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Fin de cet événement Novembre 2016 - Date du 25 novembre 2016 au 25 novembre 2016

Les Nuits Barbares ou les premiers matins du monde

Après avoir retrouvé ses origines (algériennes) dans Ce que le jour doit à la nuit, Hervé Koubi poursuit sa quête de mémoire à travers le temps et l’espace. Cette fois, il nous invite à un voyage onirique, mise en lumière de temps immémoriaux et de mondes disparus. La culture hip hop et capoeiriste rencontre l’imaginaire de Cocteau ; les requiem de Mozart et Fauré, la musique traditionnelle algérienne.

Perses, Ioniens, Celtes, Babyloniens, peuples de la mer et des steppes, les barbares de ces nuits sont incarnés par 12 danseurs dont la beauté des corps le dispute à leur puissance.

Photo Nathalie Sternalsk

Sous des masques précieux, sans visages d’abord, ils sont ces étrangers, vecteurs de peurs ancestrales. Démasqués, ils révèlent avec une grâce aérienne, des savoirs cachés et un raffinement insoupçonné. Qu’importe que ces barbares ne maîtrisent pas le logos (la langue grecque qui permettait seule la raison), leurs corps possèdent la mémoire des temps anciens et racontent ce qu’il y a d’universel en chacun de nous.

Très impliquée sur le territoire carrossois, la cie Hervé Koubi a imprimé une marque durable dans les esprits en menant avec l’AFJP un travail de compagnonnage depuis plus de quinze ans.

Hervé et ses danseurs ont rencontré à plusieurs reprises les familles, les enfants, les associations de Carros et fait danser des centaines de personnes… La quasi-totalité de ses créations ont été accueillies à Carros.

Les Nuits Barbares ou les premiers matins du monde

« C’est une histoire de chemin, tout est une histoire de chemin... Cinq années passées entre l’Algérie et la France, de part et d’autre de la Méditerranée, cette mer à l’origine de tous ces peuples déracinés et exilés, origine commune, fondamentale, indéchirable de ceux qu’on appelle les Méditerranéens. Alors que je tentais vainement de retrouver la mémoire sur la terre de mes ancêtres, en Algérie, ce sont plutôt de nouveaux liens qui se sont noués, des liens inédits qui m’ont permis de mieux comprendre d’où je venais et peut-être qui j’étais. J’ai rencontré des compagnons d’Art, témoins pour moi d’une histoire perdue. J’ai rencontré ceux que j’aime appeler mes frères retrouvés. J’y ai découvert le goût des autres, j’en suis reparti, pour dessiner les contours d’une nouvelle aventure,gourmand de mystère.Les nuits barbares ou les premiers matins du monde prend sa source dans cette immense et incontournable histoire de notre bassin méditerranéen. Je choisis ici de partager ce chemin qui témoigne de mon envie d’aller vers l’autre, vers l’inconnu à l’encontre d’une actualité dont la machine médiatique qui, jouant de confusion, dicte trop souvent le « nous et les autres , nous les Civilisés, et nos voisins, les barbares » et où le sens étymologique du mot « barbare »(1)cède souvent le pas au sens péjoratif et qualifie celui qui, dépourvu de civilisation et d’humanité, use de la violence avec gratuité.

Certes il est important de savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va mais il est important aussi de savoir d’où l’on parle et il me paraît nécessaire dans le contexte actuel, et je pense qu’il nous est nécessaire à tous, de croire en une universalité des cultures à la fois partagées, métissées et étroitement liées ainsi qu’en un avenir qui selon moi ne peut être que commun. Les nuits barbares ou les premiers matins du monde sera comme un coup de pied donné au fond de la mer quand on s’enfonce dans les ténèbres comme pour mieux remonter à la surface. S’éloigner des ténèbres de l’obscurantisme pour mieux retrouver la lumière de notre histoire partagée.

Qui étaient ces Barbares venus du nord, mystérieux Peuples de la Mer dont la Bible, les chroniques, les monuments anciens relatent les forfaits, sans bien dire qui ils étaient, ni d’où ils venaient ?
Qui étaient ces autres barbares de l’Est, ces génies des temps obscurs, les Perses, Ioniens, Siths et Babyloniens, les arabo-musulmans ?
De quelle Histoire inconnue, oubliée, reprise, assimilée ou effacée sommes nous héritiers ?

Peuples coureurs de steppes ou bâtisseurs de tumulus, peuples avec ou sans dieux, pacifiques ou guerriers, vaincus et pourtant féconds... Il est mille manières de « fabriquer de la société ».L’autre, l’étranger fait et a toujours fait peur. Peur fantasmée avec tout ce que cela révèle dans la confrontation,d’ignorance et de frustration même. Je choisirai donc ici de mettre en scène cette peur ancestrale de l’étranger pour mieux aller chercher et dévoiler tout ce qu’il y a justement de savoirs cachés, de richesses, de raffinements derrière ces cultures barbares et questionner quelques préjugés bien ancrés dans nos esprits habitués à lire le destin de toute l’humanité à travers des œillères occidentales(2). Je veux proposer non pas une réhabilitation de l’Histoire envers ces peuples, ni en faire l’apologie mais y apporter une mise en lumière sensible, pétrie d’humanité et tenter de rendre attachants ces barbares, qui sont eux aussi nos ancêtres. Une forme d’orientalisme avait nourri mes réflexions et rêves d’Orient portées sur Ce que le jour doit à la nuit. La noce barbare de Jean Cocteau(3), les musiques sacrées d’orient et d’occident, les brillantes traces laissées par les cultures Vandales,Perses (et les pratiques des Zurkhanées), Goths, Celtes, Huns, Arabo-musulmanes... nourriront Les Nuits Barbares ou les premiers matins du monde. Je choisis de porter mon regard sur ce qui me paraît le plus beau, les mélanges des cultures, des religions, du sacré à travers l’Histoire pour qu’elles puissent m’aider à dessiner et mieux encore révéler les fondations d’une géographie commune sur laquelle aujourd’hui d’un bout à l’autre du monde nous sommes debout trop souvent sans le savoir. Je veux me saisir aussi de l’Histoire, ouvrir les yeux, glisser vers l’autre, courir vers la Liberté... et me souvenir que le mot barbare se dit aussi Amazigh et signifie l’homme libre.

A la beauté ! Celle qui au delà des guerres parle du mariage, celle qui rassemble, qui tourne le dos à toute revendication identitaire, celle qui prend le meilleur de chacun, qui dans son histoire, son altérité et ses origines de toute façon métissées quoiqu’il en soit, lui rend hommage comme un hymne.
A la Méditerranée qui recèle pour moi tant de pourquoi lumineux où l’aveuglement et les bruissements sont les lettres d’or d’un secret perdu, celui de l’accord absolu de notre désir et de notre destin. (4)A nos origines communes aussi qui se croisent toutes dans la Méditerranée occitane, orientale, provençale, espagnole,italienne, maghrébine, romaine, grecque...
A notre Histoire qui depuis plus de 3000 ans témoigne de tant de cultures dont l’altérité, nous rassemble, oh oui, nous rassemble bien plus qu’elle ne nous éloigne. Qu’importe que nous soyons algériens, espagnols, français... Nous sommes avant tout de la Méditerranée et c’est cela notre appartenance, elle est plus ancienne que les nations.
Hervé Koubi – extraits de notes de travail – Janvier 2015

(1)barbaros – terme utilisé par les anciens Grecs pour désigner les peuples n’appartenant pas à leur civilisation définie par la langue et la religion.
(2) Aline Kiner – Ecrivain et historienne.
(3)œuvre picturale allégorique de Jean Cocteau découverte dans l’enceinte du musée éponyme de Menton, ville si justement posée au bord de la Méditerranée.
(4)Inspiré du récit Méditerranées d’Olivier Py.

Photo Michel Cavalca

http://www.forumcarros.com/spectacl...

Photo de Une : (détail) Michel Cavalca

Artiste(s)

Hervé KOUBI

D’origine algérienne, Diplômé en 2002 du titre de Docteur en Pharmacie / Pharmacien biologiste il a mené en parallèle sa carrière de danseur - chorégraphe et d’étudiant à la Faculté d’Aix Marseille. Il commence la danse à Cannes avec Michèle et Anne-Marie Sanguin et Nathalie Crimi co-fondatrices de l’Espace (...)

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