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Mère et fils

Film de Calin Peter Netzer
Sortie en salles le 15 janvier 2014

Cette mère et ce fils ont une relation difficile, complexe. Elle, c’est une mère possessive qui en demande toujours plus à son fils trentenaire qu’elle n’accepte pas le voir lui échapper et se détacher d’elle. Femme d’âge mûr, grande bourgeoise friquée de Bucarest, elle est incapable de voir s’éloigner son fils et sort ses griffes face à sa belle-fille qu’elle considère comme une intruse.
Une situation infamante va donner, à cette mère, envahissante et jalouse, l’opportunité de manigancer pour protéger son fils et tenter de le reconquérir : il a tué accidentellement un enfant et risque une sévère peine de prison. Entourée d’amis riches et puissants, la mère trop aimante n’aura de cesse de harceler chacun pour utiliser son influence afin de transformer la situation à l’avantage de son fils. Lui n’en peut plus de cette mère possessive et manipulatrice, de son entêtement à vouloir tout maîtriser. Pourtant, elle sera à son tour victime de ces humiliations qu’elle a dispensées à d’autres.

© Sophie Dulac Distribution

Le film est très bavard, débordant d’agressivité, avec des dialogues échangés tambour battant. Répandue dans tout le pays comme un mal inéluctable, la corruption contamine toute forme de relation, familiale ou sociale. Reconnu pour son style caustique, le cinéma roumain ne cesse de raconter les défaillances du système social du pays où l’argent est roi. Avec des pots-de-vin ou des dessous-de-table, tout se négocie : faux témoignages payants, dépositions fallacieuses, examens médicaux truqués, agissements retors.... La dernière séquence laisse-t-elle supposer une rédemption ? Pas vraiment, c’est plutôt une victoire gagnée à coups de larmes et de chantage, de veuleries et de compromis. Cependant, comment ne pas éprouver un peu de compassion pour cette femme qui se montre enfin un peu démunie, victime elle-même d’un manque qu’elle éprouve dans sa vie de femme et de mère. Son mari, étouffé par elle, semble avoir depuis longtemps démissionné. Ils font chambre à part, la solitude les envahit.

Filmée par une caméra à l’épaule implacable qui donne un tempo accéléré, cette histoire est interprétée avec un talent impeccable par Luminita Gheorghiu, célèbre actrice de théâtre et de cinéma dans son pays. Elle habite intensément son personnage à l’aisance maléfique : à fleur de nerfs et de peau, elle passe, en un geste, de la vulnérabilité à la rage, faisant assaut de corruption, de cruauté, d’égoïsme et de cynisme.

Les films roumains contemporains ne laissent pas indifférents, bien qu’ils soient boudés dans leur pays. Nous avons déjà aimé les films de Cristian Mungiu (Au delà les collines), de Cristi Puiu (La mort de Dante Lazarescu), de Corneliu Porumboiu (Policier, adjectif), voilà que Calin Peter Netzer s’ajoute à la liste avec ce troisième film qui a obtenu l’Ours d’or et le Prix de la FIPRESCI (la presse internationale) au dernier Festival de Berlin. Il est désigné par la Roumanie pour la course à l’Oscar du meilleur film étranger. Si la Roumanie va mal, son cinéma, lui, se porte bien !

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