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Le Grand Masturbateur : En Flagrant "Dali" de faux

D’ici une semaine, la sublime rétrospective Dali au Centre Pompidou à Paris prendra fin pour aller honorer dès le 27 avril, les cimaises du Reina Sofia à Madrid. Outre le personnage se cachant derrière une excentricité hors du commun, on sait qu’il déployait sans honte une passion effrénée pour l’argent, d’où le sobriquet vachard d’Avida Dollars dont l’avait gratifié André Breton.

Sans contester l’authenticité des chefs-d’œuvre réunis à Beaubourg, de nombreux experts seraient sur la même longueur d’onde, ce qui n’est pas coutume, lorsqu’il s’agit d’authentifier une œuvre de Dali datant des années 70. Selon eux, vous avez toutes les chances de tomber sur un faux. Plus d’un million de faux Dali en tous genres inonderait le marché. Il existerait, selon les spécialistes, seulement 25 lithographies originales réalisées par le maestro lui-même, en sachant de toute évidence qu’il aurait signé des milliers de feuilles blanches jusqu’aux dernières années de sa vie sans se préoccuper de leur usage futur. On parle de quelques 350.000 toiles blanches, à un rythme de 1.800 par heure et pour le prix de 40 dollars l’unité, selon les propres aveux de Peter Moore, l’ancien secrétaire du maître chez qui on a déniché plus de 10 000 fausses lithographies. La plupart d’entre elles étaient achetées entre 50 et 100 $ aux faussaires et revendues de 2000 à 30 000 $ aux plus naïfs. Autant faire une croix sur toute authenticité dans ce marché de dupes.

Le premier faussaire de l’oeuvre de Dali serait donc Dali lui-même .
C’était un cocktail d’extravagance lorsqu’il lançait à ses visiteurs "Tenez, faites donc du Dali et enrichissez-vous !" et de contradiction quand "on lui agitait un gros chèque sous le nez" d’après Amanda Lear qui fut autrefois la muse et la maîtresse du peintre. Toujours selon ses dires " il a vendu un faux poil de sa moustache à Yoko Ono. Il pensait que c’était une sorcière et craignait qu’elle lui jette un sort. Il m’a alors envoyée cueillir une herbe séchée et l’a placée dans un joli coffret. L’autre andouille a payé 10.000 dollars. "
Difficile pourtant de croire que ce tsunami de faux ne serait que le fruit d’une avidité financière orchestrée par Dali lui-même. Gala, de 10 ans son aînée, lui coûterait cher en gigolos. Elle aimait la jeunesse et la chair fraîche, les corps vaillants, le luxe, autant d’atouts venant à pallier l’impuissance de son cher et tendre Grand Masturbateur, une toile de 1929 qu’il peignit en connaissance de cause alors qu’aficionado d’un onanisme spirituel, il développait déjà sa méthode de paranoïa critique, future ébauche de ce qui fut son fond de commerce. Que se cachait-il derrière un tel cynisme déjanté où le clown se disputait à l’homme, si ce n’est, bien sûr, que l’argent mais aussi la peinture et Gala ?

A lire "Ma vie criminelle avec Salvador Dali" de Stan Lauryssens aux éditions l’Archipel, 19,95 €, 228 p.

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