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CRITIQUE CINEMA : KABOOM, Masculin/Féminin - Par Robert Ceresola pour Art Côte d’Azur

Voici la petite "bombe" cinématographique du dernier Festival de Cannes 2010.
"Kaboom" (équivalent anglais de "badaboum") a littéralement explosé aux visages et aux oreilles des festivaliers assoupis qui s’attendaient à voir une énième mouture du film de campus californien pour teenagers acnéiques sur fond de musique Beach Boys, et qui ont en réalité découvert un film époustouflant de fin du monde où les ados, en quête d’identité, hésitent entre sexe, bad trips et mélancolie, vrillés par la peur viscérale de mourir avant l’âge de vingt ans.

Un film totalement bluffant qui, sous des airs potaches et trash, nous parle avec talent et lucidité, des angoisses existentielles des jeunes générations.

Il y a pourtant bien longtemps que son auteur, le cinéaste américain et ouvertement gay Gregg Araki, cinquante et un ans, n’est plus un teenager même s’il fut souvent question dans ses films précédents, notamment "The Doom Generation" ; "Totally Fucked up" ou "Nowhere" de jeunes garçons et filles aux physiques avantageux et à l’orientation sexuelle très ouverte.

Avec "Kaboom", Gregg Araki dynamite notre vision classique du teenager américain "propre sur lui et bon enfant", style "American Graffitti" pour y implanter l’image d’une jeunesse dont le seul credo serait la jouissance tous azimuts comme une ultime aventure avant que le chaos ne la submerge.

L’histoire est la suivante : à l’approche de ses dix neuf ans, Smith le héros (Thomas Dekker) est taraudé par ses pulsions sexuelles. Il traîne avec sa meilleure amie Stella, lesbienne, (Haley Bennett), couche avec London, une magnifique nymphomane (Juno Temple) et désire secrètement son colocataire masculin Thor, caricature de surfeur obsédé par l’auto-fellation. En outre, Smith est persuadé, après avoir consommé force "pâtisseries délirantes" (Space cookies), d’avoir assisté au meurtre d’une jeune fille rousse qui hante régulièrement ses rêves. En enquêtant sur cette prétendue mort, il va s’enfoncer dans un mystère qui changera sa vie et même le sort de l’humanité, comme si ses prémonitions allaient lui révéler le destin funeste du monde.

A la manière d’un Jean-Luc Godard mâtiné de Tarantino ou du sulfureux cinéaste John Waters à ses débuts, Gregg Araki nous délivre un film dérangeant qui mélange prophétie, humour, bizarrerie et sexe dans un univers totalement pop, coloré et déjanté.

La bande son post rock instrumentale (Explosion in the sky) est excellente et les répliques d’une crudité obscène et rigolarde.
A titre d’exemple, celle lancée par l’héroïne du film à un amant trop rapide à son goût :
"J’ai subi des frottis vaginaux qui ont duré plus longtemps"
Ou encore ce dialogue ponctuant un cunnilingus endiablé :
" - Que fais tu ?
- Je te bouffe.
- Tu sais ce n’est pas un plat de spaghettis...".
vous inciterons certainement à éloigner les oreilles chastes de ce film en étant corollairement gêné d’avoir ri ou souri à de telles saillies.

Si néanmoins vous vous sentez disposé à endurer de tels écarts de langage attestant d’une sexualité hilarante et décomplexée, illustrée de précieux moments de dévergondage, vous assisterez alors à une oeuvre qui transcende les codes de conduite traditionnelle en banalisant ce qui semble encore subversif aux générations anciennes et qui constitue néanmoins, bien souvent déjà, un certain quotidien des générations présentes.

En résumé "Kaboom" est un film jeune, hypersexué, apocalyptique qui nous parle avec brio de la confusion des genres qui désormais envahit tout et pas seulement le genre masculin et féminin.

KABOOM
Gregg Araki

Artiste(s)