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La peste en Provence : toute ressemblance...

Nous avons commencé 2020 sans même connaître le terme Covid-19. La maladie, d’abord qualifiée de "grippette", a depuis fait le tour de la planète... Nos grands-parents, eux, avaient connu la grippe espagnole en 1918, qui fit quarante millions de morts, mais les progrès de la médecine, de la couverture vaccinale en particulier, avaient fini par nous laisser penser que nous étions invulnérables...

Comme avec les inondations en hiver et les impôts au printemps, l’humanité est régulièrement affligée par des fléaux. En 1347, déjà, la peste détruisit la moitié de la population de Nice. Et quatre siècles plus tard, cette maladie s’est manifestée à Marseille en 1720, isolant la Provence du reste du monde.

Le confinement, déjà...

Venant de Syrie, un bateau de commerce, "Le Grand Saint Antoine", a été mis en quarantaine car dix de ses passagers étaient décédés de mort suspecte. Pourtant, sa cargaison fut déchargée et des tissus précieux sortis en fraude. C’est ainsi que la maladie se propagea dans et autour de la cité phocéenne, faisant en deux années quelque 120 000 morts en Provence, et jusque dans le Gévaudan en plein Massif Central.
Aux grands maux les grands remèdes : pour enrayer la peste, Louis XIV ordonna le confinement (déjà) par la mise en place d’un rempart sanitaire nommé "mur de la peste". Les militaires envoyés sur place eurent ordre de tirer à vue sur les quidams qui tentaient de sortir de l’enceinte. Seuls les habitants "déclarés sain" par des commissaires de quartier pouvaient circuler munis d’un sauf-conduit.
Les galériens, dont l’espérance de vie était de toute manière réduite, furent chargés d’enterrer les morts dans la chaux vive. On brûla du soufre dans les maisons des victimes avant de les murer. Les gens, qui ne disposaient pas de masques FFP2, se calfeutraient sans avoir le loisir de regarder des séries sur Netflix. Les riches fuirent la ville pour se réfugier dans leur maison de campagne, sur la Sainte Victoire ou à l’Île de Ré. Les dignitaires de l’état et de l’Église se placèrent sous la protection divine. La médecine est alors basée sur les superstitions : il n’y a pas de médicaments et les saignées achèvent les malades. La société fut désorganisée, la vie économique subit un arrêt brutal, les enfants abandonnés par leurs parents.

Fusillé pour avoir voulu entrer dans Nice

Pour éviter la contagion, Nice s’était refermée sur elle-même, interdisant son entrée aux voyageurs. Un homme, venu de Toulon, fut surpris une nuit à franchir le Var. Mauvaise idée ! Ne sachant s’il était indemne, porteur sain ou contagieux, les autochtones le fusillèrent dans le doute, sans autre forme de procès. Voilà qui lui apprendra à vivre !
Après une accalmie, de nouveaux cas de peste se produisent en avril 1722. Les échevins de Marseille firent le vœu solennel d’aller entendre à chaque date anniversaire une messe au monastère de la Visitation et d’offrir un cierge. La peste fut enrayée en août. Processions et pèlerinages produisirent paraît-il des miracles.
De nos jours les processions sont bannies et les messes se disent à huis clos sur internet.

Visuel de Une (détail) Le peintre Michel Serre (1658-1733) : "Vue du Cours pendant la peste de 1720" à Marseille. DR

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