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THEATRE NATIONAL DE NICE : L’ENTERREMENT (FESTEN... LA SUITE)

Pourquoi donc Thomas Vinterberg a-t-il voulu écrire une suite à Festen ? Etait-ce nécessaire ? Pensait-il ne pas en avoir fini avec les non-dits de cette famille de la grande bourgeoisie danoise ? Ou bien, voulant profiter du seul film à succès qu’il ait réalisé, désirait-il en tirer parti pour écrire un Festen 2. Et peut-être bientôt un ...Festen 3.

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Toujours est-il que convaincu par l’excellente adaptation théâtrale de son film, faite il y a dix ans par Daniel Benoin, il a choisi la scène pour en prolonger l’histoire dans L’Enterrement (Festen...la suite). Après dix ans passés sans rencontre, tous les membres de la famille sont à nouveau réunis pour les obsèques du père monstrueux, dénoncé alors par Christian. Celui-ci, le fils violé (Pierre Cassignard), revient de France où il vit avec Pia (Caroline Proust), l’ancienne serveuse. Il est suivi par son frère le violent et exalté Michael (Samuel Le Bihan) avec sa jeune épouse (Mélanie Doutey), ignorante des secrets de famille, et leur fils de 12 ans. Leur soeur, la marginale Hélène (Mathilda May) et leur mère, toujours digne, (Dominique Labourier) complètent la réunion. Enfin, Kim, (Paul Chariéras) le cuisinier fidèle copain d’enfance, est toujours là.

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Ils sont heureux de se revoir, loin des non-dits vénéneux. Le temps a fait son travail d’oubli et les rancoeurs semblent apaisées. La pièce débute par de joyeuses retrouvailles, malgré la présence du cercueil du père sur lequel Michael ne manque pas de vomir, avant de vomir des mots de haine à l’égard de son frère. Car, il faut peu de temps pour que tout dérape et que le drame surgisse comme dix ans plus tôt, avec à nouveau la révélation de comportements incestueux et même pédophiles. Dans les familles pathogènes, la répétition de l’inceste revient de génération en génération. De victime, Christian est devenu bourreau. Il reste hanté par son père dont la présence malfaisante le poursuit en apparaissant dans un miroir (François Mathouret remplace Jean-Pierre Cassel, décédé depuis son rôle en 2002).
Le thème délicat de la pédophilie est considéré comme difficilement accessible au théâtre, il faut beaucoup d’audace pour oser l’aborder et réussir cet exploit. Avec un tel sujet, le jeu des acteurs ne peut échapper à un rien d’hystérie par l’outrance dans la gaieté ou dans la violence. Mais l’agitation excessive des réunions de famille est fort bien rendue par l’ensemble de tous les comédiens qui n’ont pas eu peur de jouer dans le registre de l’effervescence frénétique. Comme dans toutes les familles explosives, ça hurle et les éclats sont inévitables.

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La perte de l’innocence de l’enfance préoccupe fortement Thomas Vinterberg – voir La Chasse sur les écrans – pourtant lui-même a été élevé dans une communauté post-68 et non dans l’étouffement familial. Justement cet étouffement familial est souligné au théâtre par le décor de tapisserie accentuant le climat asphyxiant d’un huis clos. Les seules bouffées d’air, apportant un peu d’oxygène, viennent de l’ouverture d’une porte derrière laquelle la neige tombe.
La pièce a d’abord été montée au Danemark par Thomas Vinterberg. Pour la représenter en France, il a aussitôt donné son accord à Daniel Benoin. Si le spectateur avait été surpris par le dispositif scénique, imaginé par lui, lors de l’adaptation scénique de Festen, pour L’enterrement (Festen...la suite) sa mise en scène respecte la construction classique de l’auteur.

Au TNN jusqu’au 1er décembre

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