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"LAND ART" sur l’Île Sainte Marguerite

L’art s’est engagé dans l’éphémère ! Depuis le début des années soixante, bon nombre d’artistes ont choisi d’intervenir dans la nature, faisant de la terre une partenaire active de leur production artistique.

Ainsi, après le succès remporté l’été dernier, la Direction des Affaires Culturelles de Cannes organise la « 2e Rencontre Internationale de Land Art » dans le lieu magique et préservé qu’est l’île Sainte Marguerite. Créées pour enchanter la vie, les îles de Lérins sont un bout de paradis au large de Cannes. Les artistes séjournent et travaillent une semaine avec des matériaux naturels trouvés dans l’île. Car, tout doit être créé dans cet atelier naturel aux portes ouvertes !

Au cours du vernissage de l’exposition, tout dans l’émotion de son dernier discours en tant que Maire de Cannes, Bernard Brochand a conté les amours interdites entre Sainte Marguerite et Saint Honorat qui ne pouvaient se rejoindre que le temps de la floraison des cerisiers. Aussi, dit-il, pour que les deux saints puissent s’aimer à loisir, la saison des cerisiers en fleurs dura toute une année. Et, avant de quitter son mandat, l’ancien Maire a émis le vœu du maintien sur l’île, d’année en année, des expositions de Land Art.

La faculté de percevoir la qualité dans la nature commence par le plaisir des yeux, avant de s’étendre, suivant différentes étapes du beau, vers des œuvres imaginatives, sur lesquelles il est encore difficile de mettre des mots. Arrachées à la banalité du quotidien et réintroduites dans le contexte de l’art, les propositions artistiques offrent une exploration inédite et une réflexion nouvelle. Dans l’écrin de verdure qui entoure l’étang du Batéguier, chaque artiste a cherché une place privilégiée pour ériger son œuvre : sculptures, suspensions aléatoires, totems, dessins au sol, ou... pomme d’amour.

Voulant quitter musées et galeries, c’est au cœur de la nature (in situ) que les artistes du Land Art ont travaillé sur le thème « Entre terre et mer ». Parmi 53 candidatures, 16 artistes ont été sélectionnés pour l’originalité de leur proposition : douze Français et quatre étrangers. La plupart d’entre eux ne connaissaient pas le site avant cette semaine de créativité sur l’île. Parfois immenses, parfois fluides et légères, les œuvres s’insèrent avec harmonie dans le cadre exceptionnel de ce paysage.

Aucune place n’est assignée, chaque artiste choisit donc son emplacement. Ensuite tous travaillent avec et dans la nature s’exerçant à dénicher, apprivoiser, réunir, assembler des matériaux sans qualités qui abolissent les hiérarchies esthétiques et permettent au visiteur-regardeur de trouver une authenticité : chacun est charmé par ces arrangements modestes à partir de « bouts de ficelles » au point d’abandonner tout jugement rationnel. L’exposition s’inscrit dans le développement durable. L’œuvre n’est plus une valeur marchande vouée à une élite, mais une véritable expérience liée au monde réel. Avec une forte composante bricolée, c’est le règne de l’éphémère, du transitoire.

Invitation au parcours de l’exposition, le plasticien autodidacte, Philippe Bercet, a écrit avec des feuillages « Entre terre et mer ». L’immense minotaure de Jean-Noël Fessy évoque les rapports entre mythologie et nature. On est dans le rêve et le fantastique. Le Cannois Brice Quaranta (dit Karo Sarx) recherche un processus ésotérique pour superposer des pierres dans un équilibre si fragile que sa concentration joue sur son rythme cardiaque. En choisissant l’emplacement adéquat d’un œil réalisé en branchages, le Marseillais Jean-François Marc cherche-t-il à souligner le rapport entre temps et espace ? Charles Cermolacce a travaillé la pierre pour sculpter une tête imaginaire. La Parisienne Delphine Epron a peint un arbre en bleu pour l’assortir au ciel méditerranéen. Le Québecois autodidacte, Marc Fugère a créé un visage en suspension. Venu de Gironde, Sébastien Guyonneau (dit Khan) a réalisé en cannes de Provence un magnifique oursin diadème. La plasticienne vivant à Vallauris, Céline Janczak (dite Kate Woo) a choisi bois, pommes de pins, pierres, écorces, plumes, feuillages, ... pour créer un cercle tout en magie. Venue d’Ibiza, Anne de Harlez propose une oeuvre qui invite à la méditation. Le serpent dragon de Robert Soussi bénéficie d’une articulation qui lui donne tout son cachet. Installé à Draguignan, le Chinois Yiu Wah Leung propose une pomme d’amour faite de lianes tissées. Amusant point final à l’exposition !

Conservant le lien entre les œuvres et l’environnement, tout vient de l’île et restera dans l’île...

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