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Les amours au temps du coronavirus

Même si on ne les entend pas beaucoup, les écrivains pensent certainement aux multiples effets du grain de sable « covidien » et de ses dégâts collatéraux sur les amours. Comme le hussard de Jean Giono, pour le moment ils se contentent d’observer. L’amour au temps du coronavirus va leur offrir de belles potentialités narratives !

Récits mélancoliques et passionnés, scènes déchirantes : comment sont vécus les mariages annulés, et les amours compromise ?

Idylles encore dans l’œuf, pour lesquelles les amoureux transis vont devoir développer des trésors d’imagination pour attirer l’attention de la personne rencontrée juste avant les mesures de confinement.

Brutales séparations obligeant les couples à rechercher des formes d’évasion dans le ravissement, le rêve d’un passé encore récent, le morbide, le sublime, l’exotisme… Quand on n’a plus que cela à faire, on rêve d’amour comme au XIXe siècle dans les classes aisées.

Va-t-on assister à un retour du romantisme, du lyrique, de la romance… par mail, par texto, par WhatApps ?

Sylvain Tesson, dans une interview, a imaginé ces amoureux qui traversent l’épreuve de l’enfermement. Les réalités du cœur se heurtant aux réalités de la séquestration, le téléphone rose, c’est bien naturel, fonctionne à plein régime, pour inventer de nouvelles façons de s’exprimer dans le domaine de la sexualité.

Certaines situations relèvent à la fois du vaudeville et du drame cornélien.

Une des conséquences de cette crise sanitaire : les marins n’ont plus le droit de mettre pied à terre. Cela nous fait penser à un cas actuel et bien réel d’une épouse qui a fermé la porte de son logis à son marin de mari, craignant qu’il ne lui rapporte le Covid comme souvenir de voyage. La dame, confinée dans sa villa, refuse d’entretenir son époux, confiné sur son voilier, de rapports sexuels virtuels. Drame et frustration !

Au moyen âge et même après, les écrivains s’inspiraient volontiers des mariages de jeunes filles avec de vieux messieurs. Ces maris qui avaient dépassé l’âge de procréer cherchaient malgré tout le moyen d’assurer leur descendance. Il faut les comprendre, ces jeunes femmes, toujours blondes et éthérées, enfermées dans des tours ou dans leurs jardins. Avec Molière et Beaumarchais, elles finissaient toujours, on ne sait comment, par rencontrer de beaux jeunes gens… Seule la Princesse de Clève résista héroïquement au Duc de Nemours dans le roman de Madame de la Fayette.
Histoire vraie  : toujours amoureuse d’Abélard, Héloïse prend le voile, mais écrit tous les jours de son couvent des lettres sensuelles à son amant châtré et devenu indifférent.
Il arrive aussi que les amants s’unissent enfin, comme Marguerite, mais parce qu’elle a signé un pacte avec le Diable pour retrouver le Maître dans le roman de Boulgakov.

Les histoires d’amours finissent mal, en général

Dans Belle du Seigneur d’Albert Cohen, la relation de Solal et d’Ariane, même si elle a bien commencé, finit par s’étioler, et c’est la solitude qui en est la cause. L’auteur montre comment les plus belles et grandioses amours ne survivent pas à l’enfermement et à l’ordinaire.

Nous n’avons pas encore assez de recul pour savoir comment les époux mal mariés vont survivre à la claustration : Clémence (Signoret) va-t-elle tuer le chat de Julien (Gabin), comme dans le film de Pierre Granier-Deferre ?
Nous le saurons… si nous en réchappons.

Illustration de Une (détail) : l’amour au temps du Grassois Jean-Honoré Fragonard. (DR)

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