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Fin de cet événement Novembre 2014 - Date du 8 mars 2014 au 16 novembre 2014

Des artistes désarmants

L’anniversaire de la Première Guerre mondiale et celui du Débarquement en Normandie s’imposent comme thèmes de réflexion autour de la question de la commémoration.

Monument est une déambulation qui débute par le prêt-à-porter guerrier de Sylvie Ungauer. L’artiste présente des modèles réduits de blockhaus construits sur la Côte par les Allemands. Sylvie Ungauer, avec la dextérité d’une modiste, habille de feutre gris ces monuments anthropomorphes pour qu’ils s’apparentent à des coiffes, des bunker-burqa transformés en architectures portables. Clin d’œil sensible et criant aux femmes voilées, démonstration habile où l’architecture fait corps, l’habit se substitue à l’habitacle avec une même sensation de prison ou d’armure.
En écho, Carole Fékété remonte le temps jusqu’au Moyen-Age. Comme une sage photo de classe, petits et grands posent gentiment dans leurs armures. De sages soldats de plomb remis à neuf, si pacifiques qu’on n’en oublierait presque leurs fonctions guerrières, quoi que !

Valérie Collart, Monument IV, 2010
Tirage Lambda, érodé au papier abrasif, 15 x 20 cm, Pièce unique

Valérie Collart, à travers une série de photos intitulées Falsities s’est penchée sur la vue qu’offre le Monument aux morts de Nice, situé place Guynemer et qui est totalement occulté par un arbre. Cet arbre vient se substituer totalement à la construction et épouse parfaitement les contours de la voûte comme s’il avait été planté et taillé à cet effet. Le geste de l’artiste se veut à la fois symbolique et physique. L’arbre altéré par la photo transmet la mémoire de l’édifice. Il réactive le drame de la guerre.

S’extasier aussi devant les magistrales et esthétiques pyramides de sable domestiqué de Benoît Billotte. Puis, adhérer à la démarche de Patrick Tosani qui s’inscrit dans le registre de la mémoire à la manière de Boltanski. Avec des cadres accrochés à l’envers, témoins muets néanmoins omniprésents. Leur présence virtuelle est renforcée au sol par une pile impressionnante de cartes postales de monuments aux morts, elles aussi empilées à l’envers.
Liane Lang a réalisé une série de petites sculptures en bronze afin de recréer des statues officielles disparues. Elle s’intéresse à la question du sens de la préservation et de la destruction des icônes. Elle pose dans les bras de sculptures monumentales mises au rebut, un mannequin en silicone. Liane Lang ironise parallèlement sur le fait que les socialistes aient fondu des statues de stars pour ériger à la place des sculptures de Lénine.

Michel Aubry, Le Manteau d’Ernst Jünger, 2011
Drap de laine, fourrure et broderie
© Michel Aubry - Courtesy Michel Aubry et Galerie Eva Meyer

Michel Aubry entretient un rapport ludique avec la guerre. Il dialogue avec Joseph Beuys, pilote survivant de l’armée allemande dont la légende dit qu’il aurait été sauvé par des Tatars, hommage et démystification !
Même démarche vestimentaire au sujet du manteau de l’écrivain-entomologiste Ernest Jünger, discrètement brodé d’insectes. Michel Aubry bourdonne autour de l’auteur de l’oeuvre Orages d’acier.
Enfin, cette expo trouve tout son sens et son intérêt dans la présentation majeure des pièces de l’artiste benjamine, Léa Le Bricomte, fascinée depuis l’enfance par les jouets de garçon et dont les grands-parents étaient armuriers. Le corps de Léa est régulièrement l’objet de performances. Elle manie les armes pour les tourner en dérision. Ses médailles font référence aux drippings de Pollock, à Robert Filliou. Le même qui proposait dans une Déclaration officielle en 1970 d’échanger les monuments aux morts avant de faire la guerre. On ne peut rêver de plus bel hommage à la Paix.

Exposition "Monuments" au Musée des Beaux-Arts de Calais
Jusqu’au 16 novembre 2014

Photo de Une : Benoît Billotte, Château de sable, 2014.
Dessin au sable sur le mur, détail 60 x 350 cm.
Photo Sonia Chanel

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