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MICHEL-ANGE de Andreï Konchalovsky

Ce n’est pas une biopic, mais seulement quelques années de la vie de Michel-Ange durant deux papes qu’il doit affronter l’un après l’autre, Jules II et Léon X, au cours d’une Renaissance qui semble ici plus authentique que celle qui est généralement représentée à l’écran, sans se suffire de beaux atours. On y voit de la boue et du sang et même des pots de chambre vidés par les fenêtres comme cela se pratiquait à l’époque. La pureté blanche du marbre que Michel-Ange recherche pour ses oeuvres contraste avec toute cette saleté. De même que la beauté des lieux et des paysages, dès que l’on s’éloigne des villes.

On ne voit jamais Michel-Ange travailler - sculpter ou peindre - mais le film est axé sur sa recherche pour trouver le marbre du blanc le plus pur, ce qui semble en fait être une part essentielle de son travail, et le marbre devient peut-être l’acteur principal du film : un énorme bloc de marbre de Carrare. Le plus long épisode du film est la descente et le transport de ce monumental bloc de marbre, ce « monstre » scintillant de blancheur, descendu de la montagne grâce à de multiples tailleurs de pierres très musclés. Beuveries et querelles sont de la partie, ainsi qu’un suspens dû à la crainte permanente d’un accident touchant les hommes et le précieux bloc immense et lourd.


Le film est assez lent, mais on s’y enfonce en se sentant de mieux en mieux avec l’impression de pénétrer dans l’univers de l’artiste qui est toujours en train de négocier pour tout, jusqu’à être au bord de la folie, à la fois humain et cruel. Il est sans cesse tiraillé entre les Médicis et les Della Rovere qui se disputent le talent de cet artiste majeur sous la forme d’un mécénat. Dans ce rapport entre sa création et sa vie personnelle, Michel-Ange est parfois rendu antipathique, mais comment créer dans un régime autoritaire ? Entre les ors du Vatican et la vie du peuple dans les rues ? Entre le sacré et le trivial ?

Il y a en Michel-Ange un mélange de « divin » - adjectif que lui attribue ces admirateurs- et de canaille, comme il se définissait lui-même

Il y a sans doute un mélange des deux : l’idéal et la fange. L’un lié à son talent et l’autre à ses conditions de vie et à l’obligation de tout négocier avec le pouvoir et donc l’argent. De plus, il ne recherche pas l’art religieux, l’art sacré. Ses oeuvres ont toujours quelque chose de charnel.

Si le film montre les difficultés pour Michel-Ange avec le pouvoir politique et les puissances d’argent, c’est pour mieux prouver que l’art était, comme aujourd’hui, étroitement lié au commerce et à la politique. Ce sont sans doute les mêmes difficultés et les mêmes querelles qu’a connu Konchalovsky pour réaliser ses films que ce soit avec l’Union soviétique ou la Russie, mais aussi avec les Etats-Unis et l’Europe.

Dans sa magistrale interprétation de Michel-Ange, Alberto Testone, portant la même barbe fournie, est en accord avec le célèbre portrait de ce génie de la Renaissance attribué à Daniele da Voltera. Le film, concentré sur une courte période de la vie de Michel-Ange, est donc passionnant à de multiples niveaux.

Caroline Boudet-Lefort

21 octobre 2020 / 2h 09min / Biopic, Historique, Drame
De Andrey Konchalovsky
Avec Alberto Testone, Jakob Diehl, Francesco Gaudiello
Photo de Une : Alberto Testone |Copyright UFO Distribution

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