| Retour

CHRONIQUE CINEMA : "LE HAVRE" Aki Kaurismaki - Par Robert Ceresola pour Art Côte d’Azur

Compétition Officielle Cannes 2011.

Le port de l’angoisse.

Pour qui ne connaît pas Aki, il faut tenir pour acquis qu’au pays du Père Noël et des téléphones portables Nokia, Mr KAURISMAKI est un Dieu vivant qui a révolutionné les cinémas d’Helsinki.

Sorte de Bergman finnois, mais néanmoins plus proche de Jacques Tati et de Pierre Etaix par son style, Aki Kaurismaki révélé à Cannes en 1987 pour "Ombres au Paradis" s’est par la suite illustré surtout avec "L’homme sans passé" Grand Prix du Jury en 2002 où son sens du burlesque et du non sense à fait florès.

Très apprécié chez nous, puisque révélé par le Festival de Cannes, il s’est vu une nouvelle fois sélectionné en 2011 pour son premier film réalisé en France avec pour acteurs principaux Kati Outinen (son actrice fétiche) et les Français André Wilms et Jean-Pierre Darroussin (tous deux excellents !).

L’histoire, parfaitement secondaire, est celle de Marcel Marx, pauvre cireur de chaussures sexagénaire au Havre, dont l’épouse est atteinte d’une grave maladie qu’elle lui cache.
Celui-ci rencontre Idrissa, enfant noir clandestin ayant survécu à un voyage en container depuis l’Afrique avec lequel naîtra une belle amitié, celle des laissés pour compte de la terre.

Sur un sujet aussi misérabiliste, tire-larmes et prolo-populiste, Aki Kaurismaki nous délivre un film au ton totalement décalé, retro-burlesque, aux dialogues irréels à la manière d’un Bertrand Blier, dans une mise en scène punk, bourrée de clins d’œil aux vieux films réalistes français d’avant guerre à "l’atmosphère" si particulière...

Poussant le curseur toujours plus loin, il aiguise notre sens critique sur une situation plus actuelle qu’il n’y paraît, sans jamais permettre au spectateur de se laisser aller à une quelconque compassion pour ces protagonistes qui ne sont que les marionnettes du désastre quotidien.

Un film cynique mais tendre et humain à la fois qui parle plus à notre tête qu’à notre cœur mais pas seulement.
Bien sûr, le formalisme parfois un peu vain du film, style maquette de film, irrite un peu même si au final "Le Havre" dégage du monde désespéré qu’il décrit une énergie et un optimisme revigorants.
Il est donc regrettable que ce film audacieux, débordant de références cinéphiliques soit reparti bredouille de Cannes.

Malgré les faveurs des critiques "Le Havre" a certainement paru trop hermétique à un jury trop éclectique. Mais aux pays de la Vasaloppet on a du souffle... Aki le prochain tour ?

Artiste(s)