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FEUILLETON : Et si l’Ecole de Nice nous était contée ? - CHAPITRE 5 : QUESTIONS DE L’ORIGINE - Par France Delville pour Art Côte d’Azur

Un numéro de la revue papier d’Art Côte d’Azur (octobre 2009) titrait à la une : « 
Malaval, la rock attitude », formule qui recouvre de manière pertinente un certain nombre d’éléments de la vie et de l’art de Robert Malaval, qui dit un jour : « J’ai eu envie de faire des toiles qui soient aussi rapides, aussi instantanées que la musique ». Et aussi : « On me demande mon peintre préféré, je dirais volontiers Beethoven ».

Malaval, "je suis une étincelle"

« Je suis une étincelle », 1974, photo catalogue exposition « Robert Malaval », Musée d’Art Moderne Paris, printemps 1981

Commissaire de l’exposition au Palais de Tokyo (2006), Marc Sanchez écrit dans le communiqué de Presse, en face du tableau « Je suis une étincelle » de 1974 : « Robert Malaval aura tout vécu intensément. Eleveur de vers à soie, artiste dandy, fan des Rolling Stones, père de deux enfants, peintre d’étoiles, inventeur d’espaces, animal nocturne, kamikaze moderne. Et, en 1974, il écrivait déjà : Vouloir tout saisir, c’est un vertige terrible ».

Mais la formule est employée de manière particulièrement émouvante par Jean-François Bizot dans le journal Actuel de novembre 1980 : « Malaval, peintre rock, s’est suicidé à la mi-août en écoutant Blanck generation de Richard Hell. Il avait bien vécu. Il avait pris en avance tous les trains de son époque sauf le dernier, que ses toiles de 1980 expriment pourtant si bien ».

Journal Actuel de novembre 1980
Journal Actuel de novembre 1980

Des légendes de l’article disent qu’entre 1970 et 1972 Robert adore les Rolling Stones, qu’il fait leurs portraits, qu’en 1977 il fait des Tee-Shirts « Kamikaze fin du monde », qu’en 1980 il peint dans la fosse de la Maison des Arts de Créteil, que sa toile « Un carton au parking » évoque un tireur fou ayant canardé les voitures en stationnement, que l’une de ses dernières toiles s’intitule « Massacre à Créteil ». « Depuis dix ans, écrit Bizot, il veut monter sur scène, être un rocker, brosser des tableaux comme cinq riffs de guitare électrique, arracher des émotions au public et finir sa toile d’un accord sec qui les jette dehors du concert avec ce mélange d’énergie et de frustration, cette beauté suspendue d’un coup qui fait la force du rock (…) En deux mois, Malaval peint quarante toiles superbes, il n’a pas peint depuis deux ans, il tourne autour de l’art depuis plus de vingt ans, il vit le grand défi, il vit pour cet équilibre précaire entre l’inspiration et le savoir-faire, à Créteil le show dure depuis début mai, et mi-juillet Malaval dit à son fils que la note arrive et qu’il n’a pas envie de payer l’addition.

L’effort de création l’a chambardé, comme Hendrix, Joplin, Morrison, et beaucoup d’autres. Juste avant le 15 août, sans avoir réussi à se reposer, Robert Malaval range ses affaires, met en ordre ses papiers, écrit une lettre, se couche sous deux lampes d’architecte et se tire une balle dans la tête ».

« Massacre à Créteil », 1980, acrylique/paillettes sur toile, 195/195cm, Catalogue de l’exposition « Paillettes et pastels 197361980 », Présence de l’Art Contemporain

Dans le catalogue de la Rétrospective Malaval au MAMAC (1995), un texte autobiographique de Malaval mentionne qu’il a commencé à peindre à l’âge de seize ans, vivant à Nice chez ses parents, qu’il est viré du lycée, devient apprenti dans le dépannage de postes de radio, qu’il se met à peindre parce qu’un copain lui montre, il a envie de m’exprimer d’une façon ou d’une autre, l’écriture pourquoi pas, mais il se sent interdit d’écrire, de même pour la musique, il est inconcevable d’aborder la musique sans avoir fait des études, il s’apercevra que c’est faux, connaîtra des gens qui le font, qui vendent même des disques, et ce qui l’a déclenché c’est un copain qui lui dit viens voir, j’ai fait de la peinture, qui lui montre des trucs qui ne représentent rien, il se dit merde, c’est justement ça qu’il faut qu’il fasse, et il s’est mis peindre. Il a flashé sur Van Gogh, sur les surréalistes. « L’année de mes seize ans, ce fut l’année où le rock’n roll est arrivé à Nice, à Villefranche il y avait l’armée américaine, je me rappelle avoir découvert le rock’n roll à ce moment-là, Elvis Presley, Bill Haley et ses Comets ».

Il est parti à Paris, puis a été appelé au service militaire dans un régiment de tirailleurs algériens en Corse, entouré de repris de justice, de gitans, de SDF (dont il faisait partie).

Réformé, il part vivre dans les Basses-Alpes, réalise un travail influencé par le paysage qui l’entoure, dans son atelier viennent Louis Pons, André Labarthe, et un marchand de Vence, Alphonse Chave, qui lui offre un gîte et cinquante francs par mois. Il commence l’Aliment blanc en 1961, se sert de son âne pour faire les courses, et dans le catalogue de cette première exposition, chez Alphonse Chave, en avril 1962, celui-ci écrit : « Ce qui nous intéresse, c’est l’esprit actuel de cette démarche, cette invasion par la matière qui (pour être plus assimilable est appelée « L’Aliment blanc ») nous donne irrésistiblement le sentiment d’un « futur » une sorte de « science-fiction » qui prend curieusement l’apparence d’une petite catastrophe domestique. Malaval a exposé en avril de l’année dernière (avril 1961) et en janvier 1962 à la galerie Alan de New-York une série de reliefs de papier, et quelques peintures ». (AC)

La Galerie Alexandre de la Salle, place Godeau, à Vence, prend donc la suite de l’Aliment blanc en mai-juin 1965 avec « Aliment blanc, dessins », et, en août-septembre 1966 « L’Aliment blanc » sculptures, puis en mars-avril 1967, exposition « Ecole de Nice ? » fédérée par Alexandre de la Salle, et justement à l’invitation de Robert Malaval.

Robert Malaval avec Edmée de la Salle pendant son vernissage du 15 mai 1965, et malava3 : invitation de l’exposition

Dans le « Paradoxe d’Alexandre », catalogue de l’exposition du même titre (1999) au CIAC (Château de Carros) Alexandre de la Salle raconte : « Robert un jour débarque chez moi à Vence et me dit qu’un galeriste lyonnais, Verrières, a ouvert une galerie à Cannes, tenue par Francis Mérino, et qu’ils sont le projet d’exposer à la suite des membres de ce qu’on appelle alors vaguement la « Mouvance niçoise ». C’était le tour de Gilli, mais il y avait un problème je ne me souviens plus lequel, et ils allaient s’arrêter. Malaval me dit : « Alex, il y a une chose que tu dois absolument saisir au vol, c’est une exposition « Ecole de Nice ». J’ai immédiatement compris l’intérêt historique de ce Mouvement, et qu’il fallait le faire vivre. J’ai immédiatement accepté, et mis en train « Ecole de Nice ? », pour mars 1967.

Le succès fut inouï, le public a reçu cette exposition avec excitation, admiration, passion.

Ils venaient par centaines, ma galerie débordait sur la place Godeau littéralement envahie. Cette exposition, c’est vraiment grâce à Robert Malaval que je l’ai faite, et avec la complicité de Pierre Restany, qui a écrit la préface du catalogue. Ce fut le point de départ d’un très long cycle, d’une incroyable aventure qui donna lieu à quarante cinq expositions consacrées à l’Ecole de Nice, soit cinq manifestations collectives, en comptant « 10 de l’Ecole de Nice » en 1974, où Malaval était aussi, et plus de quarante expositions individuelles de tel ou tel membre de « l’Ecole », parfois c’était leur première exposition personnelle, comme pour Ben en 1970.
La première image que je conserve de Robert Malaval est celle d’un jeune homme, longs cheveux au vent, sur une carriole tirée par un âne, il venait avec sa famille, en provenance de Forcalquier, il quittait les Basses-Alpes pour venir s’installer à Vence, route du Riou, dans une maison que lui prêtait Alphonse Chave. On m’a présenté Robert, il est venu plusieurs fois dans ma Galerie, disant : « Tu es un jeune marchand, intéresse-toi à nous... » Je lui répondais qu’il avait raison. Je suis donc allé dans sa maison du Riou, où le spectacle m’a stupéfié : de l’Aliment Blanc, cette chose proliférante, envahissait tout, des objets bizarres, des canapés, qui étaient rendus inutilisables, des machineries qui faisaient des bruits énormes, « broum, broum », des masses montaient, descendaient, une espèce de vieille bite d’éléphant accrochée au plafond, en multiples cascades dégringolait jusqu’au sol. Une douzaine de jambes artificielles s’appuyait au mur, et dans l’espace laissé libre cavalaient deux petits enfants, Christophe et sa sœur. De l’humidité suintait du mur, c’était irréel, à la limite de l’inquiétant...

Alphonse Chave (à gauche) et Robert Malaval au vernissage « Aliment blanc, dessins », 15 mai 65, Galerie Alexandre de la Salle

Au milieu de tout ça, la sympathique épouse de Robert, Marie Thé, avait la beauté du chardon, et c’est un compliment. Ce fut ma première vraie rencontre avec Robert Malaval, après quoi il est venu régulièrement à ma Galerie. C’est à cette époque qu’il a fait sa première exposition, chez Chave, ensuite il en est parti, et m’a proposé de venir chez moi. J’ai accepté, mais évidemment j’ai demandé à Chave si cela ne l’ennuyait pas.

Dessin, « De face et de profil, deux moments successifs », 1962, photo Alain Sèbe

Si Alphonse m’avait dit non, je n’aurais pas exposé Malaval . Le 15 mai 1965 j’ai organisé l’exposition des dessins d’Aliment Blanc, tellement fouillés qu’ils auraient pu avoir été faits à la fin du XIXe siècle. Ils étaient denses, avec une écriture serrée, acerbe, très maîtrisée. L’Aliment Blanc était mis à contribution dans tous les sens. J’étais fasciné par cette œuvre, accomplie par une espèce de maniaque intelligent. Robert et moi sommes devenus de grands amis. Nous avons échangé une longue correspondance, et j’ai fait une seconde exposition en 1966 : « L’Aliment blanc, sculptures ». L’aliment blanc fut, à l’évidence, la matrice obsessionnelle à partir de laquelle son travail s’enchaîna et se développa - par sa surabondance même il le propulsa jusqu’aux poussières d’étoiles - autre envahissement, autre dispersion, autre manière de se perdre.

vœux de bonne année à Alexandre de la Salle, dans l’exposition Rétif

Maniériste, n’aimant que le travail poussé jusqu’à ses extrêmes limites, Malaval fut peut-être surtout un grand dessinateur : ses dessins donnaient le sentiment d’aller toujours au-delà de ce que d’emblée il leur avait assigné. « Kamikaze-fin du monde » ?

Vision prémonitoire, comme si de lui aux choses, des choses à l’univers, tous cordons ombilicaux rompus, il ne lui restait plus qu’une insupportable flottaison, sans point de repères, sans espoir, sans rien, comme si tout était à rejouer, mais pour sans fin (« c’est foutu ! ») mener au rien, comme si la prolifération dévorante, belle même, ne pouvait, elle aussi, que mourir et mener au Vide.

Fin 1981, la Galerie de la Salle exposera « 100 demi-heures de dessin quotidien et dessins d’aliment blanc », en hommage à Malaval, disparu.

Alexandre de la Salle ajoute aujourd’hui : « Ce n’était pas porter tort à l’Ecole de Nice que de ressusciter le Mouvement Madi d’Arden Quin, mouvement historique lui aussi comme on sait (Claude Fournet a rendu hommage à Arden Quin aux Ponchettes en 1987), d’autant plus que Carmelo avait essayé d’entraîner, à Nice, dans la révolution MADI, un groupe (Marcel Alocco, Amanda, Philippe Chartron, Noël Dolla, Henri Giordan, Raphaël Monticelli, Patrick Saytour, Claude Viallat), ils ont ensemble signé le Manifeste INterVENTION (octobre 68). Arden Quin dira plus tard que ça n’a pas marché, ils avaient des buts trop différents. Et puis j’ai soutenu de grandes individualités dont la problématique était étrangère à l’Ecole de Nice, mais à qui l’Ecole de Nice a fait de l’ombre, comme Alberte Garibbo. J’ai toujours aimé l’Ecole de Nice, j’en témoigne encore aujourd’hui par cette exposition à laquelle m’ont convié Mireille et Philippe Rétif, et je les en remercie, car cette exposition, en plus d’être une commémoration nécessaire, est très originale, avec des pièces peu vues, pas mal de gens s’accordent à le dire ».

œuvres de Robert Malaval au Musée Rétif

Claude Fournet fut lui aussi très frappé par le charisme de Robert Malaval, dans le catalogue de la Rétrospective au MAMAC (1995), il se souvient :

« Malaval fut mon premier visiteur niçois. Je vivais dans une maison délabrée…j’entendais, au milieu de la nuit, gratter à la porte. J’ouvrais. Un homme des bois, hirsute, botté pour chevaucher l’apocalypse, entrait. Sans un mot, mais avec un sourire le plus vrai des sourires. Il allait s’asseoir dans le salon… il aimait ce lieu … où des oiseaux s’égaraient. Il lui fallait de la musique jusqu’à l’aube, des boissons fortes, puis des sirops. Je ne suis même pas sûr que nous ayons parlé deux ou trois fois. Une exception cependant : il fut le premier à qui je lus quelques poèmes…Une ou deux fois, il vint les poches pleines de paillettes.

Il étendait ses pluies cosmiques sur une toile ou sur du papier. Nous allumions une lampe et nous restions jusqu’au matin, à piéger ce rêve qui pouvait nous être commun et qui s’exprimait par un jeu mêlé d’exorcisme. Il partait, il revenait. Il m’écrivit de Créteil. Il préparait une exposition ; il peignait la nuit, défoliant tous les ciels pour un hommage à Giordano Bruno. L’Univers enflait, éclatait, se dispersait…Un matin je compris sa vérité : Robert s’était suicidé dans un excès de terres semées de paillettes blanches… L’acquisition du moulage du corps d’une femme qui sommeille fut la dernière acquisition du Musée d’Art Moderne avant son ouverture en 1990 » (Il s’agit de La Dormeuse). Autre rencontre majeure, celle avec les Sapone, père et fils. Dans le catalogue de l’ARC, Jean-Louis Pradel écrit, sur le mode poétique qui s’impose à tous ceux qui parlent de Robert : « Naturellement familier de l’artifice, c’est à 18 ou 19 ans, lors d’une coupe au rasoir chez un coiffeur italien de la rue Paganini à Nice, que Robert Malaval se déclare peintre, alors qu’en fait, nous dit il : toute la semaine je travaillais dans l’atelier d’un radio électricien, et le reste du temps je traînais ici ou /à assis sur la double selle d’une vespa trafiquée ».

« Météor » 1974, collection Sapone

C’est alors que le coiffeur l’envoie chez un tailleur qui collectionnait ce genre de peinture : « je me suis pointé un matin chez Sapone, il était en train de couper un costume (pour Magnelli) et les murs étaient pleins de tableaux, c’est ainsi que pour la première fois on m’a acheté une toile et j’ai eu un costume sur mesure et c’est comme ça que je suis devenu artiste ». Dans la galerie d’Antonio Sapone ce sera en 1974 l’exposition « Poussières d’étoiles » , en 1978 : « Pastel Vortex », en 1988 : « Tableaux de 1975-1980 ». En 1995 Claude Gilli écrit : « … il nous arrivait de travailler ensemble, c’est ainsi que naquit le tableau « La galerie de la Plage » réalisé sur ma terrasse, au Vieux-Nice. Un été il propose de mouler le dos de ma femme Nicole. Cette réalisation a été tirée par la suite à douze exemplaires. Et puis un jour il me téléphone pour venir le voir réaliser une série de tableaux devant le public à Créteil. J’étais très fatigué, on ne doit jamais remettre à demain ».

Jean-Claude Farhi

C’est aussi une rencontre avec un peintre dans son jeune âge (16 ans), qui a marqué Jean-Claude-Farhi, cette fois-ci un vrai peintre, Antonio Ascona, à Bogota, en Colombie. Né en 1940 à Paris, de Jacques Farhi, d’origine turque (Smyrne), et de Dora Farhi, d’origine espagnole, après la guerre Jean-Claude suit ses parents en Colombie où il apprend à parler couramment espagnol. Venu à Nice en 1957, il travaille comme guide touristique à l’agence Kuoni, et c’est là qu’il rencontre Martial Raysse, guide lui aussi. Cours de dessin aux Beaux-Arts de Nice dans l’atelier de François Bret, première exposition en 1959 au Café Le Relax, rue Pastorelli (lieu de réunion des Vaguants), rencontre avec César et Arman. Très frappé par l’œuvre du premier. Service militaire en Algérie comme infirmier, des vues d’hélicoptère, « d’en haut », le frappent aussi. De retour en France il continue à peindre, rencontre Restany, expose des « Reliefs planétaires » à la Galerie du Damier à Paris. A partir de 1966 il se consacre entièrement à sa recherche artistique, à travers une succession de matériaux, hautes pâtes avec inclusions d’objets métalliques, pièces de moteurs soudées et colorées, polyméthacrylate de méthyle. En 1968, chez Iris Clert, plastique et métal : « Chromplex », et début de l’installation à Tourrettes-sur-Loup.

Avec César il fait le tour de l’Europe, et, à Rome, tombe sur l’usine Polivar qui exécutera pendant seize ans ses sculptures en plexiglas. Expose à la Fondation Maeght (1973), à la Galerie Beaubourg (1980).

Jean-Claude Farhi par Frédéric Altmann dans son atelier)

En 1981 s’installe à Soho, et va vivre entre New-York et Tourrettes. Le 6 mai 1985, inauguration au palais des Congrès de Nice de « Colorful Island ». Il commence à réaliser des œuvres en polyméthacrylate de méthyle dans son atelier de Tourrettes-sur-Loup. 1986, Exposition « Sentimental Streamline » à la GAC de Nice. Naissance de son fils Davidé. 1988, premières ébauches du projet « Dissémination », et en 1989, première sculpture monumentale à géométries variables à New Cannan, USA. Géométries variables Galerie Guy Pieters, Knokke-le-Zoute, Lineart, Gand. Foire de Chicago. En décembre 1990, c’est l’inauguration de « Dissémination » dans le quartier de l’Arénas, Nice, 34 mètres de hauteur, la plus grande sculpture jamais réalisée en méthacrylate de méthyle (perspex). Sa fille naît le même jour, il l’appelle Victoria-Dissé. De « Dissémination », dans Nice-Matin, René Cenni écrit « Cette œuvre monumentale, « Dissémination », de 34 mètres de haut pour 20 mètres d’envergure, et d’un poids de 20 tonnes, avec un déporté de neuf mètres, dans le vide, se dresse à la proue d’un nouveau quartier d’affaires de l’Arénas... et forme en quelque sorte une porte d’or sur la baie des Anges ».

En parallèle est entamée une série de sculptures en métal laqué, et, à partir de 1991, c’est le traitement de l’acier brut pour des sculptures de plein air. Une « Dissémination » sera présente au Musée des Jacobins de Morlaix pour une exposition-hommage à Pierre Restany « Le cœur et la raison ». En 1993, Jean-Claude Farhi participe à l’inauguration de la Galerie Beaubourg, château Notre-Dame des Fleurs, Vence. De 1994 à 2001, de nombreuses sculptures monumentales entrent dans des collections privées américaines.

sculpture monumentale dans le catalogue de l’exposition chez Guy Pieters en 2001

Pour le catalogue de l’exposition chez Guy Pieters (Saint-Paul) en 2001, Pierre Restany écrivit un texte titré : « L’esprit de Tourrettes » qui se termine par : « De cette puissante métonymie de formes simples aiguës et courbes se dégage la fascinante sensation de la joie de vivre à l’état brut dans la continuité des volumes. Cette apothéose du métal que j’annonçais en 1995, Jean-Claude Farhi est en train de la vivre dans le vitalisme du quotidien ». Lui-même avait écrit le 10 avril 2000 : « Alexandre de la Salle, son nom est lié au mythe Ecole de Nice, 1967 c’était encore l’aventure, il fallait un certain courage pour oser, puis une continuité, une sensibilité sans faille. D’autres expos, d’autres années, et toujours la même fidélité à cette création de la Méditerranée. Pour Alex, amicalement, Tourrettes-sur-Loup, 10 avril 2000, Jean-Claude Farhi ».
C’est qu’avant même de l’inclure dans l’exposition « Ecole de Nice ? » de mars 1967, place Godeau (avec entre autres Motorcolor n°16), Alexandre de la Salle s’était intéressé à son travail, il lui avait acheté par exemple toute une série de dessins sur papier, dont certains sont en ce moment visibles au Musée Rétif, ensuite Jean-Claude Farhi avait participé à l’exposition « 10 de l’Ecole de Nice » en 1974, puis à « Ecole de Nice ! » en 1977, et à « Ecole de Nice. » en 1997 (les Trente ans de l’Ecole de Nice).

portrait par Frédéric Altmann

Dans le catalogue de cette dernière exposition, Alexandre de la Salle avait écrit : « Du métacrylate au métacristal ! Le grandiose du matériau, toujours lumineusement choisi, le beau en soi, une esthétique du bel objet, aussi grand soit-il, celui qui est censé adresser un message de rétinienne beauté. Une certaine emphase de cet espace des lumières le met à distance du simplement beau. Maintenant c’est du métacristal au métal, lui à qui la grande dimension ne fait pas peur ! »

œuvres de Jean-Claude Farhi, Musée Rétif

Pour ce qui est d’aujourd’hui, y compris de la très belle sculpture en métal brut de Farhi qui orne les jardins du Musée Rétif jusqu’en décembre de cette année, le début du texte de Pierre Restany « L’esprit de Tourrettes », résume bien l’esprit de Farhi ! :
« Après avoir été longtemps le magicien-jongleur compositeur du plastique, puis du métal coloré, Jean Claude Farhi décide à partir de 1994 d’abandonner la couleur et d’intervenir sur le métal brut en jouant sur les seules ressources du matériel, sans le parer des plu¬mes du paon. L’artiste n’en a pas rompu pour autant avec les formes géométriques épurées et aérodynamiques du streamline américain des années 30 dont s’est toujours construite son œuvre, Farhi crée en acier corten des volumes dont le galbe, l’émincé angulaire ou l’élan courbe du profil semblent être l’apanage exclusif du plastique. Toujours la même simplicité rigoureuse dans la monumentale poussée constructive des formes.

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