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THEATRE : Arts de la scène : Côté cour et côté jardin ! - Reportages réalisés par Faustine Sappa & Olivier Marro - Photos Hugues Lagarde pour Art Côte d’Azur

Au théâtre ce soir… En intérieur ou à l’extérieur, pour tout public ou plus exigeants, les arts de la scène sont bien présents dans le département des Alpes-Maritimes. Nous avons choisi de présenter quatre troupes qui, de Nice à Cannes, en passant par Antibes, revisitent les clowns, se promènent dans les jardins, explorent les nouvelles écritures ou organisent le plus ancien festival d’humour.

Le Théâtre de la Marguerite : et si on se faisait un bœuf ?

-  Par Faustine Sappa

Depuis 1977, le Théâtre de la Marguerite et sa joyeuse troupe se démènent pour amener au
public les arts de la scène dans leur plus grande diversité. 33 ans, c’est aussi l’âge du plus ancien
festival d’humour de France : le Bœuf Théâtre, qui se tient du 17 septembre au 2 octobre à Antibes
et dans neuf villes de la Communauté d’agglomération Sophia-Antipolis. Un concert, un vernissage, deux expositions et quinze spectacles tout public se succèdent…

Fabienne Candela, directrice

Il y a d’abord la maman, l’emblématique Monette Candela, comédienne, fondatrice du Théâtre de la Marguerite, et son mari, Loulou, à qui l’on doit le nom de l’association simplement parce qu’il portait toujours une marguerite sur son chapeau. Aujourd’hui, il y a la fille, Fabienne, comédienne, metteur en scène, professeur, directrice artistique, longtemps soutenue par son mari Petit Jean. Le fils aussi, Jean-Yves, musicien. Et Adrienne, la petite-fille, qui préfère orchestrer le son et la lumière plutôt que d’arpenter la scène. Mais la Marguerite a beaucoup d’autres enfants ? : un président, un conseil d’administration, les familles Aussel et Bourgade pour l’hébergement des comédiens, 150 élèves, cinq salariés, quatre professeurs, 60 bénévoles, sans oublier de nombreux partenaires… « La compagnie crée en moyenne trois spectacles par an, précise Fabienne Candela, directrice. On ne les joue pas forcément tous ! Ici, les comédiens ne sont pas à demeure, ça va, ça vient. Ils font souvent leurs débuts dans les cours enfants, c’est encourageant ». Sur les routes Tout est parti d’un tour de clef. Celui qui a fait démarrer pour la première fois le bus aménagé par Loulou, Monette, Fafa, Mitchum, Ged et autres compères, amitiés complices. Ça y est, ils étaient prêts à partir faire les clowns sur les chemins du monde. Peu de pays manquent à leur palmarès de nez rouge ! En 1976, la troupe itinérante officialise l’aventure et crée le Théâtre de la Marguerite (association loi 1901). En 1977, c’est le premier Bœuf Théâtre, festival d’humour d’Antibes Juan-les-Pins, avec le Magic Circus en programmation, rien que ça ! En 1990, pour abriter « le monde de Marguerite », la compagnie décide d’ouvrir dans le Vieil Antibes le café-théâtre Scène sur Mer : un lieu de création, de représentations, de cours et de stages. En 1998, l’équipe organise, en mars, Femin’Arte Côte d’Azur, un festival qui décline les arts et l’humour au féminin :
peinture, littérature, danse, musique, cinéma, poésie, théâtre, sculpture… Tout y est ! « Ce festival, c’est une envie de montrer des femmes tout en oubliant que ce sont des femmes. Il y en a marre des réflexions sur les comédiennes, qu’on ne ferait pas sur les comédiens ! Sans oublier le type de remarques que j’ai pu entendre dans une exposition : « c’est bien, elle peint comme un homme », comme si une femme n’était pas capable d’être une artiste à part entière ! ». Un bœuf itinérant et flottant Mais revenons à nos bœufs. En 1978, la petite courette derrière les Arcades se transforme en Palais des Papes : pendrillons noirs, éclairages, sonorisation. Les voisins, conciliants, sont invités.

Et ce premier Bœuf Théâtre se déroule dans la plus totale mais la plus sympathique intimité. Florence Foresti, Stéphane Guillon, Noëlle Perna, Roland Magdane, Anne Roumanoff, Gustave Parking, Clémentine Célarié ou encore le ch’ti… Ils ont tous un point commun : ils sont passés, dans leurs débuts, par le Bœuf Théâtre ! Un mammifère qui a du flair et qui révèle les talents, à n’en pas douter. « Depuis 2002, la programmation rayonne chaque année un peu plus dans les villes et villages voisins, souligne Fabienne Candela. Aujourd’hui, dix commune de la CASA participent au festival. Un bœuf itinérant, en quelque sorte ». Et en 2010, un nouveau temps fort au programme du Bœuf Théâtre : le festival flottant. Avec la troupe La Rumeur, la plage de la Gravette se transformera pour la première fois en théâtre de pleine mer !

Compagnie la Berlue : Recherche clowns morts ou vifs !

- Par Olivier Marro

Pierre Blain Cie La Berlue

Comédien, metteur en scène et fondateur de la Compagnie La Berlue,
Pierre Blain revisite le concept du clown sur le mode grinçant dès
la rentrée avec la création d’Anatole F au TNN.
M
ount, Posteux et Felde travaillent dans un bureau. Soudain Felde dit « Je m’en vais » et se pend. Dès lors les deux autres vont s’apercevoir que leur collègue est plus intéressant mort que vivant. En jouant avec son cadavre ils redécouvriront même un nouveau sens à leur vie. Le propos paraît morbide voire d’actualité mais Anatole F est une comédie écrite il y a 20 ans par Hervé Blutsch qui a sévi dans le registre de l’absurde. Une aubaine pour Pierre Blain et
La compagnie La Berlue créée en 1997 à Saint-Etienne, installée à Cannes et soutenue par la Ville depuis 2004. D’Argenton à Cannes La vie vous réserve des surprises, Pierre un jeune normand de 37 ans en a fait les frais. Enfant il voulait devenir marchand de bonbons il fera des études scientifiques. Mais ayant pris goût au lycée à la magie des tréteaux il finira par intégrer à 18 ans le Conservatoire de Bordeaux puis celui de Saint-Étienne. Une rude école où il apprend le métier et « à aller chercher les gens là où ils sont : entreprises, écoles, place publique ».

Alors qu’il joue dans des pièces contemporaines, il est
« récupéré » par le Centre Dramatique
National de Saint-Étienne qui l’engage sur des spectacles maison dont deux avec Daniel Benoin , « Lucrèce Borgia » et « l’avare ». Mais très vite le comédien a envie de mise en scène. Et comme il aime la pluridisciplinarité, il pioche dans le nouveau cirque mélangeant avec bonheur le théâtre et les marionnettes (Scène de chasse en Bavière) puis Théâtre et danse pour « Gogo » avec la compagnie niçoise Reveida. Des monstres d’humanité ? « Je suis arrivé naturellement au clown qui n’est pas celui du cirque, mais un clown plus moderne tel que le propose aujourd’hui des artistes comme Ludor citrik ». Des clowns sans nez enfant de Chaplin/Charlot ou Tati/Hulot, qui parlent de nous sans avoir recours à des mots, des clowns imprévisibles, comme les « Vladimir » et « Estragon » de Beckett.

L’acteur bouffe - Photo Courtesy Pierre Blain

« Mon clown n’est pas forcement pour les enfants, c’est un enfant lui-même qui détourne les objets et les choses. Il possède toute la palette de sentiments d’un enfant : colère, innocence, perversité, s’exprime volontiers avec le corps ou par onomatopées.
« Bref c’est un être dépourvu de codes
sociaux jouant sur l’effet d’attraction/
répulsion ».
La Cie La Berlue a ainsi réuni des comédiens qui ont développé leur propre entité de clowns, mais aussi leur talent de metteur en scène au fil des représentations : La naissance du jongleur (Dario Fo) Le baiser de la veuve (Horowitz), et de spectacles d’appartement (Comme si tout avait un sens) en spectacle de bar (Jeu de massacre de Ionesco). Pour Anatole F, nos trois clowns imprudents (Jonathan Gensburger, Magali Maria, Julien Storini) investiront (du 28 septembre au 3 octobre au TNN) « un décor minimaliste transformable à l’envie à l’image de l’univers poétique de l’enfance » avant de se produire en 2011 au Forum Jacques Prévert (Carros), à La Licorne (Cannes) et au Théâtre de Grasse.

Cie Hanna R : Qui est l’homme des plages ?

- Par Olivier Marro

La Compagnie Hanna R réunit, chorégraphes, comédiens et plasticiens autour des nouvelles écritures. Son dernier spectacle « L’homme des plages » joué au TNN
(du 16 au 22 octobre) aborde la perte d’identité sous la forme d’un étrange cabaret.

Née à Nice en 1978 Linda Blanchet se destine à une carrière de pianiste. Mais après 15 ans au CRR de Nice, elle contracte le virus de la scène. Une passion qui l’amène à postuler après un passage au Cours Florent pour l’université de Berkeley « où l’on peut étudier le théâtre de recherche ». De retour en 2004 tout s’accélère. La comédienne monte sur les planches du TNN dans la pièce d’Alfredo Arias « Mère et fils ». Elle enchaînera les rôles devenant également l’assistante de metteurs en scène tels : Alfredo Arias, Pierre Pradinas, Daniel Benoin, Frédéric de Goldfiem, et Jacques Bellay. 2007 voit le baptême de sa Compagnie « Hanna R » avec une pièce de Martin Crimp, « Personne ne voit la vidéo », jouée au TNN puis à Marseille à La criée. Sa rencontre avec l’écrivaine niçoise Claire Legendre débouche l’année suivante sur l’adaptation au TNN de son roman « Making Off ».

En 2009, elle crée « L’air de rien », un spectacle jeune public en tournée dans 78 théâtres et établissements scolaires. « L’homme des plages » est le quatrième volet d’une compagnie qui explore la narration pluridisciplinaire.

La comédie de l’effacement Mais qui est cet homme des plages ? Un homo erectus qui se noie dans l’écume des jours, soumis à ce ressac qui inexorablement efface sur le sable toutes traces humaines de passage. Une fable moderne que Linda a développée suite à la lecture du roman de Modiano « Rue des boutiques obscures » :
« Cet homme avait passé quarante ans de sa vie sur des plages ou au bord de piscines, à deviser aimablement avec des estivants et de riches oisifs. Dans les coins et à l’arrière plan de milliers de photos de vacances, il figure en maillot de bain au milieu de groupes joyeux mais personne ne pourrait dire son nom et pourquoi il se trouve là. Et personne ne remarqua qu’un jour il avait disparu des photographies ». Linda nourrissait le projet de travailler sur l’identité et la mémoire. À partir de ce personnage concept elle a bâti avec l’aide de Gabor Rassov (auteur, scénariste et metteur en scène) un récit en forme d’enquête sur le passé d’un homme, sorte de parabole de la condition humaine. Cabaret métaphysique « L’identité peut aussi se penser de manière épisodique, comme une succession de micro-récits ».

Making Off au TNN 2009 - (c) Fraicher Matthey

Et quelle meilleure forme que celle d’un cabaret dont le meneur serait amnésique pour rassembler les fragments du puzzle. Pour mener à bien cette chronique d’une disparation annoncée, Linda a invité le plasticien photographe Michel Coen à nourrir sa scénographie de jeux d’images en direct. Une revue qui sera également ponctuée de sketchs d’Hanokh Levin, de numéros de prestidigitation, de contes personnels des comédiens et d’une partition musicale signée Ezequiel Spucches (Pianiste et arrangeur d’Alfredo Arias). « Parce que nous avons voulu que ce spectacle vivant soit aussi une manière de résister, avec humour, aux hommes des plages que nous allons devenir ».

Compagnie B.A.L. : déambulations au jardin

- Par Faustine Sappa

Le plus de légèreté possible, c’est l’envie qu’expriment la Compagnie B.A.L. et son fondateur, Thierry Vincent, au travers de leurs comédies jardinières.

Thierry Vincent - Elodie Tampon-Lajarriette

« Je viens de la campagne et j’aime particulièrement le Littré de la langue française, explique Thierry Vincent. Il y a beaucoup d’entrées sur la botanique, c’est un thème au vocabulaire luxuriant ? ». Un langage dont lui et les comédiens de la Compagnie B.A.L. sont gourmands, tout comme les enfants. « Jouer dans les jardins, c’est l’assurance d’aller vers un public nouveau, pas les abonnés du théâtre, commente Thierry Vincent. Nos spectacles ont plusieurs niveaux de lecture et les enfants font preuve d’une capacité de compréhension impressionnante. Cela va même au-delà de la compréhension. Ils ont beaucoup d’instinct, c’est très poétique ». L’idée de jouer dans les jardins est venue alors que la troupe était en résidence au Monastère de Saorge pour écrire un spectacle. C’était la naissance des comédies jardinières. « Dans les jardins, les rapports entre les gens sont bien meilleurs :
il y a quelque chose qui apaise. Le mot « jardin » veut dire paradis en persan, c’est un bon équilibre entre l’homme et la nature ». En outre, les gens qui travaillent dans les jardins sont des passionnés, comme Thierry Vincent et sa troupe. « Ils sont aussi dans le concret, comme les gens de théâtre. Art et jardins font décidément bon ménage ». Aller vers le public Un art qui demande un jeu athlétique, « il faut aller vers le public », et sans faux-semblants. « Impossible de jouer « snob » dans un jardin, on joue à vue, et avec la lumière, on la suit, la plus belle qui soit : celle du soleil de 19h ». « Il faut aussi prendre en compte le sens du vent, le chant des oiseaux ou papillon qui se pose sur la main, renchérit Elodie Tampon-Lajarriette, comédienne de la troupe. Avant, le théâtre se jouait en extérieur.

On renoue ainsi avec la tradition ». L’aventure a démarré en 2003 avec Le livre de l’intranquillité, de Fernando Pessoa, au théâtre de Nice. « Mon cou de poète dans mon col d’employé, tel est l’angle que nous avons adopté dans ce texte immense pour donner une unité au spectacle qui pourrait se nommer « Une journée dans la vie de Fernando Pessoa ». Essentiellement, nous avons voulu répondre à cette « demande d’être » qui fonde l’Intranquillité, souligne Thierry Vincent. Du livre au théâtre, quelque chose pourrait
revenir à la lumière. Intranquille, peut-être... mais vivant ». Une création reprise cet été dans le cadre de la nouvelle manifestation de la compagnie : les Noctambules, à l’Amphi de « théâtre de plein air » de la Villa Arson. « Nous avons voulu partager ce lieu et ces auteurs, car il y a aussi Charles Bukowski et Vincent Van Gogh, avec le plus de simplicité dans un théâtre à ciel ouvert, où la proximité des acteurs et du musicien garde intacte la présence de ces voix nocturnes sous le ciel étoilé ».
« Au son des guitares,
des accords des oiseaux »

La compagnie a également joué, pour la 4ème saison consécutive, Le Tour de l’infini, dans les jardins des Alpes-Maritimes et du Var. « Au son des guitares, des accords des oiseaux, le spectateur-promeneur, en compagnie des acteurs et des musiciens, déambule entre les scènes et traverse une heure de théâtre. Assis sur l’herbe, à l’ombre tutélaire des grands arbres. Le temps prend une forme d’oasis, le monde urbain s’éloigne. Et le public partage, le temps d’une heure d’été, quelques instants dorés et festifs à l’écoute des étonnantes fabulations de Pomone, Cérès et Pan, capricieuses divinités « bio » avant l’heure ». Puis est venue cet été L’Epopée des prés jouée le 18 septembre au Domaine du Rayol dans le cadre des Journées du Patrimoine :
« C’est l’histoire d’un festin où les Hommes sont les invités des Arbres.
Un déjeuner sur l’herbe. Ni table, ni chaise (elles pourraient être de bois). Si les uns se nourrissent de lumière et d’eau fraîche, les hommes dévorent d’autres menus. Leur gastronomie comparée finira pas les faire sourire. Comment un arbre sourit-il ? C’est à voir. On dirait qu’il ouvre ses branches comme d’autres leurs bras. Et s’ils tombent c’est pour être amoureux des mousses. En somme, nous nous ressemblons un peu, à la folie, pas du tout ».

Pour sa dernière création, les Funambules, la Compagnie B.A.L. a fait appel à Monique Loudières, étoile de l’Opéra de Paris, une artiste qui aime les métamorphoses. « En écrivant les Funambules, j’avais en tête trois fils : le texte théâtral, la danse et la musique, indique Thierry Vincent. Je voulais écrire une pièce qui tisse intimement ces trois arts. Dès les premières pages, il m’est apparu que la pièce allait vers un genre qui la rapprochait de la science-fiction. Et que les influences venaient de films et de livres tels que Farenheit 451 de Ray Bradbury adapté par François Truffaut et 1984 de George Orwell porté à l’écran par Michael Radford ». L’évasion de deux femmes qui devient une quête, un éloge de la légèreté, comme toujours avec la Compagnie B.A.L., en attendant les prochaines adaptations de Feydeau.

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