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Fin de cet événement Juin 2022 - Date du 23 mars 2022 au 12 juin 2022

Moninot dessine le son chez Maeght

On entend souvent cette remarque : "les expositions de la Fondation Maeght sont toujours réussies". Nous sommes bien d’accord. Celle qui vient de débuter fera partie des grands événements qui marqueront cette saison sur la Côte d’Azur.

"Le Dessin Élargi" de Bernard Moninot répond à l’harmonie des lieux, "dans son ampleur et sa fluidité" pour reprendre les mots du commissaire d’exposition Olivier Delavallade. "Nous avons pu déployer des installations majeures ces quinze dernières années, et certaines ont été réalisées in situ" rappelle t-il.
Bernard Moninot avait exposé en ces lieux en 1979. à l’époque, l’artiste n’était âgé que de 29 ans. Arrivant à la suite de Jacques Monory (2020) et des Frères Giacommetti (2022), ce retour confirme que la famille Maeght, dès le début, avait vu juste sur les promesses du jeune homme.
Dessins abstraits avec un motif qui se dédouble, dispositifs fixes ou cinétiques composés d’acier, de verre et de carton, occupant parfois une salle entière en projetant sur les murs un théâtre magique d’ombres... Nous sommes invités à méditer dans le silence sur une forme inédite de poésie, où la lumière, l’ombre et le mouvement jouent leur propre jeu de manière autonome.
Bernard Moninot ne dessine pas à proprement parler. Il pratique le dessin décoché (comme on décoche une flèche), il souffle sur une matière volatile qui vient se fixer sur un support.
Pour mieux nous éclairer, il cite Miro : "il y a tant de grâce dans ce qui commence".

Des sculptures sonores

Bernard Moninot est un guide parfait, ayant recours, pour nous faciliter l’accès à son art, à ses souvenirs, ses sentiments, alimentés de nombreuses citations littéraires et remarques ponctuées de sourires. Ce qui a donné l’idée à la Fondation de disposer des QR codes près des cartels, pour permettre au public d’écouter quelques-uns de ses commentaires…
"Mes dessins sont autobiographiques, cela ne signifie pas que je raconte ma vie".
Gamin, la découverte du son d’un diapason (sa mère était musicienne) a déclenché chez lui une onde qui se propage jusqu’à nous, bousculant idées reçues et préjugés. Des formules courtes et apparemment contradictoires, qui décalent notre conception de l’art.
Pour lui, "le dessin est lié au son". Il crée des sculptures de silence en spacialisant des souvenirs très anciens à l’aide de ce qu’il nomme "des dispositifs narratifs". Citant Reverdi : "les yeux seuls sont encore capables de pousser un cri", il revient à Léonard de Vinci précisant que "l’œil est bien souvent un obstacle, le dessin étant chose mentale". Il confirme : "il n’y a pas de progrès en art". Admirateur de Marcel Duchamp, il essaie de suivre "au plus près des sources de l’inconscient". C’est pourquoi il "aime les œuvres où on ne comprend rien" avouant qu’il a mis 50 ans à comprendre la Melencolia de Dürer.
Nous avons aussi découvert la "pentacrine". Toute la poésie de cette exposition semble résumée dans ces minuscules fossiles en forme d’étoiles, vieux de 200 millions d’années, qu’il utilise pour relier des cordes piano entre elles, et réaliser des sortes de dessins (élargis) en 3D.

Photo de Une : (détail) Bernard Moninot présente ses "dessins" en 3D et photo de l’article ©AC

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