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Jazz à Domergue, le festival qui fait battre le coeur des instruments

Comme chaque année, début août, un magnifique Festival de Jazz se déroule dans le cadre enchanteur des jardins de la villa Domergue située sur les hauteurs de la Californie à Cannes. L’espace limité oblige à ne sélectionner que des trios ou des quartets, ce qui est fort agréable.

Suite au départ de Frédéric Ballester, fondateur du festival, c’est Hannah Baudet qui a repris la direction artistique.

Pour sa première programmation, elle accorde une place primordiale à la jeune génération.

Cette nouvelle édition a été ouverte par le talentueux guitariste Sylvain Luc accompagné aux percussions par les frères Keyvan et Bijan Chemirani. Ce jeune trio mêle à un jazz improvisé des sensations de contrées lointaines grâce au zarb, un instrument originaire d’Iran dont le son est connu pour être véritablement magique.

Les créations du Tony Paeleman Quartet résonnent de souvenirs personnels et d’échos de voyages, dont un, en Croatie, où une petite ville de la côte adriatique a inspiré au pianiste niçois un merveilleux « Zadar ».

En rappel, le Quartet a interprété, avec une cohésion harmonieuse, une « Ode à la lenteur ». Illustrant parfaitement le titre, les notes prennent leur temps, les musiciens aussi, même le piano arrive un peu tardivement, tranquille. Juste ce qu’il faut avant d’aller dormir !

Le Quartet de David Enhco est connu pour sa liberté créative et l’originalité constante des compositions de chacun dans ce groupe créé il y a huit ans avec Roberto Negro au piano, Florent Nisse à la contrebasse et Gautier Garrigue à la batterie.

Le Quartet de David Enhco a enchanté Cannes (DR Jérôme Godefroy)

Ils ont commencé leur concert avec une sélection de leur nouveau CD « Horizons », où le choix du ressenti est fait avec des morceaux expressifs, mais tout en nuances, parfois joyeux et souvent mélancoliques. Il leur est impossible de définir le jazz qu’ils jouent. Ils aiment improviser et, dès qu’une structure est là, ils s’abandonnent au plaisir et à la découverte. Chacun trouve sa place et le public ressent une grande complicité entre eux, tant à travers leurs regards que dans leur jeu.
David Enhco a un joli jeu de trompette avec un son délicat et voluptueux, tout en étant triomphant. Dès le début les notes coulaient en nous sensuellement en nous donnant la chair de poule, malgré la chaleur caniculaire. Comme son frère, Thomas Enhco, pianiste renommé tant en jazz qu’en classique, David Enhco est tombé dès l’enfance dans une très riche marmite musicale, avec le célèbre chef d’orchestre Jean-Claude Casadesus comme grand-père, l’illustre cantatrice Caroline Casadesus comme mère et le légendaire – et regretté - Didier Lockwood comme beau-père, le stimulant à jouer d’un instrument déjà tout petit.

« Sentinelle » est un morceau composé par David Enhco, au moment d’une rupture amoureuse. Quoique déprimé, il est désireux de garder une petite sentinelle lui disant de rester joyeux.

Le piano est triste, la trompette claironne avec une gaieté d’apparence, Florent Nisse se penche sur sa contrebasse et se serre contre elle comme pour écouter battre le coeur de son instrument. La batterie, plutôt sage, de Gautier Garrigue joue en douceur avant de s’éclater en tapant tous azimuts.

L’année veut qu’on accorde dorénavant davantage de place aux femmes, il en fallait donc une dans cette programmation. On ne présente plus la célèbre chanteuse Franco-brésilienne, Agathe Iracema. Elle a une évidente présence scénique qui séduit chaque spectateur. Sa voix douce et profonde est idéale pour les chaudes nuits de ce mois d’août à la Villa Domergue.
Durant l’entr’acte, les jardins illuminés deviennent féeriques et le public s’attarde à voir l’exposition consacrée cette année au corps de la femme, en hommage à la peinture de Domergue.

Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une (détail) : une vue du Festival (DR Ville de Cannes)

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