Ses études de droit et de commerce, ses différents métiers (dans la banque, l’automobile, la peinture-décoration, l’éducation nationale), n’ont entamée en rien son énergie et son désir de s’exprimer au travers d’activités plus artistiques.
Malgré un temps toujours compté : les soins aux enfants, à la famille, aux parents, les obligations de toutes sortes, même si tout cela pèse, rien ne l’entrave . Elle trouve toujours le temps : a minima, un carnet et un crayon, chaque matin, pour se raconter ses rêves, fixer une idée, noter un fragment poétique. Comme une respiration indispensable, comme une trace laissée dans le tumulte de la vie.
Elle vit plusieurs existences à la fois, mais l’art reste toujours au cœur de chacune de ses journées.
Chez elle, tout part du corps, de ses mains, de ce qui l’a touchée de près, parfois de si près qu’elle en garde les lambeaux : vêtements portés, usés, transformés en fragments d’œuvre. Rien n’est anodin, rien n’est neutre. Chaque geste s’inscrit dans une continuité intime, chaque pièce renvoie à une vie partagée, un souvenir, un instant décisif.
Entre peinture, dessin, écriture, photographie, jazz, expositions ou performances, tout finit par se nouer — parfois dans l’harmonie, parfois dans la douleur. Mais rien ne l’arrête, elle avance, infatigable.

Insatiable, elle jouit de l’art comme une nécessité vitale.
Lorsque durant deux ans elle accompagne son père dans sa ultime traversée, elle transforme même les sachets de thé qu’elle a bus à son chevet en promesses de création. : séchés, peints, gainés de fil de fer, ils attendent l’œuvre qui viendra les accueillir. L’idée surgira, elle le sait. Elle ne force pas le temps : elle le laisse travailler en elle.
Sa maison-atelier est une tour étroite de quatre étages aux escaliers abrupts, posée au cœur du vieux Valbonne. Un refuge vibrante, encombré de livres, de sculptures, de boîtes, où l’œil se promène, ne sachant où se poser.
Dans cet espace pourtant foisonnant, ses œuvres sont classées avec soin. Par périodes, par styles, par séries — car elle travaille toujours ainsi, par vagues successives, comme si les formes s’imposaient à elle avec la logique d’un texte. Ses séries sont des phrases, ses œuvres des mots.
Des premiers coups de pinceau à l’abstraction lyrique des années 1980 et aux travaux les plus récents, Isabelle déroule une histoire faite de ruptures et de continuités. Tout semble hétéroclite, mais chaque pièce s’enracine dans un moment de vie, un geste, un secret partagé. Elle en parle avec des accents poétiques.

Il y a toujours, dans ses gestes, un décalage.
Une surface peinte et creusée devient la matrice d’empreintes, proches de la gravure ou de la sérigraphie, toutes uniques, toutes saisissantes.
Ses décalages se retrouvent ailleurs : dans les tissus déchirés, repris au fil, fixés sur un châssis blanc, ou dans les vieilles dentelles familiales qu’elle repeint, réorganise, refait vivre autrement. Même nécessité dans ses « essuyages » : sauver la peinture encore attachée aux poils du pinceau, la libérer sur une toile ou une feuille. Alors surgissent des formes anthropomorphes, silhouettes sauvages, graffitis involontaires, nés du hasard et du reste, empreints d’une vérité brute, en marge de la pensée.

Elle photographie les mains dans les musées, les églises, les statues, les recompose une série de mains recueillies comme autant de signes. D’autres images, petites photographies en noir et blanc, où les sujets semblent incomplets, effacés, viennent interroger les limites de la représentation.
La maladie de son père a suscité deux séries : les « cellules », carrées et colorées, et les « flux », de plus grand format. Toutes deux sont présentées dans son exposition actuelle.
Enfin, le jazz tient une place centrale dans sa vie. Par amour de la musique, elle organise régulièrement des concerts à la Cave Romagnan, ce petit temple niçois du jazz rue d’Angleterre.
Tout en elle fonctionne ainsi : rien n’est perdu, tout se transforme, tout s’inscrit.
Depuis 2012, elle expose et performe. Ses œuvres, comme sa vie, sont traversées d’intensités, de silences, de fulgurances. Elle marche, pense, crée — et ne cesse jamais d’avancer :
« Je suis et j’assume l’autodidaxie d’être une dessinatrice, un peintre, un poète, un photographe, un comédien, un performeur et tout ce que l’univers m’octroie en missions de vie. Et je l’en remercie »
Exposition « Ad Vitam » jusqu’au 9 novembre, chez Manu à la Cave Romagnan, 22 rue d’Angleterre à Nice.
Voir aussi sa page facebook « Isa, dite Lazaza »