk.
Et aussi les textes de Jacques Roubaix, Hervé Le Tellier, Harry Mathews, etc.

Oulipo - en attendant mieux (Off), Théâtre Contemporain

Match à 20 h : demie finale très éprouvante. Un spectacle divertissant, émotionnant, et qui rend heureux à la fin.

Le sport est aussi un spectacle excitant avec des montées dramatiques, des moments d’ennui, de tristesse, et des actions enthousiasmantes.
Après le match, dans les rues d’Avignon, c’est encore plus la fête avec les visages barrés de bleu blanc rouge : « on est en demie , on est, on est... » Théâtreux et sportifs heureux ensemble.

"Deux fois rien... vous n’aimez pas la poésie, on vous prend au mot", Théâtre Albatros (Off)

Deux fois rien... vous n’aimez pas la poésie, on vous prend au mot », Théâtre Albatros (Off)

Deux acteurs et un vieux piano appelé « buffet de ma grand-mère ».
Concert et lecture poétiques. Le poète, beau jeune homme conquérant, et le pianiste, petit barbu arrogant, ils s’invectivent, les textes s’enchaînent : poésie ou prose ? On ne sait plus. Des atmosphères différentes se succèdent. Du désespoir à la déconne... Ça parle et ça joue du piano. On est embarqué dans leur univers.
A la plume et au micro : Grég Allaeys. Au piano : Benoît Dendievel (qui réplique aussi).

L’Étranger, collège de la Salle, Boulevard Pasteur (Off)

L’Étranger, collège de la Salle, Boulevard Pasteur (Off)

Entendre L’Etranger de Camus en chinois (sur un écran placé haut, on peut lire les textes en français) est une expérience surprenante.
L’universalité, l’intemporalité de ce chef d’œuvre qui n’est plus à prouver, est montré dans une mise en scène originale, sombre, minimaliste où les comédiens chinois interprètent dans une grande sobriété des scènes choisies du livre.

Le Gâteau de Troie, Théâtre Notre Dame (Off)

Ce n’est plus un cheval que les Grecs ont introduit dans Troie, mais un gâteau, une pièce montée où se cachent Ulysse, Achille et Agamemnon.
Une comédie très déjantée où Achille est un genre de drag queen qui parade en talons hauts à pointes, où Ulysse revient de Mykonos, pendant que Ménélas pleurniche et qu’Agamemnon tente de motiver ses troupes.

Le Gâteau de Troie

La jolie Héllène (qui s’appelle Hélène...) prisonnière dans la tour attachée avec d’énormes chaînes n’attend pas vraiment qu’on la délivre...
Jeux de mots plus ou moins subtils, références à des événements contemporains ("parce que c’est mon projééét !"), décors minimaux (déplacés par les comédiens). C’est hilarant, burlesque, déconnant à pleins tubes.
Pièce de Florian Guérin avec les excellents Benjamin Isel, Hadrien Berthaut, Melody Lesage, Valentin Rotilio, Florian Guérin, mise en scène de Barbara Lambert.

Romances Inciertos, un autre Orlando, au Cloître des Célestins (In)

Trois figures espagnoles populaires : une guerrière, la Doncella Guerrera, jeune fille partie à la guerre sous les traits d’un homme, le San Miguel, archange voluptueux et objet de dévotion se livrant à l’impressionnante danza de los zancos (danse des échasses), et la Tarara, une gitane andalouse, mystique et séductrice. Trois personnages ambigus, androgynes interprétés par le même danseur : François Chaignaud.
Sur la scène avec lui, quatre musiciens jouant des merveilleuses et envoûtantes mélodies métissées du siècle d’or Español : chants sépharades, musique orientale et baroque, plus le bruit du bruissement des feuilles des deux superbes platanes du cloître. Un univers singulier, étrange mêlant musiques et danses populaires et savantes.
Un spectacle qui questionne sur le genre, la sexualité, la transidentité, thèmes choisis pour cette édition du Festival.

Avec François Chaignaud chorégraphe, danseur, historien, chanteur, maître dans l’art du travestissement et un quatuor baroque composé de François Joubert-Caillet et Robin Pharo (violes de gambe en alternance), Jean-Baptiste Henry (bandonéon), Pere Olivé (percussions historiques et traditionnelles), Daniel Zapico (théorbe et guitare baroque)

Sodome, ma douce, Théâtre Chapeau d’Ébène (Off)

Sodome et Gomorrhe, villes de volupté, de plaisir, ont été détruites par une armée qui mène une guerre sans pitié au nom d’un Dieu intolérant. Reste une survivante, elle prépare sa vengeance. Dans un récit qui a la force de l’antique, neuf jeunes comédiennes racontent avec leurs danses et leurs chants leurs combats et leurs doutes.
Des plaisirs d’avant le massacre à l’anéantissement d’un peuple par la haine abyssale, elles évoquent l’atrocité de la guerre, la barbarie des fanatismes et la négation de l’humanité.
Le mythe est retourné, détourné pour devenir un hymne à la vie, à la différence, à la volupté, aux visages multiples et singuliers.
Le texte est de Laurent Gaudé, mise en scène de Laure Marion
Avec : Sophie Braem Vasco, Lola Gutierrez, Laure Marion, Candice Mechaly, Margot Molvinger, Lisa Mondon, Juliette Petiot, Mouna Soualem, Florie Toffin

Il était toujours Audrey Hepburn, Espace saint Martial (Off).

Aude Chollet en Audrey Hepburn s’interroge. Elle veut abandonner la scène, les tournages. Elle a commencé tôt et crevé l’écran à 25 ans, avec Vacances romaines de Wyler où elle interprète une princesse rêveuse avec un Gregory Peck à ses pieds (son premier Oscar). Elle impose son style singulier avec sa jolie frimousse, sa fine silhouette, ses yeux de biche, son foulard sur la tête et ses grandes lunettes. De Bogart à Gary Cooper, ils sont tous amoureux d’elle. Elle épouse Mel Ferrer avec qui elle joue dans Guerre et paix. Après My Fair Lady de Cukor, au sommet de sa gloire, elle met fin à sa carrière pour se consacrer à l’humanitaire.
Ces divers épisodes de sa vie sont évoqués dans de courtes scènes très enlevées. Divertissant et émouvant.

Avec : Aude Chollet, Séverin Bussy, Philippe Thonney et Fabian Ferrari
Compagnie de l’Espace Culturel des Terreaux

Thyeste, Palais des Papes (In)

Main gigantesque mutilée et tête coupée en forme de masque antique occupent une scène sur laquelle de nombreux comédiens dont des enfants viennent évoquer une des pires tragédies humaines.
L’auteur, Thomas Jolly, après avoir travaillé longtemps les pièces de Shakespeare, a retrouvé dans Sénèque une de ses influences principales. Il a choisi la plus noire de ses œuvres pour évoquer la mise en abyme du monde, ses atroces tentations de repli et de haines à venir.
Comment représenter l’innommable ?
Pour se venger de son jumeau Thyeste, le roi Atrée, lors d’un banquet, lui donne à manger la chair de ses enfants et à boire un vin mêlé de leur sang. 
Comment personnifier le mal ? Thomas Jolly nous fait frissonner dans un monde sans espoir.
Sur la scène déferlent des papillons noirs, le soleil meurt, la nuit aveugle le monde qui est déserté par les hommes, les dieux et le soleil. Un Tantale argenté s’extirpe des enfers et le chœur des enfants annonce la fin du monde...
La mise en scène est grandiose et le vieux Palais tremble par moments.
Puissant, à ne pas rater.

Don Quichotte... ou presque, Théâtre Carnot (Off)

Don Quichotte, un des premiers chefs d’œuvre de la littérature (cinq siècles déjà !), continue à être l’objet de toutes sortes d’interprétations ou de délires.
Ce don Quichotte pousse encore un peu plus loin les limites. Les comédiens campent plusieurs personnages et jouent les principales scènes du livre de Cervantès : l’adoubement, la taverne, les moulins, etc.
Comme chez Cervantès, Don Quichotte est rossé, tourné en ridicule, mais triomphe toujours, inspirant la sympathie généralement accordée aux personnages illuminés.
Bien délirants, burlesques, les acteurs ne jouent pas, ils sont dans leurs personnages, nous entraînant dans leurs délires.

Offshore Circus, Raphaële Arditi, Théâtre Humanum (Off)

Bienvenue dans les Paradis fiscaux. Catherine Arditi en clown à gros nez rouge détaille les multiples procédés des experts pour détourner l’argent.
Optimisation fiscale est le maître mot de ces banquiers véreux qui utilisent les lois pour monter des mécanismes compliqués à plusieurs niveaux de sociétés écrans. Ils tentent de dissimuler non seulement l’argent sale, celui des mafias, mais aussi celui des plus riches. La finance domine le monde et n’est pas près de lâcher.
Pas facile de faire un spectacle sur ce thème... En utilisant les différents rapports de sénateurs, de chercheurs, de lanceurs d’alerte, Catherine Arditi, en représentante d’une société d’experts fiscaux, démonte avec humour et jeux de mots les mécanismes compliqués de ces « paradis ».

Pur Présent, Scierie

Un texte puissant. Trois acteurs jouent en fait trois pièces (avec entracte entre elles). Pas de décors, juste une scène et une chaise. Tout est dans les mots.
Olivier Py qui travaillle avec les détenus de la prison du Pontet, a créé des personnages archétypaux rendant compte d’une réalité extrême souvent refoulée ou caricaturée.

Sont présentés : le discours d’un caïd de la drogue en prison face à un aumônier rempli de bons sentiments, celui d’un banquier cynique face à un fils rebelle et celui d’un homme masqué représentant une foule en feu, une prison qui brûle.
Qui est l’ennemi : le voyou vendeur de drogue ou le banquier déclencheur de crise économique mondiale, jetant à la rue des milliers de personnes ?
Lors de grandes joutes verbales sont disséqués les sentiments et les idéaux de chacun. À quoi servent les prisons ? Quid de l’éthique et de la morale. Comment rester humain et bienveillant envers les autres ?
La scène est un combat. Pas de réponse, mais des questionnements qui restent après le spectacle.
Avec Dali Benssalah, Nâzim Boudjenah de la Tragédie antique-Française, Joseph Fourez, et Guilhem Fabre au piano. Texte et mise en scène Olivier Py.

Van Gogh de Léonard Nimoy - Théâtre du Centre (Off)

Jean-Michel Richaud, qui interprète à la fois Vincent et son frère Théo, est pénétré, vibrant, émouvant. Incarnant Vincent avec force, il nous fait ressentir l’être exalté, impatient, exaspéré parfois, qu’il a été.

Jean-Michel Richaud interprète tour à tour Vincent et Théo Van Gogh (AA)

Exposition Hommage à Jeanne Moreau

Jeanne Moreau et la Sauvage, par Laure Adler, commissaire de l’exposition.
Je suis vous qui m’écoutez

On retrouve Jeanne Moreau à tous les moments de sa vie : une volonté tracée très jeune d’être actrice, un père qui la gifle quand il apprend qu’elle est reçue au Conservatoire, un parcours fulgurant de Jean Vilar à Gérard Philippe, les plus grands réalisateurs (Truffaut, Malle, Wim Wenders, Fassbinder, Téchiné, etc., plus de 130 films), du théâtre et de la chanson (plusieurs disques)..., une vie plus que remplie.

Avignon lui rend un bel hommage, elle qui fut présente dès le premier festival en 1947.

Claire Tabouret Chapelle des Célestins

Exposition minimaliste (avec peu de peintures) de l’artiste qui a été choisie pour réaliser la belle affiche du Festival de cette année représentant des enfants tristes aux vêtements vaporeux (en forme de camisole de force).
Découverte par François Pinault, Claire Tabouret peint des personnages énigmatiques et déterminés aux visages presque flous, aux teintes bizarres, posant frontalement devant des décors post apocalyptiques.
Alain Amiel


Programme complet http://www.festival-avignon.com/fr/

Artiste(s)