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LITTERATURE : La vague à laquelle vous n’échapperez pas….

C’est fait ! La rédac chef m’a accordé deux semaines de vacances, cela fait que vous n’allez pas me lire jusqu’au 15 août…. Je partage votre peine, ces effusions bimensuelles étaient le sel de ma vie, je me crois toujours un peu plus écrivain quand je couche mes états d’âme sur le clavier (néologisme délicieux, non ? - je vais penser à faire une petite anthologie de ce genre de truc). Bref : vous me voyez déjà d’humeur facétieuse et je m’en vais grignoter quelques nouveautés pour la rentrée que je vous commenterai si elles en valent la peine, car les laitues prétendant aux prix littéraires sont quand-même un peu falotes jusqu’ici.

Bon, et puisqu’il faut quand même donner quelque substance à cette chronique, je vais vous parler de l’événement littéraire qui occupe les Américains en ce moment, qui vient d’envahir les charts anglais et dont la traduction française vous fait encore lambiner jusqu’à l’automne. Mais les magazines féminins se sont déjà emparés du sujet et on peut s’attendre à une belle empoignade à la rentrée, je vous le dis !

Alors j’ai fait fi des dossiers de presse et je me suis procuré la version anglaise (car le gentil libraire qui me fait office de père nourricier l’a en rayon) et vous pouvez en faire de même car pour ce qui est de l’Anglais, celui-ci est plutôt du genre « lecture facile, second niveau ».
Anastasia Steele est une étudiante en lettres de 21 ans et travaille dans une bricolerie pour faire ses fins de mois. Pour aider son amie coloc et rédac chef de la postille de collège, elle va interviewer Christian Grey (vous voyez le jeu de mot) entrepreneur à succès, un genre de Bernard Tapie du bon temps) et tombe immédiatement raide amoureuse du bonhomme. Sa peau chauffe, se tend, le malaise guette, la voix se tord, bref, des symptômes inquiétants. Et bien sûr, le monsieur n’est pas indifférent à ses charmes, non sans l’avoir avertie avant le premier baiser fatal qu’il vaudrait mieux se tenir éloignée de lui. C’est comme sur les paquets de cigarette, fumer tue, mais apparemment c’est encore mieux comme ça. Comme c’est encore mieux, la belle se laisse porter par son instinct (eros et thanatos n’est-ce pas, je vais relire Freud) et succombe… à un homme qui dit ne jamais faire l’amour, n’avoir aucune petite copine mais qui dispose chez lui d’une chambre rouge de.. heu… éloignez les enfants … torture. Voilà j’ai lâché le morceau : pendant trois tomes la belle Ana va passer par tous les supplices, découvrir la passion dans la souffrance, partager chaque émotion nouvelle et nous, vous faire frissonner avec elle dans des délices heureusement virtuels pour la plupart d’entre nous.

C’est là que nous quittons la série Harlequin (page 89 quand même du premier tome) pour entrer dans un monde sombre, celui du BDSM ( alliant la version soft « attachement-domination » à la version plus hard de M. Grey, « Sado-maso »). Le premier tome est illustré par une cravate d’homme artistiquement photographiée, le second par un masque vénitien, mais le troisième sort la grande cavalerie : les menottes. Apparaissent évidemment moults accessoires dont je ne vous détaille que les plus courants : pinces, fouets, martinets, croix de Saint André, bougies et cuirs cloutés dans d’infinies variantes. Je ne vous en dis pas plus, après tout je n’ai lu que le premier volume, mais voilà ce qui fait chavirer l’Amérique.
Ce n’est pas que le sujet soit neuf ni la qualité littéraire exemplaire.

Paru de manière confidentielle en Australie (aha… se disent certains), le titre s’est d’abord vendu en livre électronique qui, comme vous savez, fait un malheur en Amérique et en Amazonie, pays quasiment dépourvus de librairies. Eh oui, comme ça pas de risque d’être interpellé sur ses lectures dans le métro….. Le fait que l’auteur, pseudo E.L. James, une Anglaise d’un âge moyen et plutôt boulotte, soit cadre dans la télévision Anglaise n’est sans doute pas étranger à ce succès de com. ET je vous rassure, la couverture est assez chic pour traîner sur votre table de salon, et le contenu est avouable. Pour ce qui est de l’émotion suscitée par la lecture, elle est apparemment énorme… je suppose plus chez les femmes qu’auprès des mâles. Par contre, comme sujet de conversation sulfureux, l’énorme audience du bouquin permet des audaces nouvelles. Et ce n’est pas un mal de parler d’amour et de sexe en les distinguant, de découvrir qu’il peut y avoir de l’émotion du corps en plus ce celle du cœur, et que le mal n’est pas toujours là où on le voudrait voir… Quant à savoir ce que la chose aura comme conséquence sur les courbes de vente des sex-shops .. ou de laisses et colliers pour chien…. rendez-vous à la rentrée !

©DR

Cinquante nuances de Grey, E L James, JC Lattes, 580p, 17 € ( sortie le 17 octobre)
Et, en attendant : Fifty shades of Grey, EL James, Vintage, 14,40€

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