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PHAETON de Jean-Baptiste Lully à l’Opéra de Nice

L’Opéra de Nice propose une nouvelle production : « Phaéton » qui fut en son temps l’une des oeuvres les plus populaires de Lully.

C’est à la demande de Louis XIV, que Lully, avec son fidèle collaborateur Quinault, a créé à Versailles (en 1683), le premier opéra chanté devant le monarque, avec un livret inspiré des « Métamorphoses » d’Ovide.

Phaéton apparaît comme un enfant blessé, incertain de ses origines et de sa légitimité. Sa mère, Clymène (Aurelia Legay, parfaite), jure que son père est le Soleil. Aussi, par ambition, Phaéton, sacrifie-t-il amour et famille, pour tenter d’accéder au trône égyptien. Il emprunte le char solaire de son père et veut ainsi se faire passer pour le dieu Soleil. Mais, il tombe : Jupiter n’aime pas les présomptueux (une parabole qui dut plaire à Louis XIV qui s’identifiait évidemment à Jupiter).

C’est par pure vanité que Phaéton voulut conduire, le char du Soleil qui éclaire le monde et faillit, ainsi par son inexpérience, embraser l’Univers. Jupiter, irrité, le foudroya.

Bien sûr, l’histoire est également une allusion évidente à la chute de Fouquet, surintendant de Louis XIV qui finit en prison après avoir déployé, avec trop de fastes, l’étendue de son pouvoir et de sa réussite en son château de Vaux-le-Vicomte. Mieux vaut ne pas tenter de s’élever au-dessus du (Roi)-Soleil ! « Phaéton » délivre un message des plus clairs aux courtisans trop ambitieux.

Si les effets spectaculaires de l’histoire contribuèrent au succès de l’oeuvre en impressionnant le public, dans cette nouvelle production de l’Opéra de Nice ce n’est pas le plus réussi. Au début, ce qui est sensé se dérouler dans les jardins de la déesse Astrée se passe sous d’immenses tissus noirs où les corps se déplacent en dansant. Bien évidemment, on attendait l’incendie qui faillit supprimer l’univers, ce fut juste une petite flamme suspendue en l’air. Il semble qu’aujourd’hui il est possible d’imaginer des effets spéciaux davantage visuels. Par bonheur, il y a l’utilisation du dispositif scénique mis en place pour « Akhnaten » : cet immense disque incliné et mobile, permettant aux chanteurs de se déplacer sans la nécessité de marcher.

Jerome Correas sous le plafond représentant la Chute de Phaéton au palais Lascaris à Nice © et courtesy Gilbert Gay-Parme

Dans la mise en scène, tout reste un monde froid, alors qu’il s’agit de soleil et de feu. Il y a de nombreuses histoires d’amour et de chassés-croisés : Phaéton (Mark Van Arsdale) voudrait épouser Libye pour obtenir le trône d’Egypte, mais Lybie (Anna Reinhold) et Epaphus (Gilen Golcoechea, à la voix particulièrement envoûtante) s’aiment réciproquement alors que celle-ci dépend de son père pour lui imposer un époux. La situation est dramatique, aussi tous deux se querellent-ils sur l’importance de leur amour en une « scène de ménage » façon opéra. « Il faut aimer pour ressentir la joie de la rêverie  » clame l’un d’eux.

La musique baroque que composa Lully est admirable, par son style, il influença Bach et Händel.

Grâce à sa virtuosité et l’étendue de son talent qui atteint des sommets, Lully a su exalter la dimension tragique de ce récit mythologique et composer une des plus célèbres oeuvres lyriques de l’époque. De plus, tous les chanteurs de cette production sont admirables, avec une mention spéciale pour le Soleil qu’interprète de haute-contre Jean-François Lombard.

L’Orchestre Philharmonique de Nice, spécialiste de la musique baroque, est magistralement dirigé par Jérôme Correas, spécifiquement invité pour donner tout son rayonnement à cette tragédie lyrique aux côtés du metteur en scène Eric Oberdorff, qui a également signé la chorégraphie.

Est-ce un hasard ? Le plafond du Palais Lascaris est décoré d’une peinture représentant la chute de Phaéton !

Caroline Boudet-Lefort

Phaeton Opéra de NICE
4 et 6 rue Saint François de Paule
Vendredi 25/03/2022 20h00
Dimanche 27/03/2022 15h00

Photo de Une : Un duel entre Epaphus et Phaéton DR

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