| Retour

CINEMA : Queen of Montreuil - De Solveig Anspach

Sortie en salles le 20 mars 2013

© ExNihilo-MikrosImage

En rentrant chez elle à Montreuil, Agathe (Florence Loiret Caille) rencontre, à l’aéroport, deux Islandais – mère et fils – intrigués par ce qu’elle transporte précieusement. « My dead husband » leur explique-t-elle. Ce sont les cendres de son mari, mort dans un accident, la laissant désemparée pour affronter, seule, les tempêtes de la vie. Elle propose d’héberger les deux touristes en panne de compagnie aérienne en faillite. Un provisoire qui durera. Mais, dans ce monde poétique et solidaire, on obtient encore du boulot en une seule journée, même de nos jours ! Elle retrouve aussi sa tribu habituelle de voisins désireux de l’aider à se remettre à son travail de réalisatrice, preuve que le film – qui sent le tout petit budget – est un rien autobiographique.

© ExNihilo-MikrosImage

Avec un regard attachant, Solveig Anspach rend un hommage émouvant et inhabituel à la banlieue parisienne dans un quartier pavillonnaire où règne encore la solidarité et un humour savoureux dans les relations entre voisins. Immigrés, artistes et marginaux s’entraident, se soutiennent et leur solidarité est la recette miraculeuse pour donner de la légèreté au quotidien. Ces « héros » déphasés enchantent de bienveillance surréaliste leurs propres fictions. La notion d’identité est tellement floue, fluctuante, sujette à caution qu’on s’interroge sur le personnage le plus enraciné dans la réalité. Bien que dotés d’une indiscutable existence physique, ils ont en commun la marginalité délirante d’une petite société fantasque et insolite. Des maladresses linguistiques provoquent des jeux de mots et les Islandais évoquent quelques clichés tenaces sur les Français qui mangeraient escargots et grenouilles à chaque repas. « A Montreuil, il y a une bonne terre pour une bonne herbe ! » informe-t-on l’Islandaise Didda Jonsdottir, championne du pétard au point de s’en rouler un même en haut d’une immense grue exposée au vent, lieu où elle a décidé de travailler pour mieux admirer la capitale. Sans manichéisme, la réalisatrice offre à ses charmants doux rêveurs à la dérive, l’hypothèse d’un miracle, domaine dans lequel elle est elle-même experte, en donnant place à l’improvisation et à des scènes oniriques pour éparpiller les cendres ou courir après une robe de mariée rose. Florence Loiret Caille est parfaite au milieu de tout le petit monde qui peuple ce film. Ce sont les hésitations du coeur de cette Alice au pays des « décalés » qui confèrent au film sa forme bégayante et dispersée. Il y a le voisin qui vient souvent taper cinq euros gentiment donnés. Cet autre serait plutôt un pilier sur lequel s’appuyer. C’est d’ailleurs lui qui gagnera l’amour de la « belle ». Car Florence Loiret Caille est vraiment la Reine de Montreuil, comme l’indique le titre. D’abord fragile, elle va retrouver goût à la vie, sans même péter les plombs quand elle découvre un phoque neurasthénique dans sa baignoire. Mais c’est une longue histoire qui ira jusqu’à imaginer la réincarnation du mari d’Agathe en phoque ! Laissons le spectateur découvrir ce film complètement barré ! Depuis son émouvant « Haut les coeurs », Solveig Anspach a entrepris de faire rire. Réjouissons-nous-en !

Artiste(s)