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Fin de cet événement Janvier 2015 - Date du 10 juillet 2014 au 18 janvier 2015

Intérieurs

Alain Amiel, rédacteur d’Art Côte d’Azur vous emmène aujourd’hui visiter l’exposition "Portraits d’Intérieurs" , Marc-Camille Chaimowicz, Danica Dakic, Brice Dellsperger, Nick Mauss et Laure Prouvost, à la Villa Sauber NMNM à Monaco.

Émouvante étrangeté des "Portraits d’intérieurs" à la Villa Sauber

Tout lieu habité peut être considéré comme un portrait de son occupant. Même s’il n’en a pas vraiment conscience, l’agencement, la décoration des murs, les objets ou les images choisies, ne sont jamais là par hasard. Les meubles aussi ont une histoire, quelquefois ancienne (héritage, récupérations familiales, etc.).
Le décor dans lequel on a choisi de vivre n’est jamais anodin, il évoque notre passé, dit notre besoin ou non de confort, de clarté ou à contrario de désordre, d’accumulation, etc..
Chaque élément qui compose un "intérieur" a du sens, raconte quelque chose, renvoie à un souvenir ou possède une narration propre pour l’occupant ou pour qui sait la lire.
L’exposition "Portraits d’intérieur" (intérieurs de portraits ?) de la Villa Sauber fait preuve d’une grande originalité en exposant l’intime (exposer l’intime, un paradoxe), mais un intime fictionnel, pensé, fabriqué, par cinq artistes aux univers très différents qui nous font pénétrer dans des lieux privés, secrets, singuliers.

Dans la pièce très sombre de Laure Prouvost, "Wantee", on a l’impression d’arriver chez des gens à leur insu (ou après leur mort), dans des lieux chargés d’histoire(s).

Vue d’exposition, Portraits d’Intérieurs NMNM – Villa Sauber Laure Prouvost Wantee, 2013 Dimensions variables © Photo : NMNM/Mauro Magliani & Barbara Piovan, 2014 Courtesy l’artiste et MOTINTERNATIONAL, Londres et Bruxelles

Le film projeté redouble cette sensation en nous montrant de plus près les objets, le décor dans lequel on évolue. Les meubles portent encore la trace de leurs occupants après qu’ils aient disparus. Il y a quelque chose de presque gênant, de l’ordre de l’intrusion, du voyeurisme.
La caméra se promène sur les sculptures, dessins, peintures, céramiques et éléments de mobilier de cette maison étrange surchargée de signes et d’œuvres d’art d’un grand père imaginaire, Grandad, qui aurait été un artiste conceptuel, minimal, presque brut, proche de Schwitters.

L’installation est à la taille d’un appartement.

On y découvre la cuisine avec son brûleur, ses étagères, une chaise au pied coupé maintenu en équilibre grâce à une petite pile de livres, des objets étonnants : théière à trompe, tasses à bouches pulpeuses. Les fenêtres sont couvertes de signes graphiques, etc. Un univers étrange et sensible raconté par une voix off qui se dit gênée de montrer le désordre régnant.

Autre chambre, nettement plus claire, celle d’un personnage de lumière, Jean Cocteau, dont Marc-Camille Chaimovicz a tenté la reconstitution de la chambre imaginaire des "Enfants Terribles", une installation où chaque élément du décor renvoie à des œuvre du poète-plasticien-cinéaste. Aux murs, des tableaux d’artistes amis : Marie Laurencin, Warhol, Alvi, Tilmans

Marc-Camille Chaimowicz, Jean Cocteau..., 2003-2014, Vue d’Installation à la VIlla Sauber, Collection Nicoletta Fiorucci © Photo NMNM/Mauro Magliani & Barbara Piovan Courtesy The Artist and Cabinet, London

En relation avec cette installation, est présenté un choix d’œuvres de la collection du NMNM comprenant des dessins de Bérard, décorateur et ami de Cocteau (rideau de la fenêtre de l’escalier, papiers peints et dessins, esquisses de décors d’appartements ou de théâtre...)

Au premier niveau, passée la très belle antichambre en velours jaune cousu d’éléments de coton colorés (reconstitution d’un décor de Christian Bérard pour l’Institut Guerlain des Champs Elysées), une grande pièce aux vitres teintées présente les dessins de Nick Mauss, artiste new yorkais, en dialogue avec des projets de mises en scène et de décors issus des collections du NMNM (photos de Brancusi, des dessins de Cocteau, etc.).

Autre type d’ambiance insolite avec "Body double", où Brice Dellsperger rejoue les personnages de certaines scènes de films culte (comme Pulsion) devant des décors incrustés sur l’image (grâce aux fonds verts). Une présence-absence de décors fantômes aisément multipliables.

Vue d’exposition Portraits d’Intérieurs NMNM – Villa Sauber Brice Dellsperger Body Double 29, 2001 courtesy Air de Paris, Paris. Photo : NMNM/Florent Mattei, 2014

Avec "Isola Bella", très beau papier peint de 1842 représentant une végétation luxuriante, Danica Dakic a couvert le mur d’un foyer de personnes handicapées, transformant une petite salle en scène de théâtre sur laquelle les pensionnaires au visage couvert d’un masque interprètent des scènettes improvisées.
Le décalage entre la l’exubérance de la végétation, les chaises et les acteurs interprétant leur propre vie, est saisissant.

Vue d’exposition Portraits d’Intérieurs NMNM – Villa Sauber Danica Dakic ISOLA BELLA , 2007/2008 Photo : NMNM/Mauro Magliani & Barbara Piovan, 2014 Courtesy l’Artiste et Gandy gallery, Slovaquie

L’ensemble de ces portraits d’intérieurs est un voyage dont on revient troublé et déconcerté.

Vue d’exposition Portraits d’Intérieurs NMNM – Villa Sauber Nick Mauss Concern, crush, desire, 2011 Coton appliqué sur velours, poignées et butoirs de porte en laiton Collection Nicoletta Fiorucci, London Courtesy l’Artiste et 303 Gallery, New York Photo : NMNM/Mauro Magliani & Barbara Piovan, 2014

En sortant dans le jardin, ne pas manquer les drôles de bancs publics.

© Alain Amiel
© Alain Amiel

Photo de Une : Dessin de l’artiste Bérard (détail) - Collection du NMNM - Droits réservés

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