L’exposition « La Promenade ou l’invention d’une ville » se propose de rendre accessible aux visiteurs les raisons qui ont motivé l’initiative de la Ville de Nice de promouvoir l’inscription de « Nice Capitale d’hiver et sa Promenade des Anglais » sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco.
De cette façon chacun pourra mieux apprécier la valeur universelle exemplaire de ce « paysage urbain historique ».
La capitale d’hiver
Cette « Capitale d’hiver », c’est la ville nouvelle qui s’est formée, à côté de la vieille ville, sur la rive droite de la rivière du Paillon, pour accueillir le séjour hivernal de résidents étrangers venus y profiter de la douceur du climat et de la « joie de vivre », pour reprendre le titre d’une oeuvre célèbre d’Henri Matisse. Cette ville nouvelle va, au fil des décennies, devenir une véritable « Capitale d’hiver » avec son urbanisme régulé, ménageant une place importante aux squares, parcs et jardins, donc à l’agrément de la vie en plein air et à la promenade. La Promenade des Anglais procède de cette quête hédoniste et mondaine à la fois, la promenade étant pour cette société oisive non seulement une activité hygiénique, mais aussi une occasion de sociabilité. La Promenade qu’on dira très vite « des Anglais », parce qu’elle est née de l’initiative d’Anglais résidant dans le quartier de la Croix de Marbre qu’on appellera le « New Borough », est ainsi le témoin et le symbole même de l’émergence d’une ville et d’un urbanisme nouveaux.
- Affiche illustrée par Lorenzi, 1926, imprimerie de l’Eclaireur à Nice
Leur développement donnera lieu à la création d’architectures remarquables, dans le goût des modes dominantes successives, pour accueillir les principales fonctions d’une ville consacrée au tourisme : villas, pensions, hôtels, palaces, casinos, clubs, églises dédiées à la variété des cultes de résidents pas toujours catholiques.
Quand, après la guerre de 14-18, l’évolution des pratiques touristiques conduira à la prépondérance du tourisme d’été sur celui d’hiver, on verra de nouvelles architectures apparaître, dont celle des résidences et des installations balnéaires. Le patrimoine architectural de cette ville nouvelle, d’une richesse remarquable, est ainsi le témoin et l’expression des pratiques successives du tourisme, depuis le tourisme aristocratique du début du XIXe siècle jusqu’au tourisme de masse d’aujourd’hui. Cette ville a également été le cadre d’une vie artistique et littéraire intense, liée au séjour de nombreux artistes et écrivains.
L’intensité de la vie mondaine, avide de loisirs « cultivés », suscitera notamment une vie musicale de grande qualité.
Une fresque historique
L’exposition invitera tout d’abord le visiteur à parcourir une fresque historique, évoquant, sur deux siècles et demi, du milieu du XVIIIe siècle à aujourd’hui, les principales étapes du développement de la Ville d’hiver ainsi que les personnalités qui ont joué un rôle essentiel dans son affirmation ou en ont été les témoins. Cette fresque permettra également de témoigner de la densité de la vie mondaine, sociale, culturelle dont l’avènement de cette ville a été le moteur. Parmi les personnalités
qui ont illustré cette histoire, une attention toute particulière est portée aux écrivains comme Friedrich Nietzsche, Stefan Zweig, Marie Bashkirtseff, Jean-Marie Gustave Le Clezio, Colette, Patrick Modiano, Max Gallo et aux artistes parmi lesquels Berthe Morisot, Henri Matisse, Raoul Dufy, Marc Chagall, Max Beckmann, ainsi qu’aux photographes comme Charles Nègre ou Jacques-Henri Lartigue ou encore aux cinéastes comme les frères Lumière, Jean Vigo, Jacques Demy ou Agnès Varda.
Autour du panoramique d’Olivier Monge
Cette fresque historique parcourue, le visiteur sera invité à une autre approche de la même réalité en traversant un vaste panoramique de la partie du front de mer niçois s’étendant de Rauba Capeu à l’aéroport et incluant les actuels quai Rauba Capeu, quai des Etats-Unis et Promenade des Anglais. Ce panoramique réalisé par le photographe Olivier Monge décrira ainsi la façade sur mer de la Ville d’hiver avec sa promenade terrasse des Ponchettes et sa célébrissime Promenade des Anglais qui, à partir de son esquisse au début du XIXe, s’est progressivement étendue vers l’Est jusqu’à la vieille ville et vers l’Ouest pratiquement jusqu’au lit du Var. Cet « état des lieux » permettra d’évoquer les états antérieurs des parcelles occupées par les immeubles actuels, les architectes et décorateurs qui les ont conçus, les personnalités qui y ont vécu et certains des événements qui s’y sont déroulés.
Certains de ces immeubles renverront également vers des réalités architecturales de la Ville d’hiver toute entière. C’est ainsi que l’hôtel Ruhl, l’hôtel Royal, le Palais de la Méditerranée tous trois construits par les architectes Dalmas père et fils renverront au Winter Palace et à l’Hôtel Hermitage, situés sur les hauteurs de Cimiez, oeuvres des mêmes architectes. La Villa Avidgor ou séjourna l’impératrice de Russie, Alexandra Feodorovna, renverra à la densité des lieux de cultes orthodoxes, comme l’église russe de la rue Longchamp ou la Cathédrale russe construite sur ordre du tsar Alexandre II.
En croisant ainsi les approches chronologique et topographique de l’objet urbain qu’est la Promenade des Anglais, le visiteur pourra mieux en comprendre l’histoire, les évolutions et la mythologie.
- Max Beckmann, Promenade des Anglais in Nice, 1947, Essen, Museum Folkwand © Museum Folkwand Essen – ARTOTHEK ©VG Bild-Kunst Bonn / ADAGP Paris
Olivier Monge
Né en 1974, diplôme de l’ENS Louis Lumière, chargé de cours à l’université de Nice Sophia Antipolis. Son travail à la chambre grand format traite essentiellement de la représentation du territoire et de l’impact de l’homme sur son milieu. Parmi ses nombreuses publications, on notera Nice, hier et aujourd’hui, Gilletta, 2003, Le port de Nice des origines à nos jours, CCINCA, 2004, La Promenade des Anglais, Territoire, 2005 ou encore Nice Torino, Territoire-Happax, 2007. Cofondateur de l’association Territoire, il explore depuis huit ans les stations de sports d’hiver des Alpes du sud, animé par une approche transversale associant regard artistique contemporain et sensibilité à l’égard des enjeux actuels de ces destinations de loisirs. Parallèlement à ses projets au long cours, il collabore régulièrement avec la presse nationale comme Libération, Le Monde ou Marianne.