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Mythologies d’Angelin Preljocaj à Anthéa : fascinant !

Pour son nouveau ballet « Mythologies », Angelin Preljocaj s’est intéressé aussi bien aux mythes antiques qu’aux représentations collectives de la vie actuelle que le philosophe Roland Barthes considérait comme des mythes. Le tout est entremêlé sans représenter une époque spécifique et sans chronologie.

Implanté à Aix, le Ballet Preljocaj s’est associé au Ballet de l’Opéra de Bordeaux dans un travail commun d’une première création mondiale avec une vingtaine de danseurs – dix de chaque compagnie – pour ce ballet fougueux et charnel.

L’inspiration du célèbre chorégraphe s’est tout autant attachée à ce que Roland Barthes, auteur de « Mythologies » (1957), a prouvé : le mythe est un langage. Ainsi, des faits du quotidien d’aujourd’hui sont-ils des mythes : cuisiner un plat aussi bien qu’un match de catch. C’est la répétition qui fait un mythe, et Barthes en a cherché la signification tout en acceptant les contradictions qui s’imposent.

La prouesse d’Angelin Preljocaj est d’avoir chorégraphié, sous forme de possibles saynètes, chacun des mythes qu’il soit d’hier ou d’aujourd’hui.

Il semble parfois difficile de retrouver les mythes antiques entremêlés à ceux de la vie quotidienne actuelle, même si, au passage, on reconnaît les Amazones, le Minotaure, la Toison d’or, les Gorgones, et quelques autres légendes ancestrales....

Dès le début, en fond de scène, un grand écran sur lequel défilent d’immenses photos d’yeux qui regardent le public. Tandis que, au fil des mythes, des danseurs dessinent leurs gestes en duos ou en groupe, souvent enveloppés dans des voiles transparents qui donne un aspect aérien quels que soient le mythe et le tragique exprimés. Ensuite, défileront quelques photos de mains : on le sait les mains parlent et expriment toutes sortes de non-dits.

Preljocaj nous propose une mosaïque de sensations touchantes et sensuelles que les 20 danseurs interprètent dans un parfait langage du corps.

Abordé par Barthes comme un mythe de notre temps, même le catch est représenté par des masques et une danse farouche et agressive. Il conserve pourtant un aspect léger et vaporeux grâce aux mouvements de voilages qu’agitent les danseurs avec des figures jetées, tendues, cabrées. Parfois les corps sont sculptés par la lumière qu’ils soient enveloppés ou parfois dénudés.

Ce ballet d’Angelin Preljocaj fascine par son aspect fantasmé, son approche subjective de ce qui fait un mythe. Le chorégraphe a fait appel à Thomas Bangalter, ex du fameux duo Daft Punk, pour la composition musicale rocailleuse et rapide et changeant sans cesse de registre afin de rythmer ce ballet relevant parfois du fantastique, telle une scène assez horrifique où un loup agresse une enfant (sans capuchon et sans grand-mère).
Cette obsédante partition soutient les danseurs jusqu’à la fin.

Tout s’enchaîne à un rythme effréné qui ne laisse aucun répit dans une suite irréprochable de mythes qu’ils soient antiques ou modernes.

Caroline Boudet-Lefort

Visuel de Une (détail) DR ANTHEA

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