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Jimmy’s Hall

Film de Ken Loach
Sortie en salles le 2 juillet 2014

La rumeur - via Thierry Frémaux, Délégué général du Festival de Cannes - en faisait un chef d’oeuvre ! Pourtant le nouveau film de Ken Loach, « Jimmy’s Hall », n’est pas son plus réussi. Sans doute, est-il trop programmatique et démonstratif.
Comme « Le Vent se lève », Palme d’or en 2006, le film a pour cadre l’Irlande où se déroule l’histoire vraie de Jimmy Gralton, figure légendaire des années 30. Pour éviter de se faire tuer, un jeune socialiste a fui, dix ans plus tôt, aux Etats-Unis. Il revient au pays afin d’aider sa mère à s’occuper de la ferme familiale. Dans cette campagne perdue, il va redonner vie à un centre dansant et culturel, abandonné il y a dix ans, alors que c’était un espace de liberté pour toute la jeunesse environnante en mal de lieu où s’amuser et s’instruire. Jimmy a rapporté d’Amérique un gramophone et quelques disques en vogue, et, sur l’insistance de tous, il reconstruit ce foyer pour chanter, danser, vivre... Cependant, peu à peu, cet espace animé et chaleureux devient à nouveau la cible à éliminer de l’Etat et de l’Eglise qui vont réussir à le détruire.
Jimmy Gralton est le seul Irlandais à avoir été expulsé sans procès de son propre pays comme un « immigré clandestin ». Son histoire n’est pas connue même en Irlande, toutes les archives officielles le concernant ayant été éliminées par le Pouvoir. Pourtant, ce héros mythique fut très célèbre durant sa vie et reste dans certaines mémoires grâce au souvenir entretenu par sa famille. C’est donc une histoire intimiste sur laquelle le scénariste et le réalisateur ont supposé, imaginé, improvisé, pour construire leur personnage, se contentant d’une documentation sur le climat politique de l’époque, et en sachant que ce héros refusait de courber l’échine devant la hiérarchie catholique.
L’Eglise d’alors fait alliance avec les nantis, tant propriétaires terriens que politiques. Quoique reconnaissant à Jimmy son intégrité, le prêtre (formidable Jim Norton) reste implacable, tout en laissant poindre un rien d’humanité que n’avaient guère alors, en Irlande, les gens d’Eglise qui se sont montrés abominables et intolérants.
La tension du film doit beaucoup à l’extrême densité de la vie de Jimmy Gralton, de retour d’une fuite il sera à nouveau obligé de fuir. Preuve que l’Histoire se répète : elle s’est répétée alors et ce pourrait être pareil aujourd’hui.
Le film se regarde comme l’évocation efficace d’une région perdue de l’Irlande d’alors, avec quelques précieux moments de musique folk irlandaise qui montrent des gens de gauche joyeux dans leur lutte de classes. Se révolter c’est joyeux et demande une vitalité qui fait partie des changements révolutionnaires. Avec son esprit frondeur et curieux, Jimmy Gralton pourrait sans doute être considéré comme un double - ou une sorte d’esprit en creux - du cinéaste : il est l’incarnation humaniste d’un monde en voie de disparition, fidèle à ses principes, fût-ce contraire à ses intérêts.
Ken Loach fait du Ken Loach ! Donc, rien de nouveau dans ce film bien écrit et bien réalisé avec un message cher à Ken Loach qui a toujours défendu les classes modestes et laissera l’oeuvre cohérente d’un marxiste convaincu, prouvant que le 7ème Art est un moyen de regarder le monde.

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