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CHRONIQUE LITTERAIRE : Inferno, Dante, Botticelli et tout ça….

Le gentil libraire qui tient cette chronique a parfois du mal à échapper aux poncifs, tellement l’actualité littéraire est parfois univoque. Ci-fait ces jours-ci, qui ne bruissent que d’un seul mot : « inferno », l’enfer, le best-seller de Dan Brown qui caracole en tête de toutes les listes de best-sellers en France et ailleurs. Vous aurez sans doute lu comment les traducteurs de toutes les langues européennes ont été enfermés dans un bunker chez l’éditeur Montadori qui détient les droits pour
un paquet de langues, pour que rien, rien ne puisse filtrer de cette oeuvre supposée majeure et culminante de la fabrique Brownienne
de page-turners. Et on vous en parle, on m’en parle, de ce livre, dont le format et le degré de sophistication en font en effet un bon intermède de plage. Pour celui qui a été à Florence, il y a une collection de réminiscences plaisantes dans le récit, pour ceux qui n’y ont jamais été, il y a comme une invitation au voyage et gageons que les agences de tourisme florentines ont déjà dans leur catalogue une visite de Florence sur les pas du professeur Longdon. Suivie, qui sait, d’une escapade à Venise, et les chevaux de la coupole de St-Marc auront sans doute un quota record de touristes américains cet été.

Bon. Mais encore ? Je ne peux entamer le sujet sans vous donner un avis : eh bien, c’est à peu près du niveau de Marc Levy ou de Guillaume Musso, tout ça pour vous dire que la France arrive maintenant à faire aussi bien que les Américains en matière de lecture addictive. Vous le prendrez comme vous voudrez…

Mais cette chronique ne peut pas s’arrêter en si bon chemin. Le libraire ne peut ignorer que le best-seller n’est pas seulement un similiguide de Florence, mais aussi une originale introduction à la Divine Comédie de Dante, dans laquelle Dan Brown est allé cacher les
clés de l’énigme. Divine Comédie, œuvre fondatrice de la littérature italienne et fascinante descente aux Enfers – en fait ce serait presque Dante qui a inventé l’enfer ! Citations, références, allusions, tout vous incite à vouloir y voir de plus près. Et bien sûr, toutes ces références à la carte de l’Enfer d’un certain Botticelli ! Alors, comment le libraire inspiré pourrait-il éviter de vous mener au vrai festin qui se cache derrière le menu du jour, à savoir cette splendide édition de la Divine Comédie aux éditions Diane de Selliers. Richement et prodigieusement illustrée par… Botticelli lui même ! Des dessins tracés à la pointe d’acier sur du parchemin, partiellement coloriés, sans doute ses premières études en vue de la réalisation du grand-oeuvre dont Dan Brown fait ses gorges chaudes. Les dessins de Botticelli sont aujourd’hui conservés, d’une part, à la Bibliothèque apostolique vaticane, l’une des plus anciennes et des plus inaccessibles du monde, et, d’autre part, au prestigieux cabinet des Dessins et Estampes de Berlin qui a pu réunir, après la chute du Mur, en 1993, le fragment acquis en 1882. Et cette édition Diane de Selliers, que vous pouvez acquérir en italien ou en traduction française, est somptueuse et vaut chaque centime de son prix, avouons-le, trois fois plus cher qu’un bestseller américain mais que vous n’exposerez pas aux ravages de la plage, qu’au contraire vous savourerez pendant de longues heures dans l’intimité de votre cabinet de lecture…

Il y aurait encore à dire sur ce que la critique ne dit pas du livre de Brown, à savoir qu’il touche un sujet plus sérieux que ce que
l’auteur ne veut le dire. Le méchant dans l’histoire n’est en fait pas si fou que cela, puisqu’il cherche à sauver (de manière logique quoique peu orthodoxe) une humanité dont l’accroissement exponentiel ne peut raisonnablement que mener à sa perte. Ce sujet n’est pas traité à la légère et on peut regretter que Dan Brown, finalement, botte en touche sur ce lièvre qu’il a lui-même levé. L’humanité peut-elle se survivre à elle-même en l’absence de peste, de choléra, de catastrophe atomique ou de guerre biologique ? Voilà une question, délicieusement paradoxale, qui devrait hanter les beaux esprits. Mais non, nous préférons penser qu’il faut soigner, développer, engendrer, enfanter un maximum et que chaque mort est un drame. Hé hé, vous ne pensiez pas qu’un bestseller de l’été vous emmènerait aussi loin ? Eh bien, sur ce sujet, vous pouvez toujours lire avec grand profit intellectuel l’excellent « L’aventure de l’espèce humaine ; de la génétique des populations à l’évolution culturelle  » de Luca Cavalli-Sforza aux éditions Odile Jacob.

Et voilà comment d’un insignifiant thriller on peut glisser vers des moments d’extase et de réflexion sublime… Je ne résiste pas à vous gratifier de la belle maxime que j’ai vue inscrite à la façade d’un ensemble menant au Hard-Rock Café d’Amsterdam : «  homo sapiens non urinat in ventum ».

Sur ce, je vous souhaite un bel été….

La divine comédie (Introduction Et Postface de Peter Dreyer), de Dante Alighieri, Sandro Botticelli

La Petite Collection, Diane de Selliers Editeur, 505 p, 1770 g,
65€ (non ce n’est vraiment pas cher !)

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