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Fin de cet événement Janvier 2015 - Date du 6 septembre 2014 au 11 janvier 2015

Un dialogue privilégié

Le Musée Regards de Provence se propose de retracer l’implantation de l’art moderne à Nice et dans la région dans les années soixante, à travers un parcours d’œuvres et de documents. Un hommage particulier est rendu au sculpteur, peintre et plasticien Sacha Sosno, né à Marseille en 1937, qui fut un témoin de cette aventure artistique et de la formation des Ecoles de Nice. Cette exposition fait revivre le dialogue privilégié que Sosno a entretenu avec les grands noms du manifeste des Nouveaux-Réalistes qui ont travaillé à Nice et des artistes plus indépendants. Des peintures, dessins, photographies, sculptures et installations d’Arman, César, Christo, Hains, Klein, Raysse, Niki de Saint Phalle, Ben, Charvolen, Gilli, Serge III, Dan, De Domenico, Villers, et d’autres artistes se côtoient dans les salles d’exposition du Musée Regards de Provence.

Sacha Sosno et les Écoles de Nice

Un dialogue privilégié

Le Contexte

Les années soixante sont comme le début d’un nouveau siècle dans l’histoire de l’art. C’est l’accélération dans le temps et dans l’espace des communications, une sorte de fuite en avant, en matière d’art. Ce que furent New-York et la Côte Est-Ouest des Etats Unis, Paris et la Côte d’Azur à même époque. Une autre révolution s’opère, celle des architectures, de l’urbanisme où de nouveaux matériaux et techniques imposent un nouvel espace social. La peinture s’affirme alors différemment et les sculptures regagnent la rue, la place publique.

Ce qui s’invente à Nice, dans ces mêmes années, c’est une liberté qui passe par une rage festive d’expression. Il faudra attendre les années soixante-dix, en Europe, pour que des galeries d’art contemporain et des musées fleurissent et que la mode des expositions s’imbrique dans nos sociétés un peu partout. Beaucoup d’artistes ne reviendront pas à Paris, mais iront à Nice. La ville est considérée comme une terre d’accueil, de passage, offrant un climat de création, un foyer lentement constitué par un long travail de regroupement et de confrontation des artistes.

Sacha Sosno – « Cacher pour mieux voir »

La famille Sosno s’est exilée dans le Midi, dans les tous derniers moments où l’on pouvait encore s’échapper du bloc communiste. Sacha, enfant assez privilégié, a vécu avec ses parents au Régina à Cannes, quand Matisse y logeait. Adolescent doué, il peignait des tableaux à la manière du maître légendaire de Cimiez. Formé plus tard à Sciences Po, il devient journaliste spécialisé dans le photo-reportage, au Biafra, en Irlande ou au Bangladesh.

Sacha SOSNO, Cap 230, 2001, Dyptique, acrylique sur toile 300 x 200, Collection Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Nice, © Adagp, Paris 2014.

Dès 1961, il pose la théorie de l’Ecole de Nice, et, au contact d’Yves Klein en particulier, se lance dans une période d’activité conceptuelle caractérisée par l’idéalisme social si typique des années 60-70. Ses photographies sont utilisées dans ses peintures dans le cadre d’un dialogue abstrait/représentatif qui cherche à améliorer la société au moyen de l’affiliation alors courante de l’art à la linguistique et à la sémiotique. Sosno s’explique : « Dans l’impressionnisme, les artistes, et Renoir en particulier, dessinaient fidèlement la nature. Ces impressions étaient déformées dans l’atelier par la couleur. Dans ma peinture, l’information photographique est déformée par le jeu des signes, en particulier les flèches et les aplats de couleur. »

Dans l’oblitération, l’imaginaire comble le vide et le cache. La signification en est plus forte. Le spectateur, par ses perceptions, est ainsi acteur de l’œuvre. L’inventeur du concept "Cacher pour mieux montrer" soulève le débat sur la relation entre sculpteur et architecte. Pour Sosno, intervention et appropriation sculpturale représentent une intégration où architecte et sculpteur associent leurs efforts, reconnaissant ainsi leur potentiel mutuel, mais pour conclure que la sculpture l’emporte sur l’architecture, devenant ainsi la sculpture comme structure.

La « Tête Carrée », sculpture qui abrite les services de la bibliothèque régionale de Nice des architectes Yves Bayard et Francis Chapus, est la première sculpture habitée à ce jour qui illustre l’esprit audacieux de l’artiste. L’installation de deux bronzes monumentaux de l’Hôtel l’Elysée Palace sur la promenade des Anglais, structure moderniste conçue par l’architecte Georges Margarita, témoigne également que l’urbanisme et l’art ne forment plus qu’un, buts recherchés par Sosno.
La sculpture de Sosno est édifice, devenue symbole de la ville. Elle vit à travers l’imaginaire du public.

Sosno a été un personnage essentiel dans l’élaboration du Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Nice, dirigé par Claude Fournet, alors directeur des musées de Nice. Il n’a pas seulement été un conseiller avisé, il fut encore l’artiste compagnon des Nouveaux Réalistes ou d’autres artistes de la jeune génération, comme Arman, César, Christo, Hains, Klein, Raysse, Niki de Saint Phalle, et attentif à Charvolen, Gilli, Malaval, Mas, France Raysse, Rotraut, Serge III, Dan Deschâteaux ou Villers.

Les Nouveaux Réalistes

Une certaine jeunesse artistique se joue à Nice, dans la fantaisie, dans la quête de liberté, dans l’appropriation. Les artistes forment un milieu disparate, chacun cherchant à s’exprimer différemment et à rompre les habitudes.

Certains, que le critique d’art Pierre Restany réunit sous le groupe des Nouveaux Réalistes (Nouvelles approches perceptives du réel) mais qui ne sont pas tous niçois. Près d’Yves Klein et d’Arman, il y a les poètes, Claude Pascal et Robert Dufrêne. Martial Raysse devient l’emblème de cette époque (lui ne reviendra jamais à Nice...). Le visage de France Raysse est l’emblème d’une époque. Au même titre que le monochrome bleu de Klein. Le « signe » de l’artiste se substitue à la figure et devient sa marque de fabrique. D’autres comme Raymond Hains, Jean Tinguely, et plus tard César, Niki de Saint Phalle, Christo feront partie de ce courant.

César est marseillais, issu de la mouvance cosmopolite de la première ville française qui a vécu de plein fouet la nature méditerranéenne. C’est un artiste de la transgression, comme malgré lui. Il sera marseillais ou niçois ou parisien. A l’aise partout, comme joué par son propre destin d’artiste, sans autre appropriation que sa volonté égotique d’expression.

CESAR, Ginette, 1990, bronze 44,5 x 26 x 26 cm, collection particulière, © Adagp, Paris 2014.

Arman, né à Nice, s’est intéressé au statut de l’objet et au rapport que les sociétés modernes entretiennent avec celui-ci, entre sacralisation et surconsommation-destruction. C’est la volonté d’Arman de défigurer un objet, choisi par lui, sur une toile ou sur du papier, dans son matériau, en le multipliant ou en l’écrasant, en l’agressant, en le calcinant : accumulations, colères, coupes, combustions.

Martial Raysse creuse cette différence entre abstraction et figuration quand il délaisse les pinceaux et les toiles pour des architectures d’emprunts, de magazines, de publicités. Il découpe des publicités et ses panneaux reprennent les slogans de sa fantaisie. Raysse est proche des assemblages surréalistes, mais n’y succombe pas.

Martial RAYSSE, Sans titre, huile collage, houppette sur toile 30,50 x 20,5 cm, Collection particulière, © Adagp, Paris 2014.

A la manière d’un poète, Yves Klein répète qu’il ne s’agit pas de peindre ou de laisser peindre ses « femmes-pinceaux » sur une toile. Il ne les traine pas sur la surface de la toile, il leur insuffle certains mouvements. Pour l’artiste, tout son art est dans ce retrait, cette élégance, pendant qu’il demande au modèle tel ou tel geste. Ces « Anthropométries », où les modèles deviennent des pinceaux, décrivent une aventure.
L’IKB de Klein (International Klein Blue) est une poudre de bleu que fit breveter l’artiste et qui est devenu une marque de « fabrique poétique » de ses monochromes.

Yves KLEIN, Anthropométrie sans titre (ANT 26), 1960, pigment pur et résine sur papier 98 x 57,5 cm (crédit Shunk-Kender © Roy Lichtenstein Foundation Collection particulière, © Yves Klein, Adagp, Paris 2014

Raymond Hains prélève des palissades dans la rue, des affiches (dont il montre, quand il les expose, l’envers, le coté décollé). Il photographie et fait parler son art.

Max Charvolen est très proche des artistes précédents, initiateur d’un mouvement parallèle à Support-surface, à la fois peintre et architecte. Il a travaillé à l’école des Beaux-Arts de Luminy de Marseille comme enseignant. Il décalque et modélise des états limites de lieux, intérieurs ou extérieurs, escaliers ou architectures, colonnes, fenêtres ou sols de maison, murs qui font que l’homme « habite en poète », dans la matérialité, dans des bordures indicibles que l’artiste manifeste en les dépliant et en les colorant.

Plus péremptoirement, Serge III, niçois d’origine russe, engrillage au fil barbelé les découpages qu’il colle sur un panneau de bois, colore des épées, des armes en bleu-blanc-rouge.

Jean Mas, très proche de Sosno, manifeste lui aussi des « actes impossibles », qu’il réalise avec un humour certain, comme ses « bulles de savon » dont l’éclatement matérialise des formes limites. De même pour les « cages à mouches », beaucoup plus insidieuses, et qui peuvent apparaître comme des exercices de provocation sur la condition de l’artiste.

Claude Gilli, joue souvent avec le réel avec humour. Il plante un chevalet devant un panneau de signalisation de chutes de pierres sur la grande corniche, et peint le panneau pour le paysage. Gilli est une sorte d’animalier de la couleur, qu’il cultiva longtemps sous forme de bavures multicolores des traces d’escargots-poètes.

Enfin, à travers le travail de Béatrice De Domenico, comme dans celui de France Raysse, (entre sculpture et peinture), se vit et s’emmêle la liberté qui a marqué les lignes de fuite de la création niçoise.

Cette exposition est rendue possible grâce au concours de la maison de ventes Christie’s, mécène bâtisseur du Musée Regards de Provence, et de sa Représentante régionale, Fabienne Albertini-Cohen, qui a permis de rencontrer Mascha Sosno, son épouse, qui a prêté un grand nombre d’œuvres de Sosno.
Cet évènement à été conçu et réalisé par Bernard Bonnaz commissaire générale de l’exposition.
Il est soutenu par la Fondation d’Entreprise Crédit Agricole Alpes Provence, mécène principal du Musée Regards de Provence et des expositions en 2014.

L’ouvrage, édité pour cette évènement artistique permet de retrouver les pièces exposées accompagnées de textes de Claude Fournet, Conservateur à la Direction des Musées de France, Directeur honoraire des Musées de Nice (dont le communiqué de presse est issu avec la contribution de Franck Leclerc), de Sosno et surtout, de Robert Pincus témoin actif de cette époque, sur cette période d’ébullition artistique à Nice et dans la Région.

BEN, Il ne faut pas se tuer à toujours vouloir être, Acrylique sur toile, 100 x 81 cm, Collection de l’artiste, © Adagp, Paris 2014.

Photo de Une : (détail) Sacha SOSNO, La paille dans l’œil du voisin, 1985, bronze 118 x 244 x 35 cm, Collection particulière, © Adagp, Paris 2014.

Le Musée Regards de Provence est ouvert tous les jours de 10h à 18h. Fermeture annuelle : 25 décembre et 1er janvier.

Billet expositions temporaires : Plein Tarif : 6,00 €. Tarifs réduits : 5,00 € - 4,20 € - 2,00 €.
Billet couplé expositions temporaires & scénographie permanente : Plein Tarif : 7,50 €. Tarifs réduits : 6,50 €-5,50 €.
Visite commentée : tarif d’entrée + 6 € par personne (groupe de 8 à 30 personnes).

Artiste(s)

Sacha SOSNO

Né en 1937 à Marseille, et, mort le 3 décembre 2013 à Monaco Il passe son enfance en Lettonie, et rencontre le peintre Henri Matisse et Arman à son arrivée à Nice. Après son service militaire, il se sert de son travail de photographe pour revenir à la peinture. Il exposera dans plusieurs villes, (...)

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