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Fin de cet événement Septembre 2021 - Date du 19 mai 2021 au 5 septembre 2021

Grasse : "Bicentenaire Charles Nègre, un artiste protéiforme"

Dans le cadre du bicentenaire de la naissance de Charles Nègre, la Ville de Grasse et le Musée d’Art et d’Histoire de Provence présentent une exposition consacrée à Charles Nègre avec une présentation de ses œuvres picturales mais aussi de ses héliogravures et photographies enrichies de prêts issus de la bibliothèque patrimoniale et des archives communales. Plus de 40 photographies représentant le Pays grassois, la Côte d’azur et plus largement la Provence ainsi que des portraits de sa famille et des autoportraits sont exposés. Une vingtaine d’héliogravures illustrent les monuments historiques français ainsi que les sites archéologiques internationaux comme en Syrie et en Jordanie. De nombreuses œuvres picturales, peintures d’histoire et paysages de Provence, montrent aussi toute l’étendue des talents de peintre de Charles Nègre.

Vue de l’exposition DR Musées de Grasse, C. Barbiero

L’année 2020 marque le bicentenaire de la naissance de Charles Nègre, peintre et photographe grassois. Tombé dans l’oubli après sa mort en 1880, il sera considéré à partir de 1963 comme l’un des photographes français les plus talentueux, ayant inventé son propre procédé de gravure héliographique. L’œuvre de Charles Nègre constitue un témoignage précieux de la période charnière des années 1850 où se développe la photographie,
révolutionnant le travail du peintre. La ville de Grasse s’enorgueillit
de posséder une des collections françaises les plus complètes, avec
celle du musée d’Orsay, composée de peintures, photographies, héliographies de Charles Nègre et d’archives personnelles de la famille Nègre, conservée au Musée d’Art et d’Histoire de Provence, à la bibliothèque patrimoniale Villa Saint-Hilaire, aux Archives communales ainsi qu’à la cathédrale. Ce fonds se constitue très tôt, dès 1921, grâce à François Carnot qui a su reconnaître le talent de cet artiste grassois aux multiples facettes. Cette riche collection témoigne de l’identité provençale magnifiée par l’enfant du pays.

L’artiste grassois

D’origine milanaise, la famille Nègre devient grassoise en 1778 et s’ancre durablement sur le territoire au fil du temps. Le grand-père de Charles Nègre, Carlo Antonio Negri devenu Charles-Antoine Nègre, ouvre le Café de la Source, près de la place de la Foux. Son père, Jean-Joseph Nègre, acquiert plusieurs propriétés ainsi qu’un domaine agricole grâce à son activité florissante de confiseur. Grasse, alors deuxième ville du département du Var, est alors réputée pour la culture des fleurs et la fabrication des produits de parfumerie et de confiserie. De l’union de Jean-Joseph Nègre avec Thérèse Adélaïde Isnard, issue d’une noble famille grassoise, naissent quatre enfants : Charles, né le 9 mai 1820, Anne Paul, Joséphine Julie et Joseph Charles Adolphe, qui reprend l’affaire familiale en activité jusqu’en 1937.
Bien qu’il poursuive ses études artistiques puis sa carrière à Paris, Charles Nègre reste profondément attaché à Grasse. Il rend régulièrement visite à ses parents et consacre une large part de son travail photographique au Midi de la France en 1852. Installé à Nice en 1863, Charles Nègre décède à Grasse le 16 janvier 1880, célibataire et sans descendance. En 1913, sa ville natale rebaptise de son nom la rue des Suisses qui l’a vu naître.

Peintre-Photographe

La Puissance de l’homme
Charles Nègre - Salon de 1859, Paris Huile sur toile Dépôt du Fond National d’Art Contemporain, D 2002.1.1

Charles Nègre se destine à la peinture et entre à l’École des Beaux-Arts de Paris en 1839. Elève de Paul Delaroche, Michel-Martin Drolling puis de Dominique Ingres, il participe régulièrement au Salon et remporte des médailles. Sa peinture, éclectique, est influencée par le néoclassicisme et le romantisme dont il tend à s’émanciper. Découvrant la photographie, en pleine expansion depuis l’invention du daguerréotype, Charles Nègre décide de s’y consacrer, encouragé par Paul Delaroche. Il continue néanmoins à associer ces deux techniques qui se nourrissent réciproquement. Ses photographies lui servent d’esquisses qu’il copie fidèlement sur toile tandis que son regard de peintre sublime le réel en parant ses photographies d’une dimension poétique. A cette période charnière pour les peintres, libérés des exigences de la restitution du réel par l’apparition de ce procédé technique de parfaite reproduction, Charles Nègre a réussi à s’imposer. Sujets mythologiques et bibliques, paysages méditerranéens peints sur le vif ou portraits composent ses peintures au style réaliste et académique.

Pionnier de la photographie

Incité par le peintre Paul Delaroche à expérimenter la photographie dès 1839, date à laquelle le daguerréotype est présenté au public, Charles Nègre s’y consacre pleinement dès 1844 et contribue à ériger ce procédé de reproduction mécanique au rang de discipline artistique. Il compose ses photographies comme des tableaux, soignant à la fois la construction, la lumière, la texture du tirage. Portraits, paysages et monuments sont ses sujets de prédilection.
La nécessité de multiplier les épreuves photographiques en nombre est au cœur des recherches techniques des primitifs de la photographie comme les baptise Nadar. C’est dans ce contexte que se perfectionne le procédé du calotype initié dès 1839 par William Henry Fox Talbot. A l’origine de la photographie argentique, il permet d’obtenir sur papier une image photographique en négatif qui peut être reproduite en positif sur papier sensibilisé. Charles Nègre utilise avec une grande habilité les inventions mises au point par d’autres. Il maîtrise tout particulièrement la retouche manuelle ou chimique des épreuves : variation des tonalités, distribution des ombres et des lumières, se rapprochant ainsi de l’art du dessin

Reproduction du bas-relief - Le Silence de la mort d’Auguste Préault - Charles Nègre 1858, Paris Héliogravure, encre noire sur papier Musée d’Art et d’Histoire de Provence, inv. 2002.4

La révolution de l’héliogravure

Dans les années 1850, la reproduction de photographies s’avère coûteuse, artisanale et l’instabilité des clichés dissuade les acquéreurs d’ouvrages à images alors que la lithographie remporte un grand succès. Suite à l’échec de la publication de son album du Midi de la France en 1852, Charles Nègre se consacre à la recherche d’un procédé de reproduction plus pérenne : l’héliogravure. En 1854, Charles Nègre perfectionne les travaux d’héliogravures du neveu de Nicéphore Niépce, Niépce de Saint-Victor. Il met au point sa propre technique nommée damasquinure et gravure héliographique, brevetée en 1856. Charles Nègre applique un négatif sur une plaque d’acier recouverte de vernis (bitume de Judée). Il l’expose à la lumière afin d’impressionner la couche de vernis d’épaisseur variable selon les zones claires ou sombres, puis la plonge dans un bain d’or parcouru par un courant
électrique. Le vernis disparaît pour laisser place à une épaisse couche d’or dans les parties claires (fortement impressionnées) ou plus fine dans les parties sombres (peu impressionnées). Une fois le vernis enlevé, la plaque est alors mordue à l’acide, encrée puis pressée sur une feuille de papier, sur le modèle de la gravure en tailledouce en creux. L’encre pénètre plus ou moins selon le degré de morsure de l’acide. Cette technique permet de varier avec une infinie subtilité les valeurs du noir au blanc. La démarche artistique de Charles Nègre se concentre alors quasi exclusivement sur ses reproductions héliographiques : elles permettent des tirages à grande échelle, de qualité exceptionnelle et durable. Cette innovation révolutionne pour un temps le monde de l’édition et de la photographie malgré un coût encore élevé.

Un regard sur Grasse et la Méditerranée

Parmi les nombreuses recherches photographiques et picturales de Charles Nègre, le Midi de la France occupe une place prépondérante. En 1852, son projet le plus ambitieux consiste à y effectuer un voyage, sur le modèle de la Mission héliographique, durant lequel il réalise une centaine de vues des monuments, vestiges archéologiques, paysages naturels ou urbains remarquables dans le but d’en éditer un album.
Toute sa virtuosité s’exprime dans le traitement des paysages, depuis Avignon jusqu’à Antibes, recomposés avec son œil d’artiste. Malgré la qualité artistique de ses tirages, ce projet n’aboutit pas en raison du coût élevé et de l’instabilité des photographies dans le temps. En 1861, voyant sa santé décliner, il rejoint sa région natale où il obtient, en 1863, le poste de professeur de dessin au Lycée Impérial de Nice. Charles Nègre réalise de
nombreuses photographies de la Riviera et de l’arrière pays, largement diffusées auprès des hivernants en villégiature, participant ainsi à promouvoir la Côte d’Azur, encore méconnue à cette période. Il peint également sur le vif des vues de Grasse, Nice ou Antibes, inspirées par la lumière de sa Provence natale.

Informations pratiques

Commissariat scientifique : Grégory COUDERC, Responsable scientifique des musées de Grasse, attaché de conservation du patrimoine, Nathalie DERRA, Chargée des expositions et du mécénat, Cindy LEVINSPUHL, Chargée des expositions et des projets muséographiques.

Musée d’Art et d’Histoire de Provence - 2, rue Mirabeau – Grasse
Plein tarif : 2 € (ticket donnant accès à la Villa-musée Jean-Honoré Fragonard)
Gratuité : - de 18 ans, étudiants, chômeurs, handicapés et sur présentation du ticket du MIP : - valable la journée

Photo de une (détail) le portrait de Charles Nègre dans le cadre de l’exposition Copyright : Musées de Grasse, C. Barbiero

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