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LITTERATURE : PRIX LITTERAIRE & BOURSE DE LA DÉCOUVERTE Fondation Prince Pierre de Monaco : - Monaco - résultats le 28 septembre 2010

Le Conseil Littéraire de la Fondation Prince Pierre de Monaco vient d’annoncer le nom des écrivains en lice pour le Prix Littéraire qui sera décerné le mardi 28 septembre 2010 à Monaco.

Créé en 1951, le Prix Littéraire Prince Pierre de Monaco honore, sur proposition du Conseil Littéraire, un écrivain d’expression française de renom pour l’ensemble de son oeuvre.
Il est doté d’un montant de 15 000 euros.

Créée en 2001, à l’occasion du 50ème anniversaire du Prix Littéraire, elle récompense chaque année un jeune écrivain francophone pour son premier ouvrage de fiction.
Cette bourse, d’un montant de 12 000 euros, est dotée par la Fondation Princesse Grace.

Le Conseil Littéraire est présidé par Son Altesse Royale la Princesse de Hanovre et se compose de membres de l’Académie française (Hélène Carrère d’Encausse, René de Obaldia, Jean-Marie Rouart, Pierre Rosenberg...) de membres de l’Académie Goncourt (Didier Decoin, Edmonde Charles-Roux, Tahar Ben Jelloun, Bernard Pivot...), d’écrivains francophones (Jacques de Decker, Amin Maalouf...).

Les lauréats

-  Dominique BONA – Clara Malraux, Grasset, janvier 2010

- Emmanuel CARRÈRE – D’autres vies que la mienne, P.O.L., mars 2009

-  Jean-Paul KAUFFMANN – Courlande, Fayard, avril 2009

- Olivier ROLIN – Bakou, derniers jours, Seuil, février 2010

- Danièle SALLENAVE – Nous on n’aime pas lire, Gallimard, janvier 2009

Ont également été sélectionnés pour participer à la Bourse de la Découverte (récompensant un jeune écrivain pour un premier ouvrage de fiction paru entre le 1er avril 2009 et le 31 mars 2010), les écrivains suivants :

- Nelly ALARD – Le crieur de nuit, Gallimard, avril 2010

- Corinne d’ALMEIDA – Antibes, Gallimard, février 2010

- Laurent BINET – HHhH, Grasset, janvier 2010

- Adélaïde de CLERMONT-TONNERRE – Fourrure, Stock, janvier 2010

- Guillaume de FONCLARE – Dans ma peau, Stock, janvier 2010

-  David ROCHEFORT – La paresse et l’oubli, Gallimard, janvier 2010

- Kim THUY – Ru, Liana Levi, janvier 2010

- Fabio VISCOGLIOSI – Je suis pour tout ce qui aide à traverser la nuit, Stock, janvier 2010

Nelly ALARD

-  Nelly ALARD, Le crieur de nuit, Gallimard, avril 2010

Nelly Alard est comédienne et scénariste.

« Un matin, en écoutant un message sur son répondeur, la narratrice apprend la mort de son père.
Un sentiment de soulagement l’envahit alors. » (Présentation de l’éditeur)
J’ai appris la nouvelle ce matin, en écoutant le répondeur. Isa disait : Papa est décédé. Je me suis
fait couler un café et je l’ai rappelée, puis j’ai composé le numéro d’Air France. Thierry est entré en
bâillant, m’a regardée et a dit : Qu’est-ce qui se passe ? J’ai répondu : Papa est mort. lsa dit : décédé. Moi
je dis : mort. Je ne vois pas pourquoi je prendrais des gants. Depuis le temps que l’idée de la mort
m’accompagne, je ne dirais pas qu’elle m’est devenue familière, non, mais j’ai quand même le droit de
l’appeler par son nom. Tu es mort. Enfin.
« Pour ses débuts littéraires, Nelly Alard prend à bras-le-corps un sujet universel et éternel. Ses
phrases sobres et son regard aiguisé font parfois un peu penser à Annie Ernaux à ses débuts. Terrible et
juste, Le crieur de nuit parvient en peu de pages à décrire les tourments de l’enfance, la difficulté à vaincre ses peurs et à faire la paix avec ses démons. »
(Alexandre Fillon, Livres Hebdo)

Corinne d’ALMEIDA

- Corinne d’ALMEIDA, Antibes, Gallimard, février 2010
D’origine togolaise, Corinne d’Almeida vit à Paris depuis l’âge de 19 ans.

« Voici un livre qui par la richesse de sa composition autant que par la complexité de son écriture
témoigne d’une maîtrise peu ordinaire. Au centre, la narratrice, aide-soignante d’une vieille dame dans un
immeuble parisien. D’origine africaine, elle se rappelle un passé lourd d’événements tragiques. Le souvenir
de scènes sexuelles auxquelles l’initie sa soeur aînée la fascine au point qu’elle en ressuscite la magie
quelque peu perverse. Le débordement de la rêverie s’accompagne d’un lyrisme tout à la fois torride et
funèbre. Elle retire de ce vertige des visions inoubliables. »
(Présentation de l’éditeur)

Il sentait sa propre vie sortir de lui, il sentait la vie de son frère sortir du corps de son frère comme
si en même temps qu’il était lui-même, il était aussi son frère, tous deux merveilleusement vides, non
vivants mais non morts, tenant leurs vies en laisse. Fumerolles légères de même nature et pleines de
courbes, leurs vies emplissaient la voiture, elles en débordaient – débordement qui le ravissait car il
signifiait que lui oui lui recelait tant de vie qu’elle pouvait excéder les limites de son corps, excéder les
limites d’une voiture, excéder les limites de son monde limité, les bornes du monde qu’il pouvait voir et
ressentir pour fluer paisiblement et comme normalement vers partout, vers ce qu’il ne connaissait pas, vers
ce qu’il ne soupçonnait pas et qui n’existait pas–, elles se répandaient sur la route, elles envahissaient la
campagne, entraient dans les granges et les maisons où on les prenait pour de la vulgaire brume, elles
s’infiltraient dans la terre, elles y disparaissaient et il ralentissait, il se garait devant l’institution, ils
étaient arrivés. Ils traversaient le jardin l’un derrière l’autre. Le jour, ce jardin était une splendeur de buis
taillés. La nuit, c’était un cauchemar surpeuplé. Il sonnait. Il remettait son frère. Il s’en retournait.
« Le corps féminin a son langage, celui de la blessure et du désir, de la décrépitude et de la
maternité. Le jeune écrivain de 37 ans Corinne d’Almeida perçoit ce silencieux murmure de la vie qui, à
chaque instant, repousse les signes d’une mort tenace. Dans son premier roman, elle réussit, par l’écriture,
à transmettre cette condition universelle de la chair vivante. » (Orianne Jeancourt, Transfuge, février
2010)

Laurent BINET

- Laurent BINET, HHhH, Grasset, janvier 2010

Laurent Binet a 37 ans. Il est né à Paris. Il a effectué son service militaire en Slovaquie et a
partagé son temps entre Paris et Prague pendant plusieurs années. Agrégé de Lettres, il est professeur de
français en Seine-Saint-Denis depuis dix ans et chargé de cours à l’Université. HHhH a reçu le Prix
Goncourt du Premier Roman 2010.

« Deux parachutistes tchécoslovaques envoyés par Londres sont chargés d’assassiner
Reinhard Heydrich, chef de la Gestapo, chef des services secrets nazis, planificateur de la solution finale,
protecteur de Bohème-Moravie, surnommé « le bourreau », « la bête blonde », « l’homme le plus dangereux
du IIIe Reich ». Après des mois de préparation, il est finalement abattu dans sa Mercedes. Il s’ensuit une
folle traque qui se termine dans une église du centre de Prague. HHhH est un acronyme inventé par les SS
qui signifie en allemand : « le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich » (Himmlers Hirn heisst Heydrich).

Le récit est structuré comme un entonnoir : des chapitres courts relatent différents épisodes
en divers lieux et à diverses époques, qui tous convergent vers Prague où s’est déroulé l’attentat. Tous les
personnages de ce livre ont réellement existé ou existent encore. L’auteur a rapporté les faits le plus
fidèlement possible mais a dû résister à la tentation de romancer. Comment raconter l’Histoire ? Cette
question conduit parfois l’auteur à se mettre en scène pour rendre compte de ses conditions d’écriture, de
ses recherches, de ses hésitations. La vérité historique se révèle à la fois une obsession névrotique et une
quête sans fin. » (Présentation de l’éditeur)
Kubi est mort. Je regrette d’avoir à écrire ça. J’aurais aimé mieux le connaître. J’aurais voulu
pouvoir le sauver. Il paraît, d’après les témoignages, qu’au bout de la galerie il y a avait une porte
condamnée qui communiquait avec les immeubles voisins et qui aurait pu permettre aux trois hommes de
s’échapper. Que ne l’ont-ils empruntée ! L’Histoire est la seule véritable fatalité : on peut la relire dans tous
les sens mais on ne peut pas la réécrire. Quoi que je fasse, quoi que je dise, je ne ressusciterai pas Jan Kubi
le brave, l’héroïque Jan Kubi, l’homme qui a tué Heydrich. Je n’ai pris absolument aucun plaisir à raconter
cette scène dont la rédaction m’a coûté de longues semaines laborieuses, et pour quel résultat ?
« Un récit puzzle pour raconter l’exécution par la Résistance du SS Reinhard Heydrich, le
planificateur de la solution finale... Pour l’auteur, le problème reste entier : comment évoquer un des pires
salauds de l’Histoire sans, d’une manière ou une autre, lui servir la soupe ? Cette question, moralement
incontournable, Laurent Binet se la pose tout au long des 400 pages de son (remarquable) premier roman.
C’est tout à son honneur...Laurent Binet procède par allers-retours dans le temps et l’espace, entre
réflexions personnelles et documents historiques, composant peu à peu un puzzle d’où émergent une image
de plus en plus nette de ce qui s’est joué ce jour-là, et quelques visages... »
(Bernard Loupias, Le Nouvel
Observateur, 28 janvier 2010).

Adélaïde de CLERMONT-TONNERRE

- Adélaïde de CLERMONT-TONNERRE, Fourrure, Stock, janvier 2010

Adélaïde de Clermont-Tonnerre, 33 ans, ancienne élève de l’École normale supérieure,
s’essaya à la banque d’affaires en France et au Mexique avant de devenir chroniqueuse et journaliste. Elle
est actuellement chef de rubrique des pages culturelles du magazine Point de Vue.
« C’est en passant devant un kiosque à journaux du boulevard Pierre-Seymard, à Nice, qu’Ondine
apprend le suicide de sa mère, la grande écrivain Zita Chalitzine. On l’a retrouvée dans une voiture
enveloppée dans un magnifique manteau de fourrure blanc. Zita, qui avait passé sa vie à faire scandale,
ne se départ pas de sa réputation. Et juste avant de disparaître, elle faisait encore parler d’elle : elle
n’aurait été qu’un prête-nom aux livres qui ont fait son succès. Ondine ne veut rien savoir de sa génitrice
qui n’a été qu’une pâle imitation de ce que devrait être une mère et qui n’a jamais voulu lui dire qui était
son père. Et pourtant, en rangeant les affaires de Zita, après l’enterrement, Ondine découvre le dernier
livre de sa mère, non publié, son autobiographie.
Le lecteur entre alors de plein fouet dans la vie extraordinaire de Zita, petite fille pauvre, élevée
dans la loge de son énorme mère, Madame Lourdes.
Devenue la protégée de la famille propriétaire de l’immeuble dans lequel elle vit, elle découvre la
haute société, la vie facile de ceux qui ont les moyens, la culture, la finesse. Après son bac, elle gagne son
indépendance en devenant une des filles de Madame Claude et par la même occasion la maîtresse du
grand auteur Romain Kiev. Coqueluche du tout-Paris des années 1970, elle illustre ce temps où tout était
possible.
Les fêtes, les drogues, Yves Saint-Laurent, les belles voitures, on suit Zita dans un tourbillon
d’avant crise. Mais aussi dans sa chute, dans sa déchéance. Lorsque l’on est monté si haut, on ne peut que
redescendre très bas. » (Présentation de l’éditeur)
Dans la vie, on a rarement accès à une personne aussi intimement qu’en lisant ses mémoires. Au
quotidien, les pensées sont filtrées, les choses dites peuvent faire mal, mais elles n’ont pas de corps. Elles
surgissent puis s’éteignent, volatilisées. Les choses écrites, si elles viennent de quelqu’un que l’on a aimé,
sont beaucoup plus dures à effacer. Lorsqu’une parole blesse, on peut croire qu’elle n’était pas pensée,
qu’on a mal entendu. Lorsqu’un mot brutal se fige sur le papier, il n’y a plus de place pour le doute.
L’intention est bien là. Le mot garde sont tranchant. Le temps ne l’émousse pas, et à chaque relecture, on
peut à nouveau s’y couper.
« Un rebondissement suit l’autre. Quelques ficelles sont épaisses, mais le lecteur se coule
parfaitement dans ces années 70, désuètes, giscardiennes, révolues. On pourrait même dénicher l’influence
de l’écrivain Patrick Besson, ami proche. Je le prends pour un compliment. C’est le meilleur de sa
génération. Contrairement à son physique, il a une telle grâce, une légèreté d’écriture. En même temps, il
sait se montrer violent, intense, précis. Je suis moins cognante, plus enrobée. Je ne voulais simplement pas
d’un truc autofictionnel, prise de tête. Fourrure est donc l’accessoire indispensable de l’hiver 2010. Et des
saisons futures. Les bonnes histoires, comme les beaux vêtements, sont indémodables. »
(Aurélie Raya,
Paris Match, 2 février 2010)

Guillaume de FONCLARE

- Guillaume de FONCLARE, Dans ma peau, Stock, janvier 2010

Né à Pau en 1968, Guillaume de Fonclare a grandi près d’Aix-en-Provence. Depuis 2006, il est
directeur de l’Historial de la Grande Guerre à Péronne (Somme).
« Dans ma peau est un texte qui a ses racines dans le premier XXème siècle, au temps où les
hommes portaient la moustache et les femmes de larges chapeaux, quand les pétarades automobiles
effrayaient les chevaux sur les grands boulevards. Dans les violences d’une guerre à la fureur si nouvelle,
un monde s’est abîmé et il ne nous en reste que quelques échos déformés et des images tremblotantes que
nous ne comprenons plus. Cette guerre, je la connais bien : je suis directeur de l’Historial de la Grande
Guerre à Péronne, dans la Somme, au coeur des champs de bataille de la Première Guerre mondiale, là où
s’opposèrent troupes britanniques, armées du Commonwealth et Allemands de 1914 à 1918. Et c’est avec
mon corps que j’éprouve l’âpreté de l’ancienne réalité des combats ; depuis quatre ans, je souffre d’une
maladie qui n’a pas de nom et qui rend chacun de mes mouvements douloureux et pénible, si bien que je ne
connais plus de moment de paix et de repos. Il me semble parfois être si près de ceux dont je dis être le
témoin que j’en ferais souffrance commune avec ces hommes qui ne sont plus, que mon horizon est sans
cesse bousculé d’explosions intimes. Les objets que je côtoie, les uniformes impeccables qui dorment dans
les réserves de l’Historial, les fusils comme les montres, les poignards comme les godillots, tout cela
résonne de violences assoupies que je crois ressentir à chaque instant. Voilà ce que j’ai essayé de dire et
d’écrire ; et l’attention que je me porte serait différente si elle n’était pas le fruit de mon expérience à
l’Historial, si elle n’était pas née d’abord d’une empathie pour de plus souffrants que moi. » (Mot de
l’auteur)
Mon corps est un carcan ; je suis prisonnier d’une gangue de chairs et d’os. Je bataille pour
marcher, pour parler, pour écrire, pour mouvoir des muscles qui m’écharpent à chaque moment. Mon
esprit ressasse d’identiques rengaines ; je ne vois plus les sourires de mes enfants, ni les tendres regards de
celle que j’aime ; je ne vois que mes mains qui tremblent, mes bras qui peinent à amener la nourriture à la
bouche et mes jambes qui ploient sous le poids d’un corps devenu trop lourd. Je ne suis plus qu’un homme
mal assis qui songe sans fin, et si j’ai aimé ce corps, je le hais à présent. Nous cohabitons désormais et il a
le dernier mot en tout ; je ne me suis résolu à cette idée que contraint.

« À quoi reconnaît-on qu’un livre est beau ? Beau, pas seulement bon et pas nécessairement
grand. À sa musique, d’abord, sans doute. La petite musique des mots qui sonnent juste, des cadences qui
harmonisent, des choses dites, simplement, sans effets recherchés. À sa vérité, ensuite. Celle des
personnages, lorsqu’il s’agit d’un roman. Celle de l’expérience vécue, lorsqu’il s’agit d’une histoire de vie,
ou seulement d’une de ses tranches. À son humour, enfin, ou plutôt au soin apporté à s’épargner l’esprit de
sérieux, à la distance prise avec les pathos, à la retenue dans le malheur, au mutisme des grandes
douleurs, à la politesse du désespoir, en somme. Dans ma peau de Guillaume de Fonclare rassemble tous
ces attributs. »
(Marc Riglet, Lire, avril 2010)

Kim THUY, Ru

- Kim THUY, Ru, Liana Levi, janvier 2010
Kim Thúy a quitté le Vietnam avec d’autres « boat people » à l’âge de dix ans. Elle vit à Montréal
depuis une trentaine d’années. Son parcours est hors du commun. Elle confie avoir fait toutes sortes de
métiers – couturière, interprète, avocate, restauratrice – avant de se lancer dans l’écriture. Ce roman a
obtenu le Grand Prix RTL-Lire 2010
« Une femme voyage à travers le désordre des souvenirs : l’enfance dans sa cage d’or à Saigon,
l’arrivée du communisme dans le Sud-Vietnam apeuré, la fuite dans le ventre d’un bateau au large du
golfe de Siam, l’internement dans un camp de réfugiés en Malaisie, les premiers frissons dans le froid du
Québec. Récit entre la guerre et la paix, Ru dit le vide et le trop-plein, l’égarement et la beauté. De ce
tumulte, des incidents tragi-comiques, des objets ordinaires émergent comme autant de repères d’un
parcours. En évoquant un bracelet en acrylique rempli de diamants, des bols bleus cerclés d’argent ou la
puissance d’une odeur d’assouplissant, Kim Thúy restitue le Vietnam d’hier et d’aujourd’hui avec la
maîtrise d’un grand écrivain. » (Présentation de l’éditeur)
Je suis venue au monde pendant l’offensive du Têt, aux premiers jours de la nouvelle année du
Singe, lorsque les longues chaînes de pétards accrochées devant les maisons explosaient en polyphonie
avec le son des mitraillettes. J’ai vu le jour à Saigon, là où les débris des pétards éclatés en mille miettes
coloraient le sol de rouge comme des pétales de cerisier, ou comme le sang des deux millions de soldats
déployés, éparpillés dans les villes et les villages d’un Vietnam déchiré en deux. Je suis née à l’ombre de ces
cieux ornés de feux d’artifice, décorés de guirlandes lumineuses, traversés de roquettes et de fusées. Ma
naissance a eu pour mission de remplacer les vies perdues. Ma vie avait le devoir de continuer celle de ma
mère.

« Pas un mot au-dessus de l’autre. Peu de descriptions et, pourtant, des images fortes qui viennent
se greffer dans l’esprit du lecteur. Comme celles où l’on voit ces réfugiés s’entasser à 2 000 dans un camp
qui devait en accueillir 200. Ou celles, plus saisissantes encore, des vers de terre blancs jaillissant de la
glaise pour tapisser le sol déjà recouvert de déjections. Kim Thúy épargne au lecteur le misérabilisme et la
complaisance ; elle évoque les odeurs, une mèche de cheveux, un vêtement... Elle prouve que l’on peut
échapper au communisme, à la noyade, aux pirates, à la dysenterie, mais aussi au vide identitaire qui
frappe les apatrides. Elle fait ainsi une remarquable entrée en littérature. »
(François Busnel, Lire, janvier
2010)

Fabio VISCOGLIOSI

-  Fabio VISCOGLIOSI, Je suis pour tout ce qui aide à traverser la nuit,
Stock, janvier 2010

Né en 1965 de parents italiens, Fabio Viscogliosi vit en France. Il est musicien et dessinateur.
« Je suis pour tout ce qui aide à traverser la nuit est un récit à multiples facettes, un
kaléidoscope qui, par petites touches, dresse le portrait d’un homme de quarante ans vivant en France,
fils d’immigrés italiens, enfant du rock tout autant que de Magritte ou de Laurel et Hardy. Dans le grand
catalogue sensible qu’est son récit – une suite de textes aux titres intrigants –, Fabio Viscogliosi convoque
avec tendresse ceux avec qui il dialogue depuis toujours et lui permettent d’interroger le monde : saviezvous
que Picasso admirait la fragilité des chauves-souris ? Que Buster Keaton portait des chaussures bien
plus grandes que ses pieds ? Que Georges Simenon rêvait d’une belle urne rouge vif pour accueillir ses
cendres ? Franck Sinatra, Bob Dylan, Alfred Hitchcock ou Eddie Cochran…autant d’hommes illustres qui
s’invitent également dans l’univers de l’auteur, ne faisant que passer mais déposant l’épaisseur de leurs
mystères ou la singularité de leurs pratiques et de leurs questionnements. […]
Questionnement sur l’absurde, la force du lien, la nature du bonheur, le récit de Fabio
Viscogliosi est fait des petites choses du quotidien, d’infimes détails révélateurs, montrant toujours l’envers
du décor. Et c’est ainsi que le lecteur prend une place centrale dans ce texte, parce que Je suis pour tout ce
qui aide à traverser la nuit parle de lui, avec des mots justes et un style délicat emprunt de pudeur, de sa propre traversée, de ses jours et de sa nuit. » (Présentation de l’éditeur)

« Le bonheur ne produit pas d’histoires. » Voilà ce qu’aurait dit un jour le cinéaste Michelangelo
Antonioni. Je me souviens d’avoir découvert cette phrase définitive au milieu d’un cahier spécial du
journal Le Monde publié à l’occasion de sa mort. Je l’ai relue plusieurs fois, sautillant d’un pied sur l’autre.
D’emblée, l’idée m’a déplu. Planté au milieu de mon salon – c’était au tout début de l’après-midi, par les
fenêtres je voyais la lumière qui venait frapper les immeubles voisins et, plus loin, la ville réduite en
miniature, avec la petite tour scintillante de l’aéroport et au-delà encore toute la chaîne des Alpes dominée
par cette vieille crapule de mont Blanc –, il m’a bien fallu reconnaître que, d’un certain point de vue,
Michelangelo n’avait pas tort. Mentalement, j’ai repassé les images de ses films, ceux dont je pouvais me
souvenir : Monica Vitti errant sur sa petite île de cailloux tandis qu’une villa américaine explose au
ralenti, un cadavre allongé sous les buissons d’un parc de Londres et un autre type qui se noie au volant
d’une voiture volée, celle d’Alain Delon essayant en vain d’arracher un baiser à Monica Vitti, qui se sauve à
nouveau dans les rue de Rome, et ainsi de suite. J’ai senti peser sur moi le regard triomphant de
Michelangelo. Depuis longtemps, les tableaux s’enchaînent en un cadavre exquis que l’on pourrait étendre
à toute la création. Le bonheur ne produit pas d’histoires, peut être, me suis-je dit. Et alors, les histoires ?
« Autoportrait en creux, superbement composé, ce très beau premier roman raconte ainsi, à sa
manière très personnelle, une histoire entre chien et loup, où bonheur et douleur se poursuivent et se
cognent, inextricablement mêlés. La vie, tout simplement. »
(Michel Abescat, Télérama, 17 avril 2010)

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