Ce n’est plus un secret : le dessin revient en force. Les artistes n’hésitent pas à s’emparer de ce médium, le public ne le considère plus comme une catégorie mineure de la création. Le voici donc à l’avant-scène avec l’exposition "La Force du Dessin", qui regroupe trois générations d’artistes à la Fondation Émile- Hughes de Vence. Un événement qui s’inscrit dans la continuité d’une thématique puisque les murs de cet espace ont déjà vu accrochés de nombreux dessins, dont ceux d’Henri Matisse, Marc Chagall ou encore Raoul Dufy...
Les collectionneurs apprécient la facilité de stockage de ces œuvres d’art. Le support d’une simple feuille de papier suffit à leur bonheur, sauf lorsque certains artistes le libèrent de la surface et le développent dans l’espace. Aujourd’hui, le dessin se diffuse aussi dans la matière et, surtout, est présenté sur de grands formats qui n’ont plus rien à voir avec les cahiers d’étude. Pourtant, tirant sa source du réel, du rêve et du fantasme, ou surgissant comme métaphore, ce médium garde toute son authenticité.
Des inspirations variées
Difficile de ranger les œuvres d’Angèle Guerre dans des cartons. À 28 ans, elle est déjà invitée à travailler en résidence d’artiste et à présenter son travail à la chapelle des Pénitents blancs. Elle utilise... un scalpel pour créer des sortes de bas relief de papier. Elle mord la feuille blanche avec finesse, traçant ce qui ressemble à des appareillages de plumes.
Le but de cette exposition n’est pas de rendre compte de la variété des styles puisqu’ils sont innombrables. Evelyne Artaud, la curatrice de l’exposition, a préféré cibler trois périodes à travers sept artistes.
Bernard Moninot et Michel Houssin représentent les années 70/80. Le premier s’inspire des zones d’embarquement d’aéroport, ce qui peut sembler une représentation platement photographique de ces paysages que nous ne regardons pas, reproduits sur plusieurs plans de tissus de soie extrêmement fins et translucides. Aucune sentimentalité dans ces images, mais une méditation.
Michel Houssin organise des compositions qui parfois basculent dans l’abstraction et sa technique étourdissante se met au service de son rêve.
Le seul rapport entre Muriel Toulemonde et Françoise Pétrovitch est temporel : elles représentent les années 1990-2000. La première montre une vidéo, un paysage photographié se déroule en boucle, métaphore du passage du temps, plutôt inquiétante, tandis que Françoise Pétrovitch dessine en couleur et en grand des enfants, des femmes et des formes hybrides.
Le niçois Gilles Miquelis joue sur l’anachronisme. Lui aussi puise dans le thème de l’enfance, mais ceux-là sortent tout droit du XIXeme siècle, en posant la cigarette aux lèvres avec autant d’innocence que de désinvolture. Les anachronismes sont parfois dérangeants.
Gaëlle Chotard tricote des résilles métalliques, une forme achevée de dessin suspendu dans l’espace, dont on peut faire le tour et en apprécier ses ombres portées.
La Force du dessin prend tout son sens... de quelque angle qu’on le prenne !
Marie LESIMPLE
