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PROJECTION : Joana Hadjithomas & Khalil Joreige à la Villa Arson - Cartographier / Documenter / Déplacer – Cycle #3

Troisième cycle cinéma, cartographier/documenter/déplacer, en présence des cinéastes - plasticiens. Un rendez-vous culturel rafraîchissant jusqsu’au 5 avril à la Villa Arson.

“Ce que l’on sait, ce que l’on croit savoir, aujourd’hui des cinémas arabes pourrait tenir en une liste de mots clés qui s’entrechoquent, quand ils ne vont pas jusqu’à se contredire : Paysage vs. Pensée, Peuple + Colère, Sommeil vs. Fantômes, Guerre(s) et Dépôt. D’un coté les corps (meurtris, tétanisés, guerriers, hystériques), de l’autre l’imposition à imaginer ce qui n’est pas là, ou à régler ce qui ne l’est pas (encore). Ces mots sont tous liés à l’histoire. Ces mots sont tous liés à la géographie. On a bien souvent rangés les films arabes (question embarrassante : le cinéma arabe existe-t-il, en dehors d’une appellation contrôlée propre à faciliter les programmations – celle-là, par exemple) sous la double bannière écrasante (cinématographiquement parlant) du Témoignage et de la Mémoire.

Quand, pour mieux y échapper, certains cinéastes (paranoïaques, forcément paranoïaques : par rapport à ces pièges, par rapport à ce que les uns et les autres – à l’intérieur, à l’extérieur-, attendent de leurs films avant même que ceux là réussissent à exister) ont su faire avancer leurs films à travers des interstices bien plus fins, bien moins palpables. Souvent en jouant à coups de déplacements et de réinventions, le jeu de la connaissance et du souvenir, mais en cassant cette métrique à coups d’invention (y compris jusqu’au sens délirant du terme), ou ne s’intéressant à la mémoire que du coté de ses lacunes.
Ce à quoi on a assisté devant les films du palestinien Elia Suleiman ou des libanais Khalil Joreige et Joana Hadjithomas, c’est précisément à la mise en joug des attentes et à la mise en jeu des thématiques devenues trop évidentes. On a assisté au pouvoir du cinéma, de faire et défaire ce manque d’imagination qu’imposent les situations politiques quand elles sont graves.

Un écrivain français goncourtisé nous a récemment rappelé qu’un territoire (aimé, rêvé, revendiqué) inclut forcément une carte. Les films présentés lors de ce cycle nous disent à leur tour que s’il y a carte, il y a forcément déplacement, réinvention. Que s’il y a des frontières, il y a forcément du jeu.

Les frontières (entre les territoires, entre les genres) sont là aussi pour être franchies. Peut-on passer plusieurs frontières à la fois et en même temps ? A eux de nous le dire.”

Philippe Azoury, Critique de cinéma à Libération, collaborateur régulier aux Inrockuptibles et aux Cahiers du cinéma.

DR

PROGRAMME

- Mercredi 4 avril
20h30 >> Projection animée par Philippe Azoury, en présence des cinéastes
Khiam 2000-2007 de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige (Liban, 2007, 1h44, vostf)
Prix Georges de Beauregard du Festival International du Documentaire de Marseille 2008
Créée en 1985, dans la zone de sécurité occupée par Israël depuis 1978 et administrée par sa milice supplétive, l’Armée du Liban-Sud, Khiam était un lieu de non-droit, où régnaient l’arbitraire, la torture, l’humiliation et la privation. Sonia, Afif, Soha, Rajaé, Kifah, Neeman qui ont passé dix ans dans cet enfer. Ils témoignent de la vie quotidienne au camp et disent comment ils ont pu trouver la force d’exister dans cet univers concentrationnaire.
« Libéré en mai 2000, le camp est transformé en musée, puis, lors de la guerre de Juillet 2006, entièrement détruit sous les bombardements. Il est envisagé aujourd’hui de le reconstruire à l’identique. Huit ans après le premier tournage, les cinéastes retrouvent les six détenus. Ils évoquent cette fois avec eux la libération, puis la destruction du camp, et enfin sa reconstitution. La mémoire, l’Histoire, la commémoration et le pouvoir de l’image, tels sont les clefs de ce film en deux volets. » Jean-Pierre Rehm

- Jeudi 5 avril

18h00 >> Programme de courts-métrages et vidéos libanais présenté par Philippe Azoury
* La rose de personne de Ghassan Salhab (Liban, 2000, 12 min)
Le film parcourt à Beyrouth une rue chargée d’histoire, de fiction, mais aussi une rue comme toutes les autres en prise avec le réel. Une automobile dans laquelle un homme et une femme hors-cadre dialoguent à travers les bruits de la rue.

* (posthume) de Ghassan Salhab (Liban, 2007, 28 min)
Réalisé quelques temps après l’agression israélienne de l’été 2006, un essai doublement hanté par l’absence présente de toute fiction et l’omniprésence du réel.

* Le candidat d’Akram Zaatari (Liban, 1995, 10 min)
"C’est une critique sur la promotion des politiciens à la télévision. Un candidat se présentant à la présidence parle de son programme dans un discours général et léger sur des problèmes tels que la résistance et l’éducation". Heure exquise

* Lebanon/war de Rania Stephan (Liban, 2006, 47 min)
"Tourné en juillet et août 2006, ce film est une succession de scènes de rue et de portraits montrant les habitants de Beyrouth qui tentent de vivre malgré les bombardements... L’urgence du tournage et ses conditions de réalisation dessinent les contours d’un pays en guerre." Festival Paris Cinéma

20h00 >> Projections présentées par Philippe Azoury

* A Perfect day de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige (Liban/France/Allemagne, 2006, 1h26, vostf)
Vingt-quatre heures dans la vie de Malek, jeune Beyrouthin victime du syndrome de l’apnée du sommeil. Ce jour-là, il convainc sa mère, avec qui il vit, de se rendre chez un avocat pour déclarer officiellement la mort de son père, disparu quinze ans plus tôt et décide aussi de partir à la recherche de Zeina, la femme qu’il aime mais qui refuse de le revoir. Et si aujourd’hui était « le jour parfait » pour échapper à ses fantômes et retrouver ceux que l’on a perdus ?
« Multi primé, A Perfect Day s’inspire d’une histoire vraie : l’oncle de Khalil Joreige fait partie des dix-sept mille personnes qui ont disparu à Beyrouth durant la guerre. Il décrit l’attente du retour, la difficulté pour la famille à déclarer la mort et à commencer un deuil sans corps. Mais c’est Beyrouth qui est avant tout au cœur du sujet. On découvre une ville en effervescence, marquée par la guerre et à l’avenir incertain. Les auteurs définissent A Perfect Day comme « un film politique qui tente de battre en brèche les représentations dominantes autour du monde arabe », qui parle du présent et des tentatives de vivre là-bas et maintenant. » Festival Paris Cinéma

* Je veux voir de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige (France/Liban, 2008, 1h15, vostf)
« Juillet 2006. Une guerre éclate au Liban. Une nouvelle guerre mais pas une de plus, une guerre qui vient briser les espoirs de paix et l’élan de notre génération. ?Nous ne savons plus quoi écrire, quelles histoires raconter, quelles images montrer. Nous nous demandons : « Que peut le cinéma ? ».?Cette question, nous décidons de la poser vraiment. Nous partons à Beyrouth avec une « icône », une comédienne qui représente pour nous le cinéma, Catherine Deneuve. Elle va rencontrer notre acteur fétiche, Rabih Mroué. Ensemble, ils parcourent les régions touchées par le conflit.?A travers leurs présences, leur rencontre, nous espérons retrouver une beauté que nos yeux ne parviennent plus à voir. ?Une aventure imprévisible, inattendue commence alors… » Khalil Joreige, Joana Hadjithomas
« [...] Le film aura rendu perceptibles la véritable singularité et la véritable puissance du « voir » cinématographique : pas un savoir ni une maîtrise esthétique, mais un agencement des regards, l’organisation sensible d’une assemblée de regardeurs, dont aucun ne peut être à la place de l’autre, et dont aucun, seul, ne pourrait voir, ni donner à voir quoique ce soit, mais dont la communauté fragile rend possible un autre accès au monde. » Jean-Michel Frodon – Les Cahiers du cinéma.

Les invités

Joana Hadjithomas et Khalil Joreige. Ce couple de cinéma construit, depuis les années quatre-vingt-dix, un travail, entre fiction et document, autour des conflits qui ont marqué l’histoire contemporaine du Liban. La confrontation du visible et de l’invisible, des faits et du récit, de la logique et du hasard, leur cinéma interroge les processus à l’oeuvre dans toute construction en image d’un réel qui se dérobe.

Philippe Azoury. Critique de cinéma à Libération, collaborateur régulier aux Inrockuptibles et aux Cahiers du cinéma. Il a aussi co-fondé un blog consacré aux livres (Discipline in Disorder) et écrit régulièrement sur la musique électronique (Alainfinkiel-kraustrock). Il a publié plusieurs ouvrages de cinéma : Fantômas..., Jean Cocteau et le cinéma...et A. Werner Schroeter... Il est aujourd’hui reporter pour le Nouvel Observateur.

Jean-Yves Jouannais. Cela fera bientôt trois ans que Jean-Yves Jouannais s’est lancé, au Centre Pompidou, dans la construction de A à Z d’une Encyclopédie des guerres, courant des origines à 1945. Proche de la performance, chaque entrée est commentée en direct, critiquée, réécrite au fur et à mesure et durant la lecture, sont projetés tous types d’illustrations : cartes, photographies, tableaux, extraits de films, actualités d’époque, dessins animés, vidéos d’artistes, etc.

Plus d’information sur le site de L’ECLAT

Lieu d’Expériences pour le Cinéma et les Lettres, Arts et Technologies
Villa Arson - 20 avenue Stephen Liégeard, 06100 Nice
04 97 03 01 15 / 19 – http://www.leclat.org

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