| Retour

Palais des Festivals de Cannes : « Pietragalla, la femme qui danse ».

Elle a toujours voulu danser ! Et elle le dit de différentes façons. D’abord en dansant et, dès le titre, en se définissant comme « la femme qui danse ».
Pietragalla n’était pas venue au Palais des Festivals de Cannes depuis plusieurs d’années où elle présentait « Lorenzaccio », d’après Alfred de Musset, un drame romantique où ils étaient nombreux sur scène à danser. Aujourd’hui, proposant une sorte de bilan de toutes ses années d’activité intense, elle est seule à interpréter « Pietragalla, la femme qui danse ».

Mêlant danse et récit, elle fait un travail d’introspection pour dire son amour de la danse, en revenant à ses débuts d’exercices à la barre, à son entrée à l’Opéra National de Paris, puis, grâce à Patrick Dupond, à sa nomination en 1990 de danseuse étoile, son rêve de petite fille.
Pendant une heure et 1/4, dans ce « seule en scène », elle ne cesse de danser, répétant inlassablement ses mouvements, souvent faits de mêmes gestes saccadés. Avec son très musclé corps androgyne, accentué par sa coupe de cheveux courts, on pourrait supposer parfois voir un homme qui danse. Mais on retrouve toute la féminité de la danseuse dans des mouvements vibrants et fluides de son corps si flexible s’élançant au gré d’un rythme musical et d’une pulsion intérieure. Quelques instants sont tout particulièrement magiques, lorsqu’elle fait virevolter autour d’elle un voile blanc : de la pure poésie.

Le spectateur est plongé dans la pensée intime de la danseuse, à la limite du culte de soi quels que soient les hommages qu’elle rend aux plus grands chorégraphes.

Dans un même temps qu’elle raconte son parcours, elle cite tous ceux qui ont traversé avec elle sa longue route, sa longue histoire.

Devenant actrice, elle énonce toutes ses étapes, toutes ses rencontres : Noureev, Pina Bausch, Carolyn Carlson, Maurice Béjart et d’autres tout aussi célèbres.
Grâce à son énergie imparable, à son merveilleux talent et à son parcours sans faute, elle devient, en 1998, Directeur Général du Ballet National de Marseille. C’est là qu’elle rencontre Julien Derouault, avec qui, dès lors, Pietragalla partage sa vie à la scène et à la ville.
Il s’est donc chargé de la mise en scène du spectacle. Passionné de technologie et d’imagerie, il a également réalisé toutes les projections qui donnent une importante dimension à cette danse.

Le seul décor étant un écran sur lequel sont projetées des images mouvantes d’une géométrie variée et où, parfois, le corps de Pietragalla se multiplie...

Le corps de la danseuse est relié à l’écran par une bague (le spectateur la voit d’un bleu scintillant à son doigt). Grâce à cette technique très pointue, la voix est ainsi amplifiée en accordant aux mots la révélation profonde des gestes dansés.
En résonance au corps en mouvement, Pietragalla fait des confidences sur son parcours de vie. Ainsi les textes expriment les sensations physiques de la danseuse et les émotions ressenties sur scène et ailleurs Elle plonge dans sa mémoire pour évoquer le souvenir de ceux qui les ont partagés et qu’elle veut honorer : des visages, des rencontres, des moments de danse qui lui semblent inoubliables,
Parfois, elle cite les interrogations qui lui furent posées : « Etes-vous résolue à être résolument contemporaine ? » Certes, sa danse est totalement contemporaine et les mots pour la théâtraliser s’ajoutent à cette contemporanéité.

Elle exprime combien la danse est l’art vivant par excellence, un art de l’éphémère, du sensible.

Ce spectacle le fait parfaitement ressentir à chaque spectateur dans ce bilan d’une immense danseuse.

Caroline Boudet-Lefort

Visuel de Une (détail) DR PALAIS DES FESTIVALS DE CANNES

Artiste(s)