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Philippe Cognée : Action Painting

" Il y a encore, il y aura encore des peintres, beaucoup de peintres, mais la peinture, c’est fini." Une citation écrite en 1921 par le célèbre critique d’art Elie Faure dont la portée est toujours sujette à diverses interprétations.

Faut-il comprendre à travers cette radicale périphrase que la peinture n’était plus reine parmi les reines ? Probablement. A-t-il été question de la rendre grabataire ou de lui faire rendre gorge, bien qu’elle ait vécu des périodes de marginalisation forcée à regarder sur le bord de la touche les nouvelles technologies envahir le terrain de l’art "officiel" ? N’a-t-elle pas su se ressourcer, se dynamiser, se confronter au réel que l’on veut bien lui prêter. Peindre oscille souvent entre l’acte de résistance face à l’emprise pantagruélique du numérique ou de la vidéo et le bonheur de se retrouver confronter aux pigments et à la toile. Il y eut, face à la prédominance du concept-roi dans les années 90, de nombreuses vocations mises en péril. Je parle de jeunes artistes en herbe souhaitant s’adonner corps et âme à la peinture. Que de sacrifices pour y croire ! Parmi ceux-là figurent aujourd’hui quelques têtes reconnues sur la scène artistique nationale, étant donné qu’au niveau internationale, c’est bien connu, un artiste français n’est jamais pris au sérieux, à quelques exceptions près. Raison de plus de croire en un Marc Desgrandchamps, un Fabien Vershaere, une Françoise Petrovitch, une Valérie Favre, un Bruno Perramant, un Damien Deroubaix ou encore en un Philippe Cognée.

Philippe Cognée - Musée de grenoble.
Photo Harry Kampianne

Philippe Cognée : « La force et la puissance de la peinture »
Voilà un artiste, peintre jusqu’au bout du pinceau. Pas question pour lui de se regarder peindre. Il peint avec une réelle distanciation au sujet, expurgé de toute émotion tout en se laissant prendre au jeu capricieux de la matière sans réellement lui donner les rênes. Il y a le style Cognée, non sans jeu de mot, plutôt puissant avec lequel cire fondue et pigments entrent en déflagration gommant toute netteté pour ouvrir les portes de notre imaginaire. Une touche franche voire brutale, toujours à la frontière du chaos. Une centaine de ses tableaux exposée actuellement au Musée de Grenoble englobe deux décennies de ses interrogations et réflexions picturales. Cet ancien pensionnaire de la Villa Medicis nous invite à plonger dans cet effacement figé de l’image qu’il démultiplie à travers des thèmes pour le moins banals et mille fois triturés par d’illustres prédécesseurs. Qu’ils s’agissent de villes, de portraits, de foules, de paysages, de natures mortes, de supermarchés, de décharges, de carcasses de viande dans un abattoir, il transgresse, sublime, porte le quotidien au summum de son étrangeté inquiétante.

Ville en instance d’éblouissement
Photo Harry Kampianne

Philippe Cognée en fait un monde fantomatique, vacillant, prêt à s’écrouler. Ses images vont bien au-delà du tremblement, elles sont cinématographiques, serrés bord cadre comme un story-board lorsqu’il s’agit de la salle des carcasses, plans fixes et larges sur ses paysages en déliquescence, en plongée sur une foule quasi désintégrée ou en profondeur de champ dans ses temples de la consommation que sont les supermarchés. Guy Tosatto, directeur du musée et commissaire de l’exposition, a eu la bonne idée de s’en tenir à une scénographie sobre et une lumière clinique à couper au scalpel sans succomber aux sirènes de la mise en scène/spectacle. On lui en sait gré tant la peinture de Philippe Cognée parle d’elle-même.

Philippe Cognée - Musée de Grenoble. Jusqu’au 3 février 2013
www.museedegrenoble.fr

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