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CHRONIQUE LITTERAIRE : Israel - Par Daniel Schwall - Librairie Quartier Latin Nice

L’actualité, pour une fois fait loi et je dérange pour une fois mes petites habitudes pour vous présenter trois livres qui font écho aux récents événements à Gaza. Et qui ne sont pas détachés de l’actualité littéraire pour autant !

- Régis Debray décoche sa plume fine et analytique habituelle pour s’épancher sur Israël. « Je suis sûr en abordant cette rive bardée d’écueils, de me brouiller avec la moitié plus un de mes meilleurs amis. Il se trouve simplement qu’un Gentil se sent les coudées plus franches avec un juif d’Israël… » introduit le propos d’une longue lettre à un ami de longue date, Elie Barnavi.
Le style de Debray est touffu et précis à la fois, il véhicule cette part d’émotion dans l’analyse des faits qui distingue l’écrivain du simple rapporteur.
C’est un petit livre, ce n’est pas une somme historique, mais plutôt des considérations personnelles et philosophiques. Petit livre mais à grande profondeur. Debray n’est pas un homme des lieux communs : s’il se place résolument du côté d’Israël quand il s’agit de vie et de survie, il ne se pose pas non plus en zélateur aveugle…

Elie Barnavi, qui fut ambassadeur d’Israël en France, donne une brève réplique qui ne transforme toutefois pas le livre en polémique – plutôt un échange poli et policé. On pourrait en être frustré s’il n’y avait, juste à côté et à quelques mois en arrière ce livre vivifiant par lequel il mettait l’opinion publique occidentale au pied du mur de Jérusalem, si j’ose dire. Avec une liberté de ton étonnante pour un ancien diplomate, il pointe les tenants et aboutissants de la question palestinienne d’une manière on ne peut plus pragmatique et terre-à-terre. L’affirmation que la paix et la survie d’Israël ne peut s’envisager sans Etat palestinien y est du coup pourvue de fondements et de défenses solides. Après un demi-siècle d’affrontements et de tergiversations la situation est devenue à tel point inextricable que Barnabi en appelle aux Etats-Unis pour forcer la situation : ce n’est pas le moindre paradoxe pour un authentique démocrate et humaniste que de ne voir plus qu’un acte de force pour résoudre la crise. Trancher le nœud gordien : l’Amérique à la place d’Alexandre, mettre l’épée au service des mots. On voit bien la dangerosité de la situation si même entre intellectuels le débat tourne autour de l’utilisation de la force, même s’il n’est pas question de force militaire au premier abord.

Le pragmatisme de Barnavi répond à la vision cérébrale et émotive de Debray. Une forme d’incommunication comme une autre même si, sur le fonds, les deux hommes sont d’accord. Et tant d’autres avec eux – mais cette superposition de bonnes volontés n’a pas su résoudre ce qui s’avère rester le premier drame du XXIe siècle.

- Plus léger, l’ouvrage de Jean Claude Barreau ne répond absolument pas à la promesse de son titre. Il ne s’agit pas d’une sorte d’encyclopédie d’Israël, mais au contraire d’une vision – témoignage d’un ancien soldat devenu haut fonctionnaire. Un soldat formé par Tsahal, un soldat qui fait la guerre d’Algérie et qui se retrouve notamment conseiller de Charles Pasqua, puis à l’office de l’Immigration. C’est dire si le personnage est sulfureux et ses écrits ne déçoivent pas de ce côté. Si la pensée de Barreau n’atteint en aucun cas la finesse de celle de Debray ou la hauteur humaniste de Barnavi, son témoignage est un complément indispensable, car, d’une certaine façon, sa vision historisante mais courte et mal dégrossie, un peu à la café du commerce, nous fait revenir sur terre : les bonnes volontés ne suffisent pas.
Il conviendrait d’ajouter à ces visions leur contrepartie palestinienne. Hélas, pour le moment le monde de l’édition ne regorge pas d’ouvrages non sectaires ou propagandistes sur le sujet. Comme si le désespoir rendait plus difficile l’expression de la raison. On ne saurait leur en vouloir…

- Elie Barnavi : Aujourd’hui ou peut-être jamais, pour une paix américaine au Proche-Orient, André Versaille éditeur, 180 p, 16,90 €

- Regis Debray, A un ami israélien, coll Café Voltaire, Flammarion, 57 p, 12 €

- Jean Claude Barreau, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Israêl sans jamais oser le demander, Editions du Toucan, 185 p, 17,90 €

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