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FEUILLETON : Et si l’Ecole de Nice nous était contée ? - Chapitre 13 - La question du regard - par France Delville pour Art Côte d’Azur

La question du regard.

Si Jean-Pierre Mirouze, cinéaste professionnel qui fut si présent dans l’Art et la Recherche du XXe siècle, a la générosité de nous donner à voir cette fois-ci un film montrant Martial Raysse en pleine action d’hygiène du regard (film de Jean-Pierre Mirouze, musique de Pierre Henry, montage Nicolas Barachin), c’est une nouvelle occasion d’investiguer la nature urbaine qui fut la création de cet artiste inspiré.

Martial Raysse

Dont on trouve la première trace dans le catalogue de Ben « A Propos de Nice » (1977), Ben écrit qu’en 1957-58, à la Galerie de Longchamp (Jacques Matarasso) exposent Gilli, Raysse, Chubac, qui font des toiles abstraites tendance Ecole de Paris, De Staël. En octobre 1958, Ben ouvre son magasin et, dans l’exposition « Scorbut », met Raysse, Chubac, Gilli et Ben. En 1960, écrit Ben, Claude Rivière écrit un article dans Combat (du 15 août) dans lequel elle parle de l’Ecole de Nice, et cite, entre autres, Arman Raysse, Klein, Sosno, Mirouze, Dubuffet et Chave. Plus loin il dit que Martial Raysse signe les Prisunic de Nice et les étalages de cosmétiques. Ce qui l’intéresse c’est la profusion colorée de l’article de série, l’afflux quantitatif des étalages, la marée de produits neufs dans les grands magasins. – Je désirais, dira-t-il plus tard, que mes œuvres portent en elles la sereine évidence d’un réfrigérateur de série, neuves, aseptisées, inaltérables (Pierre Restany, Galerie Nationale de Prague, oct-nov 1969).

« Objets en matière plastique, 1960, Catalogue « 1960, Les Nouveaux Réalistes » du MAM, 1986

Toujours Ben : « Arman et Raysse exposent à la Biennale de Paris. Raysse déclare à un journaliste à propos de Nice : Mis à part trois ou quatre peintres d’avant-garde, dont l’activité est directement tournée vers l’extérieur, Nice est une ville qui dérive à cinquante ans au large de l’actualité. Evidemment on y discerne l’inévitable cloaque de peintres d’anges qui, malheureusement, trouvent encore le moyen de démarquer les plus mauvais « figuratifs » parisiens … A l’époque de la physique nucléaire, il faut bien se rattraper à quelque chose… J’ai d’ailleurs pour ces cosmonautes beaucoup d’attendrissement, car, avec un bel optimisme, ils rejettent toutes les perspectives de l’actualité internationale et retournent délibérément au folklore, ce qui est très attachant, car je voudrais que Nice demeure l’une de ces villes privilégiées où la « peinture à papa », mijotée et appréciée, se fixera en tradition, comme celle des pipes du Jura et de la dentelle du Puy ».
En juin, poursuit Ben, dans « Sud », une revue niçoise tenue par Alex Lauro, Sacha Sosnovski écrit un article sur le Nouveau réalisme niçois. Il mentionne Arman, Klein, Raysse, Gilli, Venet, Gette et Ben.

« Supermarché magie multicolore 1960 », catalogue MAM 1986

En 1962, toujours Ben : « Jean-Pierre Mirouze réalise un film sur l’Ecole de Nice. Une séquence est tournée dans l’atelier de Raysse, rue Notre-Dame ».

Comment Martial Raysse va-t-il s’acheminer vers un rapport à l’objet personnel, qu’il va pousser à bout, et qui s’accorde particulièrement avec les prémisses du Nouveau réalisme décrites par Pierre Restany dans l’interview du catalogue de l’exposition « 1960, Les Nouveaux réalistes » du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (mai à septembre 1986), entretien intitulé « La prise en compte d’une situation nouvelle ».

- Extrait :

Pierre Restany - Personne alors n’a vraiment prêté attention au fait que le nouveau réalisme était la périphrase prudente que les communistes français avaient employée pour camoufler leur adhésion aux consignes de Jdanov et au réalisme socialiste. Le Nouveau Réalisme, pour moi, a cependant bien été une allusion synthétique à l’histoire du réalisme. Le genre réaliste est toujours la métaphore d’un pouvoir. Dans une époque de consommation, de boom économique et d’aventure technologique, Nouveau Réalisme voulait dire aussi qu’il existait des artistes capables d’assumer la métaphore du pouvoir de la société de consommation. L’étiquette était doublement chargée de sens.

« Miroir aux houpettes », 1962, catalogue MAM 1986)

MAM - Dès cette préface d’avril 1960, vous situez le Nouveau Réalisme à « quarante degrés au dessus de Dada ». Ce sera aussi le titre de la première exposition des Nouveaux Réalistes à la galerie J en 1961. Quelle était la signification exacte de cette expression ?

« Et Dieu créa la femme », 1962, catalogue MAM 1986

Pierre Restany - C’est Duchamp qui, le premier, a procédé au baptême artistique de l’objet. En 1913, le premier ready made est une ROUE de bicyclette. En choisissant cet objet, Duchamp détruit le tabou du tout fait main. Il nous fait voir la beauté dans l’article industrie de série. Ce geste est un geste moral. Avec Duchamp, l’esthétique bascule dans l’éthique. L’artiste, parce qu’il assume son rôle dans une société donnée, a des devoirs de qualité, de sensibilité mais aussi des droits : sa liberté de regard lui permet de déclarer où se trouve l’esthétique, la beauté, l’art. Duchamp n’en a fait qu’un problème moral, les Nouveaux Réalistes en ont fait un langage. C’est là qu’on passe à quarante degrés au dessus de Dada. C’est la fièvre de l’imagination quantitative par rapport à la raison froide de Dada. Si on considère le Nouveau Réalisme comme la métaphore du pouvoir de la société de consommation, c’est alors que le concept du ready made change de fonction. Ce n’est plus le simple baptême moral de l’objet, c’est ce que ce baptême implique comme action pratique et comme phénomène de langage. »

Un peu plus haut dans l’interview, Restany mentionne que le 27 octobre, jour de la constitution du Nouveau Réalisme au domicile d’Yves Klein à Paris, « Tinguely est venu avec Spoerri, Arman avec Raysse que Klein avait imposé, au risque de faire éclater le groupe dès sa constitution. Raysse, en effet, faisait encore à cette époque des fétiches plus ou moins surréalisants, et son entrée a été très discutée. Il est allé par la suite jusqu’au bout du jeu de l’objet dans la société de consommation, et, en ce sens, a été le plus proche du pop art. 1968 sera pour lui une période de remise en question. En pleine gloire il s’orientera dans une toute autre direction et disparaîtra même volontairement de la scène artistique. »

« Le rêve », 1963, catalogue MAM 1986
« Portrait d’Arman à l’époque des allures d’objets », 1963, catalogue MAM 1986

Mais, comme le mentionne Sam Hunter dans sa préface au catalogue de l’Exposition « L’Ecole de Nice et ses mouvements », exposition itinérante aux Etats-Unis (1989-90), commissaire d’exposition Pierre Chaigneau, conservateur du MAMAC, assisté de Frédéric Altmann, l’exposition à la Galerie des Ponchettes de fin 1967 avait désigné les chefs de file reconnus : Arman, Klein, Raysse. Et dans sa préface au catalogue de l’exposition « Ecole de Nice ! » d’Alexandre de la Salle dans sa galerie de Saint-Paul, Pierre Restany avait déclaré : « Un point d’exclamation qui marque la dimension respiratoire du phénomène. Nice fonctionne comme un soupir-relais dans le système d’inspiration-expiration parisien. Ce phénomène respiratoire a débuté avec le souvenir mythique d’Yves Klein, l’inlassable énergie d’Arman, la flambée de gloire de Martial Raysse… »

« Le Miroir », Catalogue « Ecole de Nice ! » 1977, Galerie Alexandre de la Salle

Dans l’abécédaire en forme de poèmes que Pierre Restany a composé pour ses 14 nouveaux réalistes, celui-ci est dédié à Martial :

R comme RAYSSE

Martial Raysse in medias res
cela vaudrait bien une épigramme
de l’homonyme poète latin Marcus Valerius l’ami de Pline

ne serait ce que pour célébrer le talent du peintre
et à l’instar de ses tableaux
la géométrie variable de son destin
entre les périodes de haute tension
et la longue traversée du désert
de la Raysse Beach à Coco Bello
et aux images tranquilles
Mao l’a mis sur le Tao

Jesus Cola ex superstar
a choisi la voie dure et pure
de la grande peinture nue
celle qui donne l’exacte mesure
des mythes
et leur mode d’emploi

être et avoir été
comme Matisse
mais en l’an 2000

André Verdet

Couverture de « Le ciel et son fantôme », Editions Galilée

A l’opposé André Verdet, dans ses propres exercices du regard, fondait son art sur l’investigation de la Nature-nature, provençale, et jusqu’aux étoiles. Son dialogue avec Françoise Armengaud, docteur en philosophie, filmé à l’occasion de la Rétrospective « Verdet Pluriel » au MAMAC de Nice en 1992 en témoigne, y compris d’un certain rapport pré-socratique à ladite Nature, rapport dépassé dans la rencontre avec un cosmos moderne par l’effet d’une intuition poétique que beaucoup de scientifiques ont reconnue comme médiumnique.

Ainsi Jean-Claude Pecker, astronome, put écrire - dans « Pierres de vie, Hommage à André Verdet » aux Editions Galilée sous la houlette de Françoise Armengaud - une « Approche du Ciel et son fantôme » ainsi rédigée :

« L’arbre vert du soleil »

« Quelque part sur la Voie lactée, à mi chemin entre l’Écu de Sobieski et la Nébuleuse du Pélican, un poète et un astronome, un astronome un peu poète, un poète un peu astronome, dans les nuages de leurs rêves, dans les prairies célestes de leurs voyages, un poète et un astronome se rencontrent curieusement... Docteur Livingstone, I presume ?
L’étrange contact entre ciel et ciel devient naturel. Moi, l’astronome, j’ai rencontré d’abord André Verdet en le lisant et par une plongée, quelque jour, dans certains de ses dessins, qui rythmaient les murs d’un petit hôtel de Coursegoules. Ce n’était qu’un Verdet de rêve, que j’imaginais aérien. Il devint un ami, bien plus tard, non pas parce que j’étais astronome, mais parce qu’il fut curieux de certaines de mes toiles, vestiges de mon passage à l’observatoire de Nice. Et sans transition, je le reconnus un peu ange Heurtebise, avec son auréole de soleil du midi, un peu Chico Marx, avec son humour bon, souriant, parfois noir jamais grinçant l’enfant Verdet, ouvert à toutes merveilles, l’homme Verdet, riche des épreuves passées, et des nostalgies du grand air, le Verdet que j’attendais, et que j’appréhende maintenant de trahir... Verdet vint avec son livre Le ciel et son fantôme, publié aux éditions Galilée, rencontre à laquelle le hasard avait donné son sens complet. Une préface frontispice de notre ami commun Philippe Delache (alors directeur de l’Observatoire de Nice) ouvre au lecteur le ciel de l’astronome... L’étoile n’est qu’un point sur un diagramme aux aspects organisés et flous, éléments de la connaissance d’une immensité de l’espace et du temps observations instantanées d’un univers de profondeurs. En vérité, le concept, le mot, la lettre, sont les étoiles, les galaxies du monde pictural et poétique de Verdet. Un signe écrit est une musique, un rappel aussi des signes dans le ciel. Une sémiologie cosmique s’organise sous la main du poète. Peu d’hommes, somme toute, ont parlé du ciel.

« Le hasard et l’ordre »

Tous ont évoqué leur ciel, camouflage immense de leur moi secret, et derrière les images objectives des galaxies, c’est d’eux, d’eux seuls qu’ils nous ont toujours parlé... Le voyage de Verdet l’entraîne, depuis les lampes du temps qui éclairent son long chemin jusqu’à l’ouverture, à travers l’obscurité, au fil d’une exploration de l’ordre et du désordre épars dans l’univers. Bien sûr, le monde des apparences, hors même de la vue subjective du poète, apparaît sans cesse, et l’astronome Verdet, en quelque sorte, décrit simplement et nettement le ciel des télescopes.

« A un certain point critique du langage, l’étoile implose »

Le ciel infini
Étrange de songer
Que nous vivons aussi
Avec la lumière
Des choses qui n’existent plus
Que cette lumière nous ouvre
Aux dimensions
Sans mesure de la vie.
Le Soleil
Nul ne sera plus là
Solitaire pour contempler
Les spectaculaires prémisses
Du déclin du Soleil
La sarabande effrénée
Et plus sombre des taches
La démesure aérienne
De ses arches et ponts
L’orgiaque gaspillage
De ses arsenaux
De pyrotechnie

Un astronome eût sans doute dit à peu près les mêmes vérités que le poète – moins subtilement sans doute… Les astres sont en scène ; ils deviennent l’occasion d’une réflexion, d’une méditation :
Nous tentons d’expliquer
De formuler

Nous suggérons

Or la preuve la plus flagrante
S’ingénie à demeurer
Une probabilité

Et nous continuons à tirer
Les effets des conséquences
Et non des causes

J’avais moi-même écrit dans « la Parole Oraculaire », dédiée à Gilles Ehrmann (Editions Melis, 2001) :
« Lire une œuvre, n’est ce pas d’abord la rencontrer par hasard, en suivre sans y penser quelques sentiers, mais parfois d’un coup en avoir la révélation, en découvrir comme une clé, une direction, une clé qui alors ne cessera d’ouvrir, d’ouvrir encore, jusqu’à un niveau de lecture plus secret qui, paradoxalement, ne cessera de multiplier des possibles ? Au delà du volume impressionnant de l’œuvre aussi bien poétique que plastique d’André Verdet, un fil m’a semblé ressortir, plus brillant que les autres, plus obscur a la fois, un fil qui s’est épaissi jusqu’à devenir lien majeur, à partir de quoi une certaine lecture s’est établie. Et qui a fait reprendre les questions à l’origine, celle du rapport au monde d’un homme : l’auteur.
Ce fut alors la sensation de suivre à la trace un individu en exploration muni de l’œil infatigable de ces chercheurs Anciens, Renaissants ou Modernes, qui interrogèrent Terre, Ciel, Formes, Nombres. En un mot, qui questionnèrent la place de l’humain dans l’Espace/Temps de l’Univers...
Comme pour ces éternels pionniers ne s’agit il pas chez André Verdet d’une quête très concrète jouant entre deux points extrêmes : de la Terre glèbe à l’Équation ? Entre les lavandes du Col de Vence et E=mc2 : du Plein au Vide... L’infiniment petit et l’infiniment grand reliés par le fil élastique dont parle fréquemment André. Les doigts des étoiles venant effleurer les doigts des enfants des étoiles selon Yves Coppens, pour une Création ré-assumée....Le Ciel et la Terre dans la réalité d’un vécu qui formera le minerai de la poésie chez un rêveur habitant aussi bien le paysan de Virgile que les formules les plus conceptuelles, deux échelles sur lesquelles l’homme dont nous parlons semblera danser à l’aise, entraîné dans un enchaînement de savoirs plus qu’inhabituel. Mais qui malgré tout fait tinter une certaine harpe : celle des pré socratiques à la poursuite d’un sens à dévoiler, et pour qui l’Être ne s’établissait que dans le mouvement du décryptage. Verdet semble proche des anciens philosophes grecs aussi dans cette nécessité de mesure qui insista tout au long de ses écrits. Cette mesure dont le philosophe Jean Brun dit qu’elle n’était pas chez les pré socratiques le résultat d’une opération quantifiante, mais bien l’expression d’une harmonie entre les parties et le tout ; qui dit mesure dit donc esthétique, éthique et ontologie. Et si d’après Jean Brun les héros du savoir que nous sommes devenus dans notre civilisation scientifico- technicienne se sont peut être du même coup dépossédés de l’Etre, André Verdet, lui, paraît avoir relié les questions les plus anciennes à celles que permettent de formuler aujourd’hui des instruments infiniment perfectionnés.

« La source de tout et de rien »

Car les Temps se répondent. Mais, pour reprendre la métaphore de l’élastique, ce n’est pas dans le continuum que nous croyons éprouver. Au contraire le temps pulse, bat comme un cœur qui laisse en lui déployer tous ses jeux, entre un passé qui n’en finit pas de diversifier ses Causes, et un Futur jamais coupé de ses racines...Les entrelacs du futur antérieur, du passé à venir, jettent le lecteur dans le paradoxe d’une lenteur à la vitesse de la lumière... C’est ce genre de sensation à la Zénon d’Elée que fait éprouver André Verdet. Ainsi dans Les exercices du Regard : La lumière jaillit du passé dans les fontes de l’avenir.

« Pierre de vie »

Mystique, métaphysique ? Ne s’agit-il pas plutôt de la découverte – du dévoilement – d’un verbe suffisamment ambigu pour mettre en formes effleurées, effleurantes, ce qu’on appelle le monde ? Formes informantes, créatrices, pour une moderne Cosmogonie ? Mais c’est avant tout qu’André Verdet spéléologue de toutes Natures, s’est donné la peine de la Vision.
Si l’argile nous est commune, c’est à chacun d’y son¬der sa propre crevasse pour redevenir physicien originel, ou physiologue, tel Thalès de Milet, dont l’Ecole, tournant le dos à la théologie, se mit à chercher des causes naturelles, ce même Thalès qui, prévoyant une éclipse de soleil, mit fin à la guerre entre Lydiens et Mèdes, Thalès qui serait le véritable auteur du connais-toi toi même et tu connaîtras l’univers et les dieux. Job étant encore plus radical lorsqu’il annonce qu’on ne connaîtra ni soi même ni les choses, mais que, dans le renoncement à cette prétention, le monde pourra béer sur son impensé. Apprendre à vivre au sein d’un monde animé mais dont le décryptage recule toujours, ne serait-ce pas la seule consigne possible ? Derrière l’apparence : toujours autre chose. C’est sur cette brèche là qu’André Verdet semble se tenir. Funambule entre formes, couleurs, idées, rapports, apparitions. Les preuves manifestées en seront mots et choses, ce qu’on appelle son œuvre. Et les conditions de l’apparition dans le monde, ce qu’on appelle l’enfance, ne peuvent être indifférentes au parcours. Pour André ce fut la jouissance d’un ciel partout vanté pour ses éblouissants mystères : celui du monde méditerranéen. Et puis une ravissante maman jouant de la mandoline, ravie à l’enfant de deux ans. Qui subsitera peut être comme rêve à rejoindre Nul ne le saura jamais, mais penser une œuvre pétrie par la question de l’Origine n’est pas la réduire, c’est lui donner toute sa dimension. Habiter, enfant, un beau mas en bordure de la route de La Colle à Saint-Paul-de-Vence (dans André Verdet Pluriel, Autobiographie, 1992), ceux qui aiment ce pays en voient la saveur infinie… »

couverture verso de « Provence noire », la couverture recto étant noire

Et en plus du ciel et de ses naissances, André Verdet sut comme personne s’approprier la « Provence Noire », qui produisit un livre chef-d’œuvre avec photographies en noir et blanc de Gilles Erhmann, avec une couverture de Picasso.

Dont voici le « Fragment d’une solitude sous le soleil » :

Il fait chaud elle est nue sur le lit et seule
Toute seule dans la maison seule où
Le silence a de secrètes
Profondeurs de carreaux nus

Persiennes fermées mais au dehors
Le soleil écrase le dernier
Chant d’une cigale

Elle est nue les bras en croix
Ses jambes font les muettes
Mais elle écoute de loin venir

Persiennes fermées mais au dehors
La lumière est comme une ombre
Gigantesque avec un masque

Elle a peur soudain elle crie elle
S’étrangle mais personne
A la gorge ne l’a saisie

Persiennes fermées mais au dehors
La lumière est comme une tombe
Blanche aux ourlets noirs

Il fait chaud elle est nue sur le lit et seule
Toute seule dans la maison seule où
Le silence a de secrètes
Profondeurs de carreaux nus

photo de Gilles Erhmann dans « Provence noire »

Gilles Erhmann, grand photographe surréaliste, ami intime de Ghérasim Luca, qu’exposa Alexandre de la Salle, particulièrement en 1986 (« La Question ») et en 1988 (« Œdipe Sphinx »), et dont il écrivit : « Gilles Ehrmann est un Voyant : ce qu’il voit, il le voit deux fois, au dehors, d’abord, êtres du réel, et au dedans, profondément inscrits en lui, écho déjà, souvenir. Difficile avec lui de ne pas ressusciter le vieux cliché selon lequel ses paysages, ses momies seraient des auto portraits, non qu’il ramène tout à lui, mais bien plutôt que tout vienne, en lui, prendre forme et sens autres. Il me semble bien que Gilles Ehrmann soit le seul photographe auquel Jean Claude Lemagny ait consacré un long texte ».

Et Avida Ripolin : « Trop de lumière éblouit, mais c’est l’œil du dedans qui s’éclaire et jouit. L’immobile et l’agile se coulent dans le même signe, tout se montre, monte à sa propre surface nacrée, s’élève jusqu’à sa propre physionomie, affleure à sa propre fusis, sa nature, exprimée comme un jus de métal liquide à un moment privilégié. Tout l’or caché s’extrait et vient se fixer pour désigner mieux le précieux vêtement du constitué. Nouvel état, et nouveau langage » (Exrait d’un texte paru dans « Go » en 1986, sous le titre « Au point feu de la magnitude, unité de mesure de l’éclat des étoiles »).
Dans « Provence Noire », en dehors d’admirables paysages et déclinaisons de villages, de Gilles Ehrmann des portraits de Marc Chagall, Fernand Léger, Pablo Picasso, Georges Braque, de même qu’en écho, dans la « Donation Verdet » figurent des portraits photographiques de lui par entre autres Villers, Gatti, Hartung, Ferrero, Greenwood, et des portraits peints entre autres de Rotraut Klein, , Picasso, Ben, César, Kijno, Mas, Edouard Pignon, Sosno, Nivèse, Gaudet, Miotte, Verdet/Arman, Fillod, Cini, avec auto-portrait de Verdet en Visage Sacrifié.

Portrait d’André Verdet par Rotraut Klein

Mais, comme le dit Michel Gaudet, l’un des préfaciers : « André, nous sommes tes portraits.

Portrait par Picasso

L’Olympe nous est offert dans ce Château des Grimaldi que tu hantas de ta présence et de tes œuvres…Vivre une journée avec toi est encyclopédique. Les fleurs, les pierres, les astres sont personnalisés. L’histoire et l’histoire de l’art sont ton clair domaine et de la poésie à la philosophie tu brosses une fresque que tu animes comme ménestrel. »

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