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CINEMA : Foxfire - De Laurent Cantet

Sortie en salles le 2 janvier 2013

En 1955, dans une petite ville américaine, cinq adolescentes forment un gang pour s’opposer à la société des hommes et se venger de leurs humiliations ou gestes trop entreprenants. Laurent Cantet a adapté, en anglais, le roman de Joyce Carol Oates, Foxfire – Confessions d’un gang de filles. « Foxfire » est le nom d’une véritable bande de hors-la–loi dont les liens sont forgés sur la loyauté, la fidélité et la confiance et dont les victimes sont toujours des « mâles ». Chroniqueuse officielle, Maddy est responsable de traduire leurs actes en mots tapés sur une vieille machine à écrire dont l’achat est largement narré. Elle raconte l’origine de Foxfire en rédigeant un rapport permanent destiné aux seules adeptes du gang, mais qui deviendra le récit du livre et ce que raconte la voix off du film. Cette chronique permet d’éluder le pire des mensonges « faire le mal pour le mal » et d’énoncer les règles originelles avec un pacte de sang obligatoire pour toute arrivante dans le gang. La bande est menée par Legs (Raven Adamson), la plus téméraire, la plus provocatrice. Révoltée féline, chef adulée, meneuse dominatrice, son influence sur ses « soeurs de Foxfire » sera déterminante pour leur avenir. La vision du monde qu’elle leur propose est audacieuse, culottée même... Avec des fous rires juvéniles - et parfois des contacts un peu troubles d’ados - elles écrivent des injures sur le tableau de la classe, en gardant le sentiment d’être invisible, et écrivent partout des slogans, tel : $ = merde = mort. Leurs liens entre elles évoluent jusqu’à décider de vivre en communauté, d’acquérir une maison, de définir les taches quotidiennes, mais l’argent vient à manquer et les mots aigres arrivent. L’illusion sur leur mode de vie n’est plus la même. Quelque chose a changé...

Après avoir envisagé de transposer en France l’action du livre de Joyce Carol Oates, Laurent Cantet a préféré la reconstitution d’époque aux Etats-Unis. L’imagerie américaine qu’il montre évoque des tableaux d’Edward Hooper, particulièrement dans les scènes de bar. Comme les gamins d’Entre les murs, les interprètes sont surtout des adolescentes non professionnelles magistralement dirigées. Cantet les a dénichées dans des écoles ou des foyers de Toronto (le tournage du film s’est fait dans le Nord des Etats-Unis, à proximité du Canada). Cadrées souvent en gros plans, toutes ces « indignées » sont formidables. Le réalisateur les filme sans angélisme, ni sans les glorifier, mais toujours avec tendresse.

Sans que ce soit démonstratif, les oeuvres de Laurent Cantet ont toujours une dimension politique : sociale dans Ressources humaines, psychologique dans L’Emploi du temps, sexuelle dans Vers le Sud, ou culturelle dans Entre les murs. Cette fois, il s’intéresse au machisme et aux frustrations de jeunes filles qui découvrent certaines conventions de la vie qu’elles voudraient chambouler. Se nourrir d’idéalisme et vivre d’utopies peut être dangereux, comme le prouve la fin de ce film formidable. Une réussite !

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