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CHRONIQUE LITTERAIRE : France, où es-tu ? - Par Daniel Schwall - Librairie Quartier Latin Nice

Cela fait près de cinq ans que Jean Pierre Chevènement n’avait pas donné à lire : eh bien dans la perspective de 2012, les candidats, virtuels ou réels, potentiels ou sempiternels, crédibles et nuisibles, commencent à sortir du bois. Et nous risquons de nouveaux sommets dans la foire d’empoigne, l’à-peu-près, la mauvaise foi, l’auto-glorification et la veulerie.

La campagne s’annonce fade, car jamais les candidats n’auront été plus proches les uns des autres dans leur (manque de) vision économique et dans leur inaptitude à agir sur les développements internationaux, qu’ils soient du domaine de la haute finance ou des équilibres commerciaux. Et dans cette fadeur, le public, qui veut du spectacle, risque de donner plus d’attention aux discours qui sortent du lot de l’affrontement raisonnable droite-gauche.

Jean-Pierre Chevènement, par exemple.

On se rappelle le rôle – involontaire ? – joué par Jean-Pierre Chevènement, dans l’élimination de Lionel Jospin et l’avènement de Jean-Marie le Pen en grande finale des présidentielles. Sur cet épisode, on reste discret.

Ce livre est, bien sûr, un livre de campagne. Mais en dernier grand Gaullien, Chevènement ne s’en prend pas qu’au strict débat sur la mondialisation et les affres conjoncturels du capitalisme post-moderne. La grande valeur ajoutée à ce traité de la politique du moment est ce vaste inventaire auquel nous invite Chevènement, inventaire d’une génération de socialistes, de Mitterrand à … oui, à qui exactement aujourd’hui ?

L’inventaire est détaillé.. le livre prend à certains endroits la dimension de véritables mémoires et venant d’un intime de Mitterrand, plusieurs fois ministre, et néanmoins trublion qui n’a pas la langue dans sa poche, cela peut ouvrir quelques fenêtres sur des régions restées assez obscures jusque là.

On peut regretter que le ton reste polémique. Le caractère leste et enlevé trahit l’éternel orateur, le tribun, rôle pour lequel seul Jean luc Mélenchon en dispute à Chevènement.

Titrant sur la France, Chevènement se penche en effet largement sur l’Europe. Pari « pascalien » de Mitterrand, l’Europe peut-elle prendre le relais, dans le concert des nations, d’états nationaux en perte de vitesse et d’influence ? Beau paradoxe des idées, que de voir le chantre de la France Nationale (mais de gauche) en appeler aujourd’hui à une « résilience Européenne ».

La question qui forme le titre du livre ne reçoit pourtant pas la réponse catégorique attendue. Là est la subtilité de l’ouvrage : ce n’est pas un programme de gouvernement. Chevènement s’autorise bien des flous – ce qui lui évite sans doute la bêtise des positions arrêtées. Et ce qui fait, chose appréciable, de ce livre une vraie contribution à un débat quelque peu renouvelé.

Le livre laisse-t-il quelques questions grandes ouvertes ? Eh bien Chevènement sera là pour en discuter et, qui sait, formuler quelques réponses supplémentaires : le 24 février, à partir de 17h, en effet, il signera son ouvrage à la librairie quartier latin, séance de dédicace qu’il a voulu faire annoncer comme une « rencontre avec débat » . Occasion rare d’élever le débat, justement…

Jean-Pierre Chevènement, La France est-elle finie ? essai, 315 pages, fayard.

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