LES COMBATTANTS De Thomas Cailley
Après la mort de leur père, un jeune homme réservé (Kevin Azaïs) compte bosser tout l’été avec son frère dans l’entreprise familiale de menuiserie. Mais, il rencontre une fille (Adèle Haenel), sportive style garçon manqué, qui rêve de s’engager dans l’armée pour soi-disant y trouver les moyens de survivre à la fin du monde.
Aussitôt la question des genres est posée : la domination, c’est pour elle qui, plus costaude, gagne dans la castagne.
Heureusement, lui sait s’adapter et improviser dans la vie.
D’abord il a de l’imagination à revendre pour alimenter les rêves les plus débridés de celle qui l’entraîne, malgré elle, à s’engager à ce stage d’entraînement militaire où il s’impose comme son garde du corps.
Vite déçus par les valeurs de l’armée, tous deux se créent un univers (réjouissant pour le spectateur !) : une cavale de robinsons qui leur révèle un Eden perdu. Sans tomber dans les clichés de la comédie romantique aux rôles croisés et, plus précisément, l’inversion des genres chère aux comédies américaines d’antan où madame portait la culotte, ce sera, ici, une mutation progressive des genres imposés. Sous le camouflage du treillis, l’identité sexuelle se perd en parcours du combattant. Mais, ce sont plutôt des combattants de l’amour. Des combattants bien fragiles, en vérité !
Chacun à leur manière, garçon et fille se rejoignent sur leur capacité à se relever, à agir, à s’inventer des mondes.
A notre époque de plus en plus réactionnaire, « Les Combattants » remet en question la féminité et la virilité et montre que le couple peut se construire hors des stéréotypes véhiculés dans la société et au cinéma en général.
Après « L’homme qu’on aimait trop », c’est le deuxième grand rôle de l’été interprété par Adèle Haenel. Fiévreuse, emportée, amoureuse, agaçante, nageuse, boudeuse, irrésistible, la comédienne est craquante dans ce personnage d’indomptée aux épaules carrées, à la dégaine de sportive et au parlé brut, qui assume avec fatalisme l’engrenage d’une vie belliqueuse. Mais son partenaire, dans un registre plus délicat de personnage lunaire, s’en tire tout aussi bien. Le tandem fonctionne à merveille. Complémentaires et dosant parfaitement leurs différences, les deux acteurs apportent leur tonalité à cette comédie. La galère et l’envie de s’en sortir les rapprochent, tissant un lien poétique entre eux et leur ouvrant des horizons plus larges, des perspectives plus grandes. Le spectateur partage leurs rites, leurs fantasmes, leurs croyances.
Dans ce premier long-métrage, avec une musique électro sympa, Thomas Cailley est capable, grâce à une nature triomphante, de transformer un coin des Pyrénées-Atlantiques en un paysage du Montana.
Dans ce récit d’apprentissage et cette histoire d’amour improbable entre deux êtres que tout oppose, il révèle un style singulier sur l’apprivoisement de l’autre. Deux personnages divergents dont l’un prend l’ascendant sur l’autre était déjà le thème de son court-métrage « Paris Shanghai », largement primé dans divers festivals.
Avec un humour délirant, des dialogues épatants et une drôlerie irrésistible, « Les Combattants » a été la bonne surprise de la dernière Quinzaine des Réalisateurs !
Le succès en salles de ce film, irrésistiblement comique et profondément émouvant, sera-t-il égal à son triomphe cannois (standing ovation et trois prix) ?
Parfois il y a des surprises !