1915, sur la Côte d’Azur. Proche de sa fin de vie, Auguste Renoir est affecté par la perte de sa femme, les douleurs de son grand âge et l’absence de son fils Jean, blessé au front... Cependant, une jeune fille apparaît dans sa vie qu’elle illumine de sa beauté rayonnante et de sa vitalité juvénile : Andrée, le dernier modèle du peintre va lui transmettre une vitalité inespérée. Il ne se lasse pas de peindre cette dernière muse en la transcendant de splendeur. De retour dans la maison familiale des Collettes à Cagnes, Jean, en fin de convalescence, est à son tour fasciné par l’éclatante jeune fille et va l’aimer malgré les réactions ronchonnes de son père. Grâce à elle, à sa volonté désordonnée mais tenace, Jean deviendra le célèbre cinéaste que nous connaissons.
Le film décrit la naissance de sa vocation, sans qu’il joue à l’artiste, il est plutôt un homme indécis qui cherche sa voie artistique dans un entourage nanti et protecteur. Par la suite, Andrée sera l’actrice fétiche de ses premiers films sous le nom de Catherine Hessling, puis son épouse après la mort du peintre. On perçoit une rivalité masculine entre le père et le fils autour de ce modèle sensuel, pivot d’une circulation de désirs, autant amoureux qu’artistiques. Devenues servantes, quelques anciens modèles sont restées dans la célèbre demeure, travaillant à la cuisine ou à la lessive, et parfois amantes au passage.
Le film ne quitte pas la maison de famille, chaleureuse, enveloppée d’une splendide nature lumineuse photographiée dans des tonalités délicates évoquant les toiles du peintre. Le peintre parle de la lumière que lui offre la région qu’il restitue par des combinaisons de couleurs. Lumière que le cinéaste, écrasé par la stature paternelle, saura utiliser par la suite au cinéma (on pense particulièrement à son chef d’oeuvre « Le Déjeuner sur l’herbe »), et il est intéressant de voir certains rapports entre peinture et cinéma.
Le scénario du film est basé sur le livre de souvenirs écrit par Jacques Renoir, arrière-petit-fils du peintre et petit-neveu du cinéaste. Souvenirs ressuscités ou inventés ? Qu’importe ! Le beau film de Gilles Bourdos capture l’ultime fougue inspiratrice du peintre interprété par Michel Bouquet qui sans chercher la ressemblance s’est approprié le personnage aussi magistralement qu’il avait su le faire pour François Mitterrand dans Le Promeneur du Champ de Mars de Robert Guédiguian, tandis que Jean est joué par l’excellent Vincent Rottiers. Mais le film repose beaucoup sur les frêles épaules de Christa Théret, irrésistible muse charnelle à l’exaltation parfois outrée.