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CINEMA : Le Capital - Sortie en salles le 14 novembre

De Costa-Gavras

Attentif à l’environnement politique et social, Costa-Gavras a souvent traité de sujets brûlants passant de la Grèce des Colonels avec Z, aux régimes communistes des Pays de l’Est avec L’Aveu, sans oublier le silence du Vatican durant la guerre de 39-45 dans Amen. Pour suivre l’actualité, ses films les plus récents Le Couperet parlait du chômage et Eden, à l’ouest de l’émigration clandestine. Hier thriller politique, aujourd’hui fiction sociale. Chaque film est l’occasion pour Costa-Gavras d’exprimer ses idées engagées et de délivrer un message. Avec Le Capital, le réalisateur s’attaque au monde de la finance, en s’inspirant du roman de Stéphane Osmont dont le titre fait référence à la fameuse oeuvre de Karl Marx. Enarque ayant longtemps travaillé dans de grandes entreprises, l’auteur est expert de ce monde de requins financiers qui s’agitent dans du virtuel coûtant cher.

Gad Elmaleh et Costa-Gavras sur le tournage
© DR

Un jeune loup (Gad Elmaleh) de la Banque Phénix est nommé Président avec mission de faire ce qu’on lui dit. Aurait-il davantage d’éthique que les autres ? S’il rêve d’abord de moraliser le capitalisme, son idéalisme ne dure pas longtemps. Imbu de son rôle de Président, il piègera ceux qui croyaient le piéger, le cynisme se répand. Plus il licencie, plus il gagne et croit ainsi assouvir sa soif d’argent et de pouvoir dans tous les domaines, même sexuel. Histoire de le manipuler, il est dragué par une vamp (Liya Kebede, magnifique) qu’il croise aux quatre coins de la planète. Chacun baise l’autre, au propre et au figuré. Dans ce pamphlet acerbe sur le capitalisme et ses dérives, le rythme s’affole. Grands chefs, petits chefs, sous-chefs, tous pensent à leur carrière et à l’argent à portée de clic. Prête à tous les avaler, une grosse banque américaine est personnifiée par Gabriel Byrne, roi du cynisme sans cesse présent par Skype. Ils ferraillent entre eux, leur arme est l’argent, toujours plus d’argent capitalisé. C’est le marché qui dicte sa loi. Naïve, une adolescente demande comment peut être dépensé le salaire d’un potentat de la plus grande banque d’Europe. Cette fable sur l’univers de la banque traite de la décadence dans le monde des sphères financières. Il n’est question que de délits d’initiés, de comptes offshore, de stock-options, de fonds spéculatifs, de plans sociaux, et du mot en vogue la compétitivité. L’économie dirige le monde, mais qui dirige l’économie ?

En refusant de jouer les moralisateurs, Costa-Gavras se situe au-delà du cinéma de dénonciation dont il a longtemps été l’un des maîtres. Caricatural et démonstratif, le film n’accuse pourtant personne, il ironise allégrement et laisse le spectateur ahuri devant les magouilles financières et les influences internationales. L’économie et la politique travaillent main dans la main. Des hommes de l’Elysée sont mêlés à ce jeu cruel où le citoyen lambda, quoique absent de l’écran, est toujours le dindon de la farce. « La bourse veut du sang, c’est le citoyen qu’on saigne ».

Mêlées à ce monde de requins virils qui se dévorent entre eux, deux femmes n’arrivent pas à nager dans ce marigot : Natacha Régnier qui joue avec grâce l’épouse, réticente à la course à l’argent, et Céline Sallette, collaboratrice futée qui fuit avant d’être broyée par la machine capitaliste. Gad Elmaleh est impeccable dans son rôle à contre-emploi de big boss. Il clôt le film en enfonçant le clou : « Je suis le Robin des Bois moderne. Je vais continuer à prendre aux pauvres pour donner aux riches ».

Vous pouvez découvrir la bande-annonce en cliquant ici

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