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EXPOSITION : Une Piscine pour Matisse - Reportage réalisé par Olivier Marro pour Art Côte d’Azur

Suite à une donation exceptionnelle, le musée Matisse ouvre le 1 er Juillet une exposition permettant de découvrir les métamorphoses de la forme et de la couleur dans l’œuvre du peintre.

Marie-Thérèse Pulvénis de Seligny, Conservateur du Musée Matisse © Isabelle Chanal

Une piscine au Musée Matisse ? A l’approche de l’été, la célèbre maison ocre de Cimiez aurait-elle prévu d’offrir une nouvelle prestation à ses visiteurs ? Pas vraiment car « la piscine » est une œuvre rare qui vient de faire l’objet d’une donation à la Ville par le petit-fils de Henri Matisse. Cette œuvre monumentale constituée de deux panneaux de céramique de 8,50 mètres chacun, sur 2 mètres de hauteur vient d’intégrer la collection et du même coup vient rafraichir un fond qui, depuis 50 ans n’avait plus connu de donations aussi importantes. Exceptionnelle, cette pièce l’est à plus d’un titre au point qu’elle sera du 1er Juillet au 30 octobre au cœur de la grande exposition estivale organisée par la ville de Nice et Marie-Thérèse Pulvénis de Séligny, conservateur du musée Matisse.

Du Régina à la MOMA

En 1952 Matisse a 80 ans. Sur les conseils de son médecin il est revenu à Nice dans son appartement du Regina. Un jour d’été alors que la canicule sévit, il décide d’allez au Palm Beach pour y contempler les baigneuses. Mais une fois arrivé sur place, pas la moindre naïade en vue ! Déçu, frustré, l’artiste regagne le Régina où, faisant contre mauvaise fortune bon cœur il donne vie à son fantasme à l’aide de papiers gouachés découpés. « Mais l’histoire de cette œuvre d’une extraordinaire fraicheur d’esprit pour un homme de son âge ne s’arrête pas là » souligne M-T Pulvénis de Séligny : « La piscine épinglée dans l’appartement atelier fut acheté en 1972 par le Musée d’art moderne de New York. A cette même époque notre ministre de la culture décida qu’en guise de compensation, il serait réalisé une version grandeur nature en céramique de l’œuvre, destinée à être ensuite être offerte au Musée de France. C’est le petit fils de Matisse, Claude Duthuit, qui se chargea quelques années plus tard d’exhausser ce vœu. Pour cet accouchement tardif, il fit appel à Hans Pinner, céramiste de renom qui réalisa, entre autres des pièces pour Miró. « Hans Pinner utilisa la pierre de lave parce qu’elle légère et ne se déforme pas à la cuisson. Les bleus ont été respectés comme le fond beige qui reprend la couleur des murs du Régina où séjourna l’œuvre papier »
A la fin de sa vie, Matisse réalise des compositions monumentales en papiers gouachés découpés, qu’il destine pour certaines à des réalisations en céramique. La Piscine est l’une d’elles. « Elle constitue une donation remarquable car elle sera la seule œuvre que le musée possédera dans la technique de réalisation finale souhaitée par l’artiste pour ses grandes compositions »

La maquette de "La Piscine" d’après celle originale conservée au Moma de New York

La dissolution du trait et de la couleur

Une première pour le Musée niçois qui valait bien une exposition. D’autant que cette pièce réalisée deux ans avant la mort de Matisse à Nice, vient éclairer la quête artistique de toute une vie. « Nous avons réalisé à partir de l’original en papiers gouachés découpés, conservée au MOMA, une maquette à l’échelle, qui est présentée au premier étage pour que le public puisse se faire une idée précise de cette pièce monumentale avant son installation définitive au Musée » L’espace constitué par les deux compositions placées en vis-à-vis permet au public de circuler au cœur de l’œuvre et d’apprécier combien pour son auteur, l’espace qui renvoi à la nature, aux éléments, occupe via cette œuvre hors norme, le terrain de sa réflexion. Aussi l’exposition s’ouvre t’elle par la représentation de l’eau dans le propos matissien. « Nous commençons par l’évocation symbolique et poétique de l’eau qui revêt plusieurs formes : la rêverie des figures endormies, la chevelure mais aussi qui renvoi, non sans humour à la série de la jeune femme observant un bocal à poisson » Au 1er l’étude se poursuit avec la dissolution du corps dans l’espace. A travers la danse, le trait s’efface, devient œuvre monumentale. Une dimension que l’artiste intègre après son voyage à Tahiti en 1931. Lorsqu’il est immergé dans l’eau, Matisse éprouve la sensation de confusion entre le ciel et la mer comme en témoigne ses œuvres Océanie, la mer et Océanie, le ciel (1946-1947). Cette dissolution physique pour le créateur intuitif qu’il est, débouche sur un cheminement mental où il exprime bientôt l’idée que l’espace prévaut. « Pour lui les impressionnistes surchargent d’éléments, nuisant ainsi à la lisibilité de l’œuvre. Matisse lui, enlève les motifs et la ligne, opère une sorte d’épure jusqu’à dégager le point qui permet un contact direct, spirituel, cérébral, avec l’œuvre » L’exposition se clos sur les vitraux de la Chapelle du Rosaire de Vence, où la couleur elle aussi entre dans l’espace. « Les gouaches découpées étaient déjà une étape vers cette fluidité de l’espace pictural. L’artiste cherche l’intensité de la couleur pour trouver l’intensité de l’émotion, simplifie le dessin pour trouver l’intensité de l’expression » conclue M-T. Ainsi dans « la Piscine » La couleur bleue s’associe à la fluidité modulée des surfaces pour créer une forme. Avec ce chef-d’œuvre testamentaire le peintre aurait il atteint l’espace plastique qu’il recherche ?

Ce qui est sur c’est que cette réflexion entamée par Matisse de son vivant semble ne pas avoir fini d’avoir des résonnances. L’artiste fut indéniablement un passeur entre l’art moderne et l’art contemporain. Le musée Matisse évoquera cet esprit visionnaire en confrontant le travail du maitre avec une œuvre de Chubac et Gasiorowski, alors que dans le même temps Le MAMAC accueillera l’œuvre de Matisse au sein de son exposition estivale dans le cadre de « l’art contemporain et la Cote d’azur ». Enfin avec l’entrée de « la Piscine » dans sa collection Le Musée Matisse engagera un réaménagement de ses espaces (Niveau -2) permettant de présenter la pièce comme Matisse l’aurait souhaité.

Exposition du 1er juillet au 2 octobre 2011

Vernissage 1er juillet 2011 à 18 h

164, avenue des Arènes de Cimiez 06000 Nice.

www.musee-matisse-nice.org

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