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Guy Bourdin au Musée de la photo : le regard d’un géant

Les impeccables tirages de Guy Bourdin resurgis de l’oubli par la numérisation sont présentés jusqu’au 26 janvier au Musée de la Photographie Charles-Nègre à Nice. Ils rassurent sur le sort de la photo publicitaire qui est élevée ici au rang d’œuvre d’art.

Des années 50 aux années 80, Guy Bourdin consacre sa vie à la photo, à la peinture, au cinéma et à l’écriture. On retiendra le photographe, ses images restent modernes alors que beaucoup d’autres de cette époque sont terriblement datées.

C’est un phénomène : autodidacte, surdoué, Guy Bourdin révolutionne la photo, il fait l’objet d’un véritable culte.

Ines de la Fressange sur une plage de Dunkerque immortalisée par Guy Bourdin (DR AC)

Reconnu dans le milieu, son nom ne deviendra connu du grand public que des décennies plus tard, lorsque ses images sortiront des magazines pour être publiées dans des albums ou exposées comme en ce moment à Nice, dans un véritable musée.
Cette pratique était plutôt rare à l’époque. Nous reconnaîtrons le visage d’Ines de la Fressange, concentré dans ce qui ressemble à un petit miroir de poche. Il l’avait emmenée pour un "shooting" sur une plage de Dunkerque, loin du glamour des plateaux et des beaux hôtels, par temps de froid humide, ce qui ne devait être guère confortable pour le mannequin de Chanel qui s’était pourtant prêtée au jeu. C’était en 1987.
La réflexion esthétique de Guy Bourdin nous conduit dans ses mises en scène suggestives, dans de superbes décors, souvent dans des lieux abandonnés. Ses plages ensoleillées, son exotisme, son océan c’est celui de
Dunkerque. Les personnages occupent dans son œuvre une place secondaire. C’est l’environnement naturel ou urbain qui encadre le sujet, et le corps se fond dans son cadre immédiat.

Ses déconcertantes publicités pour les chaussures Louis Jourdan se résument à des paires de jambes factices, élégamment chaussées sur fond de clôtures de fil de fer et terrains vagues, du plus bel effet surréaliste.

C’est sa façon à lui de surfer sur les rivages du sublime, en repoussant l’art de la photographie de mode contemporaine vers les frontières de l’absurde, à une époque où le genre ne débordait pas des clous du conventionnel et de l’insipide.

Toujours ses compositions sont graphiques, très travaillées, son style narratif, ses couleurs éclatantes. Quand les confrères de sa génération se considèrent comme des professionnels, plutôt que des artistes, voyant cette activité d’abord comme un gagne-pain, Guy Bourdin se distingue d’eux comme un véritable créateur, marquant son époque comme Jean-Paul Goude a marqué la sienne un peu plus tard. On se souvient que le Musée de la photographie avait consacré à ce dernier une mémorable exposition en 2014.

C’est une continuité, intéressant de faire le parallèle. Le génie est rare, il faut aller le voir.

Toutes photos de l’article DR AC

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